Guinée – Ousmane Gaoual Diallo (UFDG) : « La candidature de Cellou Dalein Diallo ne légalise pas celle d’Alpha Condé »

À la veille de son ultime face-à-face avec Alpha Condé, Cellou Dalein Diallo clôt ce jeudi dix jours de campagne présidentielle à travers la Guinée. Et rejette d’ores et déjà les résultats dans le fief de son adversaire, explique à JA son conseiller politique, Ousmane Gaoual Diallo.

Cellou Dalein Diallo, lors d’un meeting de campagne à Mamou, dans la Fouta-Djalon. © DR / UFDG

Cellou Dalein Diallo, lors d’un meeting de campagne à Mamou, dans la Fouta-Djalon. © DR / UFDG

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Publié le 15 octobre 2020 Lecture : 7 minutes.

« Alpha Condé ne peut pas gagner. » Alors que sa campagne électorale à travers le pays s’achève, Cellou Dalein Diallo veut y croire. Et ce, alors même que le chef de file de l’opposition considère que « les conditions d’un scrutin équitable ne sont pas réunies ».

Depuis dix jours, à chacune des étapes de sa campagne, l’ancien Premier ministre de Lansana Conté fait le même geste : juché sur le 4×4 qui le conduit au milieu de la foule de ses partisans vers le lieu du meeting du jour, il pointe du doigt la montre qu’il porte au poignet gauche. Une manière de dire : « L’heure du changement est venue. »

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Des fiefs de son adversaire Alpha Condé, il ressort en s’affirmant « surpris » par le « soutien massif » qu’y a reçu son parti, l’Union des forces démocratiques de Guinée (UFDG). Et veut y voir le signe de la désaffection de la jeunesse à l’égard du président sortant, candidat à un troisième mandat controversé.

À Kankan, pourtant, il n’a pas pu tenir son meeting, le 11 octobre. Des jeunes ont bloqué son convoi avant qu’il ne parvienne dans la capitale du pays malinké, et des affrontements ont éclaté entre les partisans de Condé et les siens.

Au sortir d’une campagne électorale tendue, lors de laquelle les deux camps s’accusent mutuellement d’instrumentaliser la question ethnique à des fins électoralistes, Ousmane Gaoual Diallo, conseiller politique de Cellou Dalein Diallo et directeur de la Communication de l’UFDG, répond aux questions de Jeune Afrique.

Ousmane Gaoual Diallo, conseiller politique de Cellou Dalein Diallo, aux côtés du candidat de l'UFDG pendant la campagne présidentielle. © DR

Ousmane Gaoual Diallo, conseiller politique de Cellou Dalein Diallo, aux côtés du candidat de l'UFDG pendant la campagne présidentielle. © DR

Jeune Afrique : Quel est le principal message de votre candidat, qui termine une tournée au quatre coins de la Guinée ? Quelles seraient ses priorités en cas de victoire ? 

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Ousmane Gaoual Diallo : Notre première priorité, c’est de réconcilier et d’unir les Guinéens. Nous allons mettre en œuvre les recommandations de la commission nationale de la réconciliation, afin de solder un passé qui continue de diviser. À ce moment-là seulement, nous nous attèlerons à nos axes prioritaires, qui concernent l’éducation, la santé, les infrastructures routières, la justice, les institutions militaires. Ces secteurs ne peuvent se reconstruire sur les bases d’une société divisée.

L’UFDG s’est joint à l’appel à manifester ce jeudi lancé par le Front national pour la défense de la Constitution (FNDC). En décidant de se porter candidat, Cellou Dalein Diallo a rompu avec la ligne du boycott, suivie par ce dernier. Quels rapports conservez-vous avec vos alliés d’hier ?

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Le FNDC n’est pas notre allié. Nous en sommes membres à part entière, même si nous ne sommes plus présents au sein des organes de décision. Cette structure a été créée par les organisations politiques et de la société civile pour défendre la Constitution de 2010 et s’opposer au troisième mandat. Ces objectifs, nous les poursuivons à travers la candidature de Cellou Dalein Diallo. Ce sont deux démarches complémentaires pour le même objectif.

Plusieurs membres ou ex-membres du FNDC sont aujourd’hui candidats à l’élection. Pourquoi n’êtes-vous pas parvenu à désigner un candidat unique ?

Ce sujet divise la classe politique et n’a jamais été tranché. Mais ceux qui pouvaient se présenter ont décidé de le faire. L’essentiel, c’est qu’ils s’engagent pour l’alternance et s’alignent derrière celui qui, parmi eux, arrivera au second tour.

Avez-vous l’assurance que les onze candidats de l’opposition feront front commun, dans l’hypothèse d’un deuxième tour ?

Un accord en ce sens a déjà été signé dans le cadre de l’Alliance nationale pour l’alternance démocratique. Ils se sont engagés publiquement.

N’est-il pas paradoxal de participer à un scrutin dont, par ailleurs, vous affirmez qu’il est illégitime ?  

Tout d’abord, la candidature de Cellou Dalein Diallo ne légalise pas celle d’Alpha Condé, qui a prêté serment à plusieurs reprises devant une Constitution qui lui interdit d’être candidat à un troisième mandat.

Ensuite, il faut rappeler que nous sommes dans une situation d’imbroglio juridique. La Constitution de 2010 adoptée par consensus est suspendue, une autre a été soumise au peuple par référendum, et une troisième a été promulguée… Ces trois textes sont différents : lequel s’impose aujourd’hui aux Guinéens ?

Enfin, le code électoral, qui fixe les conditions de candidature et les règles de cette élection, est adossé à la Constitution de 2010, qui a été suspendue. C’est ce qui fait que des conditions édictées dans la nouvelle Constitution, comme l’obligation de parrainage pour les candidats, n’ont pas pu être mises en œuvre.

Malgré tout, la candidature de Cellou Dalein Diallo, qui est légale et légitime, ne vient pas effacer ces turpitudes.

S’il y a une partie du territoire qui est exclusivement réservée à Alpha Condé, il y a un problème fondamental

Critiquée par votre parti qui lui reproche un manque de transparence dans le processus de décompte des voix, la Commission électorale nationale indépendante [Ceni] a réaffirmé son impartialité. Avez-vous reçu des assurances quant à l’accès aux procès-verbaux des bureaux de vote lors du scrutin ?

La loi dit que chaque candidat doit avoir un représentant dans chaque bureau de vote et doit repartir avec une copie du procès-verbal. Est-ce qu’il appartient à la Ceni de s’interroger sur la nécessité ou non de respecter la loi ?

La Ceni a affirmé avoir des difficultés techniques pour disposer, le jour du scrutin, de suffisamment de copies des procès-verbaux…

Ces dispositions ne sont pas nouvelles et ne peuvent être soumises à discussion. Au moment de réfléchir au budget, il fallait tout mettre en œuvre afin de se conformer au code électoral. La Ceni connaissait le nombre de candidats ; à elle de s’assurer qu’il y aura suffisamment de copies à leur disposition.

Par ailleurs, nous constatons d’autres violations du code électoral, notamment en ce qui concerne l’affichage des listes, qui n’a pas été effectué. Enfin, la sécurité des représentants des différents candidats en Haute-Guinée pose question. Les préfectures de Kankan, de Kouroussa, de Sirigui, de Kerouané, sont devenues des régions de non-droit. Il revient à la Ceni de décider qu’en raison de l’insécurité qui y règne et de l’incapacité de l’État à garantir la sécurité des candidats, des électeurs et des délégués, il n’y aura pas d’élections dans ces régions.

Aucun des douze candidats n’a pu faire campagne là-bas, à part Alpha Condé. S’il y a une partie du territoire qui est exclusivement réservée à Alpha Condé, il y a un problème fondamental. Cela veut dire que l’on n’a pas accès à nos électeurs.

Si on nous prive du droit d’aller nous adresser à nos concitoyens, on ne pourra certainement pas se rendre dans les bureaux de vote. Si l’État est incapable de préserver la sécurité dans cette région, il faut accepter de ne pas l’inclure dans le processus électoral, afin de garantir une élection transparente et crédible.

Vous vous apprêtez donc à concourir à une élection en considérant que les résultats de la région qui réunit 22 % du corps électoral national ne peuvent être pris en compte…

Absolument. Si on ne peut pas permettre aux délégués d’être présents, après avoir empêché les onze candidats de faire campagne, cela veut dire que le RPG est seul dans la région. Ce n’est pas la peine de considérer qu’il y a une élection en Haute-Guinée. Ce n’est pas une volonté, c’est un constat, une situation désagréable qui est en train de prendre une tournure dramatique pour notre pays. Nos militants sur place sont pourchassés, leurs biens saccagés, dans l’indifférence totale de l’État.

Alpha Condé a appelé ses partisans au calme cette semaine…

Est-ce suffisant ? Des individus sont ciblés à cause de leur patronyme. Ils sont parfois attaqués alors même qu’ils ne sont pas des militants de l’UFDG, mais simplement parce qu’ils appartiennent à la communauté peule. C’est quelque chose d’extrêmement dangereux.

Vos adversaires vous reprochent d’instrumentaliser, vous aussi, les questions ethniques à des fins politiques. À Labé, le fief de Cellou Dalein Diallo en Moyenne-Guinée, le convoi du Premier ministre, Ibrahima Kassory Fofana, a été attaqué le 29 septembre par des militants de l’UFDG.

Le préfet de Labé [El hadj Safioulaye Bah] a dit lui-même que le Premier ministre n’était pas visé par les attaques. Si des militants ont attaqué le cortège, ils doivent être jugés et condamnés par l’État. C’est son rôle. Il ne peut pas justifier la violence d’aujourd’hui par celle d’hier, sauf à instrumentaliser cette violence. Nous appelons nous-mêmes nos militants à la retenue, car nous n’avons aucun intérêt à aller dans cette voie.

La Communauté économique des États de l’Afrique de l’Ouest [Cedeao] est impliquée dans le processus électoral pour cette présidentielle. Qu’en attendez-vous ?

Rien du tout. C’est une institution qui devient une organisation clanique, au service de ceux qui sont au pouvoir, quand bien même elle continue d’être considérée comme une référence par les autres organisations internationales. L’Union européenne et les Nations unies, quant à elles, n’ont pas voulu s’associer à ce processus biaisé.

Quelle sera votre réaction en cas de victoire d’Alpha Condé ?

S’il remporte cette élection de manière transparente et crédible, nous reconnaîtrons le résultat sans difficultés. Mais tout dépend de la qualité du scrutin. On ne peut pas reconnaître quelqu’un qui ne compte que sur la violence, la fraude et la corruption pour s’emparer des leviers du pouvoir. La Constitution a donné aux citoyens la liberté de s’exprimer et de manifester. Dans ces conditions-là, nous prendrons position dans la rue, aussi longtemps qu’il le faudra.

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