Côte d’Ivoire : entre Ouattara et Bédié, les fantômes de l’ivoirité

Près de vingt ans après avoir été l’un des ferments de la crise politico-militaire, la question de l’ivoirité se réinvite dans la campagne pour l’élection présidentielle du 31 octobre. Au risque de réveiller les vieux démons identitaires.

Lors d’une manifestation de partisans de Ouattara, en septembre 1999, lorsque la nationalité ivoirienne de ce dernier avait été remise en cause par les autorités de l’époque. © Jean-Philippe KSIAZEK/AFP

Lors d’une manifestation de partisans de Ouattara, en septembre 1999, lorsque la nationalité ivoirienne de ce dernier avait été remise en cause par les autorités de l’époque. © Jean-Philippe KSIAZEK/AFP

BENJAMIN-ROGER-2024

Publié le 14 octobre 2020 Lecture : 8 minutes.

La vidéo aurait pu passer inaperçue mais elle a fait grand bruit pendant plusieurs semaines. Tournée le 5 juin 2019, à Daoukro, elle montre Henri Konan Bédié s’exprimer devant une délégation du Parti démocratique de Côte d’Ivoire (PDCI) venue de Koumassi (Abidjan). Costume gris, col mao, le « Sphinx » commente la situation politique, puis embraye d’une voix posée sur l’orpaillage clandestin.

« Prochainement, je parlerai de faits troublants. D’abord, les conflits intercommunautaires. Ensuite, de ce que recouvre le phénomène de l’orpaillage en Côte d’Ivoire, puisqu’on fait venir des étrangers armés qui sont stationnés dans beaucoup de villages. S’ils sont armés, c’est pour servir à quoi ? Il faut simplement que nous soyons conscients, car le moment venu, nous agirons pour empêcher ce hold-up sur la Côte d’Ivoire, sous le couvert de l’orpaillage. Nous dénoncerons aussi d’autres qu’on fait venir clandestinement. Cela se passe surtout dans la commune d’Abobo. Les gens rentrent, on leur fait faire des papiers et ils ressortent. Certains repartent, d’autres restent. Et tout cela dans quel but ? Si c’est pour venir fausser les élections de 2020, nous préférons le savoir. »

« Haine de l’étranger »

Et d’ajouter, impassible face au micro : « Mais nous traiterons de tout cela un jour car les précédents doivent nous servir. Nous avons fait venir des étrangers dans nos plantations de café-cacao et ensuite les gens se sont installés à leur propre compte. Et aujourd’hui, ils agressent les planteurs ivoiriens et se disputent même la propriété des terres. Cela devrait nous servir. Il faut que nous réagissons pour que les Ivoiriens ne soient pas étrangers chez eux. »

Trois jours plus tard, le gouvernement dénonçait des propos « d’une extrême gravité, appelant à la haine de l’étranger » et « de nature à mettre en péril […] l’unité nationale et la stabilité du pays ». Contribuant du même coup à donner de la visibilité à cette vidéo, son communiqué ajoutait que « l’instrumentalisation de la haine de l’étranger par le président Henri Konan Bédié et les dérives qui en ont résulté ont été à la base des différentes crises que [le] pays a connues depuis le décès du président Félix Houphouët-Boigny, en décembre 1993 ».

L’ivoirité est redevenue un argument politique

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