Algérie : ces citoyens bloqués en Libye
Coincé en Libye du fait de la crise sanitaire et du conflit civil, un groupe d’Algériens attend désespérément l’autorisation de rentrer au pays.
« Je ne comprends pas ce que les autorités attendent ! Le sol algérien est à deux mètres. Il suffit simplement qu’on nous autorise à franchir la barrière et on sera chez nous. Ce n’est pas comme s’il fallait mobiliser des bateaux ou des avions pour nous rapatrier… »
La gorge nouée, Mohamed Laïd Belguidoum contient difficilement son désespoir. Arrivé à Tripoli pour travailler en février dernier, cet entraîneur de football originaire de Sétif pensait retourner en Algérie au bout d’un mois. Mais, crise sanitaire oblige, l’Algérie a fermé ses frontières terrestres, maritimes et aériennes en mars dernier. Mohamed s’est retrouvé bloqué en Libye.
Appel aux responsables
Il décide alors, avec une cinquantaine de ressortissants algériens, de se rapprocher du poste-frontière de Deb Deb, dans la wilaya algérienne d’Illizi, après de multiples tentatives de rapatriement avortées. Tous se réunissent à Ghadamès, ville libyenne frontalière de l’Algérie. Et s’enregistrent sur des listes de rapatriement.
C’était il y a un mois. Depuis, ils attendent une réponse.
On erre à Ghadamès depuis le 11 septembre
Des familles, des cadres travaillant entre l’Algérie et la Libye, des foreurs, des jeunes venus pour des missions ponctuelles ou encore des conjoints de Libyens… Parmi la cinquantaine de ressortissants coincés à Ghadamès, les profils varient. Las de se démener quotidiennement pour rien, ils appellent aujourd’hui les responsables de leur pays à réagir.
« On erre à Ghadamès depuis le 11 septembre. Chaque jour nous allons voir la police aux frontières (PAF), en vain », regrette Sofiane Belyaakoubi, 29 ans. Selon lui, celle-ci donne toujours la même réponse : elle ne peut rien faire sans autorisation « d’en haut » et les Algériens bloqués doivent encore patienter.
Même son de cloche du côté de la wilaya d’Illizi. Les Algériens bloqués en Libye racontent avoir rencontré le représentant du wali (préfet) le 11 octobre. Il leur aurait annoncé ne pas pouvoir les laisser passer tant qu’il n’a pas l’accord du ministère de l’Intérieur. Et que si ça ne tenait qu’à lui, ils seraient déjà rentrés en Algérie.
Parfois je dors dehors
À l’absence de perspectives s’ajoute le manque d’argent. Après avoir perdu son emploi dans la restauration, Sofiane, un jeune Oranais, se retrouve sans logement et sans revenus. « Lorsque j’ai ma famille au téléphone, je mens pour ne pas les inquiéter. Je leur dis que j’ai du travail, de l’argent… Mais en réalité, j’ai tout dépensé pour dormir à l’hôtel. Maintenant, je n’ai plus rien. Parfois je suis hébergé, parfois je dors dehors, confie-t-il. Il y a des cas pires que le mien. L’une des ressortissantes algériennes présentes avec nous à Ghadamès est seule avec son bébé de 26 jours… »
« Le bébé est tombé malade, reprend une autre Algérienne du petit groupe, qui préfère rester anonyme. Au lieu de l’hospitaliser à deux pas, à l’hôpital d’Illizi, les [ressortissants] algériens qui aident la mère ont dû parcourir 600 kilomètres pour le faire soigner à Tripoli. »
En territoire instable
Les Algériens sont d’autant plus inquiets qu’ils se trouvent en territoire instable. Depuis la mort de Kadhafi en 2011, la Libye a connu plusieurs guerres civiles, dont la dernière, déclenchée en avril 2019 par Khalifa Haftar, a causé le déplacement de dizaines de milliers de Libyens, accentuant ainsi la pression sur le logement en Tripolitaine.
Le poste-frontière terrestre de Ghadamès n’a rouvert, et de manière partielle, qu’en août 2019, après une fermeture de plus de cinq ans en raison du conflit entre l’Armée nationale libyenne (ANL), du maréchal Haftar, et le Gouvernement d’union nationale (GNA), de Fayez al-Sarraj. Avant de se refermer début septembre, toujours au nom de la crise sanitaire.
Selon les médias locaux, depuis la crise du Covid-19, entre 1 200 et 2 000 ressortissants algériens situés en Libye ont pu regagner leur pays par Illizi. Contactées par Jeune Afrique, les autorités algériennes n’ont pas donné suite à nos questions sur le sort de la cinquantaine d’Algériens bloqués chez le voisin de l’Est.
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