Que la lumière soit !

La construction du barrage d’Imboulou doit permettre d’en finir avec les pénuries d’électricité à partir de 2009.

Publié le 21 août 2006 Lecture : 4 minutes.

Dans une vaste carrière de terre blanchâtre, des ouvriers en uniforme de toile beige scient de longues tiges de ferraille. D’autres circulent entre les tas de sable, des planches de bois et des tuyaux métalliques sur l’épaule, actionnent des pelleteuses en criant à leurs collègues de prendre garde ou se reposent un instant, assis sous le ciel laiteux de la saison sèche. Derrière les deux grues rouge et bleue qui barrent le paysage, les eaux glauques de la Léfini s’écoulent vers le fleuve Congo, à une quinzaine de kilomètres. À l’extérieur du chantier, la forêt est dense. À l’exception de quelques collines dégagées, le futur barrage d’Imboulou, à 210 km au nord-ouest de Brazzaville, dans le département du Pool, est cerné par une épaisse masse verte qu’il a fallu entailler, en 2003, avant de commencer la construction de la centrale hydroélectrique. Si le calendrier est respecté, ses quatre turbines d’une puissance totale de 120 mégawatts (MW) approvisionneront la capitale et le nord du pays début 2009, mettant fin aux coupures de courant quotidiennes qui paralysent Brazzaville ou, tout bonnement, alimentant « le village » en électricité.
Le barrage d’Imboulou est une vieille idée. Elle date de la présidence de Marien Ngouabi (1968-1977), ère marxiste où les projets de « grands travaux » fleurissaient comme autant de preuves de la toute-puissance de l’homme. Mais détourner les eaux et transformer l’énergie coûte cher, et le projet est régulièrement ajourné. Pourtant, le manque énergétique se fait cruellement sentir. Pour des besoins nationaux actuellement estimés à 300 MW, dont 60 MW pour Brazzaville, le pays dispose d’une capacité de 174 MW. Mais, compte tenu de la vétusté des installations, il ne produit effectivement que 55 MW, et importe 48 MW du Congo-Kinshasa. Longtemps endormi dans les tiroirs, le projet Imboulou est enfin remis à l’ordre du jour en 2002. C’est une entreprise chinoise, la China National Machinery and Equipment Import and Export Corporation (CMEC), qui remporte l’appel d’offres. Les conditions financières sont pour le moins accommodantes. D’après la mission économique française à Brazzaville, l’État paierait 15 % du coût total – 280 millions de dollars – sous forme d’acompte, tandis que les 85 % restants seraient avancés par un crédit à taux 0,20 % sur quinze ans, avec un délai de grâce de cinq ans.
Après avoir parcouru 140 kilomètres, au départ de Brazzaville, le long de la nationale 2, on accède à une piste cahoteuse de terre jaune. Elle est d’abord bordée d’herbes folles et de quelques habitations aux parois tendues de feuilles vertes servant à emballer le manioc qui pousse dans la région (l’un des meilleurs du pays, dit-on). Ensuite, il n’y a plus que la forêt autour de la voie qui mène au chantier – en 2009, les 70 km seront recouverts de bitume. Des ouvriers chinois coiffés d’un chapeau de paille et leurs collègues congolais effectuent déjà les travaux de terrassement. Comme les 1 100 employés du site – des hommes uniquement, à l’exception des secrétaires -, ils habitent sur l’une ou l’autre des deux « bases vie », regroupements de petites baraques en préfabriqué au toit de tôle ondulée, posées sur une chape de béton. Les drapeaux chinois et congolais flottent dans la cour de la base réservée aux cadres. Elle est divisée en deux parties, une par nationalité. On n’y vient que pour consulter Internet dans le bureau des cadres, passer un coup de téléphone à sa famille dans les zones desservies par le réseau, dormir dans de petites chambres et manger dans les cuisines communes. Le reste du temps est passé quelques kilomètres plus bas, sur le chantier. « Il n’y a ni dimanche ni jour férié ici, explique le responsable de la sécurité. Tout ce que l’on sait faire, c’est aller chaque matin au chantier », renchérit un ingénieur.
Avec le nouveau terminal aéroportuaire de Pointe-Noire – également réalisé par une entreprise chinoise – et la réhabilitation progressive des départements dans le cadre de la « municipalisation accélérée » (voir encadré), le barrage d’Imboulou est l’un des projets phares de l’aménagement du territoire orchestré par la « Délégation générale des grands travaux », organe fondé en 2002. La mise en service de cet « ouvrage d’art » d’envergure est prévue pour 2009. D’après Gaston Nkaya, responsable du génie civil formé en Chine à la fin des années 1970, les travaux respectent le calendrier et, sauf imprévu, seront achevés au premier semestre 2009. Après une phase d’études et de déboisement, la construction de la centrale proprement dite a véritablement commencé en 2005. La déviation des eaux de la Léfini dans le « canal d’amenée » est prévue pour 2007. En même temps, il faudra bâtir une « cité d’exploitation » pour les employés du barrage, comprenant des habitations, un hôtel, un dispensaire bref, une ville nouvelle.
À l’exception du ciment importé du Congo-Kinshasa, les matériaux attendent dans des conteneurs arrivés de Chine après avoir emprunté le Chemin de fer Congo-Océan (CFCO) entre Pointe-Noire et Brazzaville. Sur le chantier comme sur les « bases vie », les panneaux bilingues, en mandarin et en français, sont légion. Du réfrigérateur de la cuisine aux camions, la plupart des marques sont chinoises. Rares sont les employés chinois qui comprennent le français. Autant que les Congolais qui parlent le chinois. Plusieurs interprètes aident à la communication entre les équipes. En 2010, leur présence ne sera plus nécessaire : à l’issue de la première année d’exploitation, la Société nationale d’électricité (SNE) se chargera de l’exploitation et de la maintenance. La formation des ingénieurs et des employés n’a pas encore débuté. « Le moment venu, elle sera en route », assure un membre de la Délégation des grands travaux.

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