Dérapages contrôlés

Sur fond de croissance soutenue, le pays multiplie les efforts de rigueur pour renouer avec le FMI et bénéficier d’allègements de sa dette.

Publié le 10 août 2007 Lecture : 7 minutes.

La fin de l’année 2007 est attendue avec impatience à Brazzaville. Car si tout va bien, le Congo pourrait enfin arriver au point d’achèvement de l’Initiative internationale en faveur des pays pauvres très endettés (PPTE). À la clé, la mise en uvre de mesures d’allègement de la dette publique extérieure, qui représente la quasi-totalité (89,1 %) des exportations de biens et de services du pays. Une grande bouffée d’oxygène pour les finances publiques, après un an d’efforts pour reprendre un programme formel avec le Fonds monétaire international (FMI). C’est en effet à la suite des conclusions peu favorables de la revue du FMI d’octobre 2006 que la troisième et dernière tranche de l’accord triennal au titre de la Facilité pour la réduction de la pauvreté et pour la croissance (FRPC), signé le 6 décembre 2004 avec le Fonds, n’a pu être mise en uvre. En cause : les dépassements budgétaires tant du côté des dépenses de fonctionnement que de l’investissement. Fin décembre dernier, ils se chiffraient à un total atteignant 181 milliards de F CFA (276 millions d’euros), soit l’équivalent de 4,5 % du produit intérieur brut (PIB). Du coup, le programme avec le FMI a été « suspendu » fin 2006.
Selon les autorités congolaises, la responsabilité de cette « inflation » des dépenses revient aux besoins sécuritaires liés au contexte électoral en République démocratique du Congo voisine et aux obligations découlant du mandat du chef de l’État congolais à la présidence de l’Union africaine. À quoi s’est ajoutée l’augmentation des transferts de l’État à la Coraf, la raffinerie nationale, en raison du niveau élevé des prix mondiaux du pétrole brut. Du côté des investissements, les dépassements résultent principalement de la prise d’hypothèses un peu trop optimistes de financements extérieurs. Elles n’ont pu être concrétisées, ce qui a obligé le gouvernement à recourir à ses fonds propres. Conséquence : en dépit d’un bon niveau de recettes, le FMI reproche au Congo un solde budgétaire atteignant 52 % du PIB hors pétrole, donc au-delà du plafond de 32 %. Le Congo a été invité à revoir sa copie.
Un coup dur pour le pays, qui espérait finaliser son programme et parvenir au point d’achèvement de l’Initiative PPTE. Atteint en mars 2006, le point de décision de l’Initiative avait permis un premier allègement de dette dit « intérimaire ». Ce qui correspond à l’annulation des échéances commerciales garanties à hauteur de 90 % (et de 100 % pour la France) et le rééchelonnement, sur une longue période, de la dette de l’aide publique au développement. Dans la foulée, un accord avait été signé entre la France et le Congo. Le premier volet incluait l’annulation immédiate de 65 millions d’euros de dette commerciale française. Le second portait sur l’annulation de 165 millions d’euros, mais il était conditionné, entre autres, aux conclusions des revues de la FRPC par le FMI. La dernière revue n’ayant pas été concluante, il faudra donc attendre la remise en route du processus.

Un programme de référence a été mis en place pour six mois, avec effet rétroactif, à la suite d’une mission du FMI qui a séjourné du 30 avril au 9 mai 2007 à Brazzaville. Il arrivera à échéance fin septembre prochain. Orthodoxie financière, transparence dans la gestion et lutte contre la corruption sont les maîtres mots de ce programme. Les autorités congolaises se sont engagées à redresser la barre dans le domaine budgétaire et à finaliser quelques réformes structurelles importantes. Parmi les points à réaliser figurent notamment la refonte de la chaîne des dépenses publiques et du budget de fonctionnement et la réorganisation du système de gestion des investissements publics, avec l’adoption d’un cadre simplifié à moyen terme pour 2008-2010. Ceci, pour permettre plus de lisibilité et rationaliser les décisions d’investissement.

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Côté dépenses, plus question de dépassements non autorisés. Ainsi les transferts à la Coraf seront limités et les paiements par anticipation contenus à 5 % du total des dépenses. Un coup d’accélérateur devra par ailleurs être donné à la mobilisation des recettes non pétrolières, jugées insuffisantes. Pour y parvenir, le gouvernement n’a pas d’autre issue que de renforcer l’administration fiscale et douanière, de lutter contre la fraude et l’évasion fiscales, de ne pas accorder de nouvelles exonérations exceptionnelles. En 2007, le déficit budgétaire hors pétrole ne devra pas excéder 593 milliards de F CFA, soit 42 % du PIB non pétrolier.
D’une manière générale, la mobilisation, la gestion et l’utilisation des recettes, notamment pétrolières, sont soumises à plus de transparence. Ainsi les ressources tirées de l’allègement de la dette ont-elles été déposées sur un compte spécial. Pas question de les utiliser n’importe comment : elles doivent être affectées aux dépenses sociales et de lutte contre la pauvreté inscrites dans le Document de stratégie de réduction de la pauvreté (DSRP). En 2006, le compte n’a toutefois pas été utilisé. La même démarche a été adoptée pour les recettes pétrolières excédentaires, déposées sur un « compte de stabilisation » ouvert en août 2006 à la Banque des États de l’Afrique centrale (BEAC) par le gouvernement congolais. Parmi les autres mesures visant à une plus grande transparence figure une réforme des procédures d’attribution des marchés publics, comprenant notamment la révision des textes de base. Une commission spécialisée sera prochainement mise en place à cet effet.
Tenir l’objectif de lutte contre la corruption passe par des audits et la mise en circulation des informations de base de l’économie du pays. Ainsi, tous les appels d’offres concernant les marchés de l’État, ainsi que les soumissions qui s’ensuivent, seront publiés sur le site Internet du gouvernement. Un échantillon représentatif des dépenses d’investissement et des transferts courants réalisés en 2006 fera l’objet d’un audit. Il y aura également un audit du compte spécial du Trésor, par lequel transite l’allègement intérimaire de la dette pour 2006. Le secteur pétrolier n’échappe à la règle. L’analyse et le diagnostic de la stratégie de commercialisation du pétrole de l’État par la Société nationale des pétroles du Congo (SNPC), dont le rôle sera par ailleurs clarifié, et l’audit de ses comptes 2005 seront, en effet, affichés sur le site du ministère de l’Économie, des Finances et du Budget. De même que les nouvelles concessions pétrolières, qui seront désormais attribuées à l’issue d’appels d’offres internationaux.
À la fin de l’année, le FMI dressera le bilan de ce programme de référence. Depuis plusieurs mois, le gouvernement est sur le pied de guerre, mettant tout en uvre pour exécuter les mesures recommandées et finaliser le DSRP. Le Congo peut donc espérer renouer formellement avec le FMI à partir de 2008 et dès lors bénéficier, via le point d’achèvement de l’Initiative PPTE, de la mise en uvre des mesures d’allègement de dette publique. Un allègement du fardeau supporté par les finances publiques qui pourra être d’autant plus bénéfique que la plupart des indicateurs économiques du pays sont au vert.

Sur la période 2004-2006, la croissance a été de l’ordre de 5,9 % par an, favorisée notamment par la bonne tenue des cours mondiaux du baril et l’augmentation de la production de pétrole. L’activité non pétrolière n’est pas en reste, affichant une croissance de 6,3 % en 2006 (5,3 % en 2005). Ce sont les transports, le BTP, ?les télécommunications et, dans une moindre mesure, la filière bois et l’agriculture, qui ont été les moteurs de cette progression.
Seule ombre à ce tableau, l’inflation a rebondi à 4 % en 2006, après avoir fléchi de 3,6 % en 2004 à 2,5 % en 2005. Deux raisons principales à cette hausse : l’élévation des frais de transport, liée aux difficultés de fonctionnement du Chemin de fer Congo-Océan (CFCO), et la pression sur la demande de quelques produits essentiels à Brazzaville et dans la partie nord du Congo, notamment l’essence, le ciment et les produits alimentaires comme la farine de blé et le sucre. La politique budgétaire expansionniste et le relâchement de la politique de crédit au niveau des banques ont également une part de responsabilité dans l’indice des prix. Les efforts entrepris cette année auront donc aussi une conséquence sur l’inflation, qui devrait plafonner à 3 % en 2007. Mais la croissance sera de l’ordre de 3,7 %, un ralentissement lié à la contraction du PIB de l’activité pétrolière : après avoir connu une hausse de 6,8 % en 2006, il est attendu en baisse de 2,6 % cette année. En revanche, le PIB non pétrolier devrait connaître, dans le prolongement des deux années précédentes, une croissance de l’ordre de 6,5 %. Plusieurs branches feront preuve d’une grande vitalité : la filière bois, dopée par les investissements dans la transformation, la production d’eau et d’électricité, l’agriculture ainsi que le BTP, le transport aérien, qui enregistre la venue de nouvelles compagnies dont Air Bravo, une société espagnole déjà installée en RDC, et les télécommunications. Le commerce, l’hôtellerie et la restauration devraient également contribuer à l’effort.
Enfin, en 2008, grâce à la remontée de la production pétrolière, la croissance devrait connaître un nouveau rebond. S’il se conjugue avec de bonnes perspectives d’allègement de la dette publique extérieure, la lutte contre la pauvreté, qui concerne plus de la moitié de la population congolaise, pourrait entrer dans une phase décisive. À condition, bien sûr, que les investissements dans les secteurs sociaux s’accélèrent. Et que, d’ici là, les engagements pris en matière de transparence et de lutte contre la corruption en vue de la relance de la FRPC et l’atteinte du point d’achèvement de l’Initiative PPTE soient menés à bien.

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