Quinze août

Publié le 21 août 2006 Lecture : 3 minutes.

C’est entendu : il n’est pas un seul Congolais de bonne foi qui ne se soit senti honoré par la désignation consensuelle de Denis Sassou Nguesso à la tête de l’Union africaine. Pas un seul Congolais qui n’ait été soulagé de l’accession du pays au « point de décision » fixé par les institutions de Bretton Woods. Pas un seul Congolais qui ne porte au crédit de DSN le retour de la paix civile et le paiement enfin régulier des salaires par le plus gros employeur du pays – la fonction publique. De tout cela, le pouvoir en place à Brazzaville se sent fondé à tirer une légitime fierté, que l’on aurait mauvaise grâce à lui contester. Mais attention : du satisfecit à l’autosatisfaction, il n’y a qu’un pas que le gouvernement congolais aurait bien tort de franchir.
Car il n’est pas, non plus, un seul Congolais qui ne se demande pourquoi, après trente années de revenus pétroliers et une décennie de calme social, toutes les villes du pays, et en particulier sa capitale, vivent encore à l’heure des délestages réguliers d’électricité, des coupures d’eau interminables, des routes défoncées, des pénuries de carburant, des transports en commun inexistants et du paysage urbain délabré. Pas un seul Congolais qui ne se désespère de voir sa capitale privée d’aéroport et d’hôpitaux dignes de ce nom. Pas un seul qui ne sache pourquoi, en presque un demi-siècle d’indépendance, aucune route bitumée ne relie Brazza à Pointe-Noire, la métropole politique à la métropole économique. Le fait que ces problèmes aient été récemment soulevés depuis Paris par quelques politiciens en mal de fonds de commerce, à la crédibilité douteuse et au passé chargé, suscitant une très vive réaction du chef de l’État, ne signifie pas pour autant qu’ils ne constituent pas le fardeau quotidien de l’immense majorité des Congolais.

Certes, les années cruciales de la reconstruction et de la période post-conflit ont été gérées par l’actuel pouvoir – en proie, par ailleurs, à l’acharnement scandaleux des fonds vautours – sans aucune aide extérieure. Mais ces handicaps réels ne règlent en rien la question clé, laquelle s’adresse d’ailleurs à l’ensemble de la classe politique aux affaires depuis 1960 : pourquoi le Congo a-t-il été incapable de construire ce à quoi bien des États, bien plus mal lotis que lui par la nature et bien plus frappés que lui par les malheurs de l’Histoire, sont parvenus peu à peu ? Malédiction du pétrole ? Mentalité rentière et généralisée d’assistanat ? Mal-gouvernance ? Aucune explication ne convainc, et peut-être faut-il chercher la clé du mystère dans ce simple constat : il suffit que le président visite un hôpital, effectue une descente impromptue dans un ministère et tape du poing sur la table pour que tout redémarre. Et il suffit qu’il tourne le dos, a fortiori qu’il s’absente du pays, pour que tout retombe en panne. Or, ces temps-ci, UA oblige, Sassou voyage beaucoup
Ce qui manque le plus aux politiciens congolais, d’hier comme d’aujourd’hui, serait-il le sens de l’État, l’abnégation du service public, le goût du travail et cette vertu toute simple qu’on appelle le patriotisme ? Denis Sassou Nguesso, que nul ne saurait prendre pour un naïf et dont on connaît la fierté d’être congolais, sait évidemment à quoi s’en tenir. Il serait donc difficilement compréhensible, aux yeux de ses concitoyens, qu’il ne réagisse pas. Le 15 août, fête de l’Indépendance, est sans doute un jour de grâce, de beaux discours et de belles promesses. Pourquoi ne serait-il pas aussi un jour d’introspection, d’autocritique et de grandes décisions ?

la suite après cette publicité

La Matinale.

Chaque matin, recevez les 10 informations clés de l’actualité africaine.

Image

Contenus partenaires