Une ville en jachère

Publié le 21 août 2006 Lecture : 2 minutes.

Brazzaville est une capitale où le vert est presque omniprésent. Vert des arbres, vert (et blanc) des taxis et minibus de transport urbain, vert de certains toits, vert de ces herbes folles, de ces haies souvent mal taillées et de cette broussaille qui laissent le sentiment d’une mise en jachère de parties entières de l’agglomération.

La ville, étendue et passablement vallonnée, n’est pas construite en hauteur. Seule la « tour Elf » domine un paysage fleuri de banderoles invitant à un concert ou à un concours de Mister Congo dans un grand hôtel de la place, moyennant, bien sûr, une PAF, une participation aux frais. Pas toujours donnée. Loin s’en faut.
Le mobilier urbain s’est également enrichi de ces panneaux ou simples cartons qui vantent les services de tel ou tel opérateur de téléphonie mobile. Pas de cabines téléphoniques, mais des préposés installés dans de petites boutiques ou des sortes de guérites qui composent le numéro demandé, moyennant 125 F CFA, 150 F CFA ou plus selon la durée et la destination de l’appel. Ils sont légion au centre-ville et, surtout, dans les quartiers populaires comme Bacongo, Makélékélé, Talangai ou Poto-Poto aux rues et venelles encombrées. Mais ils ne font pas le poids devant la forêt d’enseignes qui y balafrent magasins, boutiques, bicoques et autres ngandas, comme on appelle ici les maquis.
Le salon de coiffure Alain-Delon ressemble à une cahute, le Fouquet’s n’a rien à voir avec celui de Paris. Le Jet-Set Habillement ne recèle pas exactement ce qu’il affiche, le Pressing New York insiste sur la qualité de ses services. Il y a aussi le restaurant-bar La Fougère, le Nénuphar, le Jardin des saveurs, la Désirade qui tiennent à leur (bonne) réputation. Beaucoup disent simplement le rêve d’évasion de leur patron. D’autres, Mandé Pressing, Akwaba, Touba, dans les rues Mbochis, Mbakas ou des Beaux-Parents (ainsi malicieusement débaptisée pour faire un clin d’il à la première dame dont la famille y a habité), à Poto-Poto, suggèrent prosaïquement la nationalité de leur propriétaire : des Ouest-Africains (Maliens, Ivoiriens, Sénégalais).
Ils sont hommes d’affaires, commerçants, vendeurs ambulants, restaurateurs, employés d’hôtel ou de BTP, bijoutiers, installés de longue date dans le pays. Mais aussi rois de la débrouille et des petits métiers, des échoppes et des étals sur les trottoirs partagés avec les fast-foods version locale, également nombreux au Beach, le port fluvial de la capitale : brochettes de viande, poulets grillés, poissons cuits à l’étouffée sur un lit de manioc enveloppés dans des feuilles de banane ou de manioc.

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Certains de leurs parents ou grands-parents ont nourri l’épopée coûteuse en vies humaines de la construction du CFCO, le Chemin de fer du Congo-Océan, dont la gare, couleur jaune délavé, ne dit rien de ce prix payé. Leurs silhouettes sahéliennes se fondent dans le décor des ngandas, comme des boîtes de nuit. Au Diplomate, comme au Vice-Versa ou au Saphir. Mais ils sont peu à fréquenter le Ram-Dam, le night-club préféré des expatriés, et des filles pas bégueules, qui donnent le tempo sur les rythmes latinos, la vieille rumba congolaise, le ndombolo, les sonorités modernes. Ambiance.
Ainsi va Brazza, qui renaît doucement à la paix et apprend à oublier les blessures de la guerre civile, dont les stigmates dévisagent encore la cathédrale Sainte-Anne-du-Congo, qui attend toujours un toit pour enfin se débarrasser de sa bâche.

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