Alain Mabanckou nous écrit
Au-delà de l’Histoire
Publié le 10 août 2007 Lecture : 1 minute.
Le discours de Sarkozy à Dakar aura donc fait couler beaucoup d’encre. On y retrouve les grandes ambiguïtés qui minent de nos jours les relations entre l’Occident et l’Afrique : la reconnaissance de la traite négrière comme crime contre l’humanité, l’afrocentrisme, la repentance et la responsabilité de l’Afrique quant à ses malheurs. La vérité blesse, convenons-le, mais il faut en appeler au sens critique et reconnaître que notre excuse totale dans nos malheurs serait une attitude plus que suicidaire – voire un refus de contribuer au progrès du continent. Frantz Fanon dans Peau noire, masques blancs tirait déjà la sonnette d’alarme en fustigeant notre « repli identitaire ». Il soulignait alors : « Ma vie ne doit pas être consacrée à faire le bilan des valeurs nègres… Je ne suis pas prisonnier de l’Histoire. Je ne dois pas y chercher le sens de ma destinée… Dans le monde où je m’achemine, je me crée interminablement. »
Le débat idéologique sur le continent noir montre désormais deux conceptions : d’un côté, ceux qui réclament à l’Occident des excuses ou le paiement d’une « facture » historique ; de l’autre, ceux qui souhaitent regarder l’horizon et tirer l’Afrique d’une prétendue fatalité qui aurait conduit certains à légitimer la théorie de la malédiction de Cham dont nous serions les victimes par hérédité…
Au fond – et c’est peut-être cela l’évidence la plus incontournable et la plus lourde à accepter : l’émancipation de « l’homme africain » commence par la reconnaissance par celui-ci de ses propres turpitudes. Car quel crime nous déshonore le plus que celui que nous commettons nous-mêmes contre notre frère de couleur ? L’Occident n’est certes pas « blanc », mais que faut-il à présent proposer comme vision pour notre continent : un inventaire des heurts de son passé ou un projet qui l’aiderait à se relever ?
De la réponse à cette question dépendra le destin de tout un continent… n
