Madagascar : le massif du Makay, un eden à protéger
Le musée des Confluences de Lyon consacre une exposition immersive au massif du Makay. Une région très peu explorée du Sud-Ouest de Madagascar, célèbre pour son incroyable biodiversité mais menacée par l’activité humaine.
Il est rare de pouvoir y entrer, mais celui qui y parvient est aussitôt assailli d’odeurs et de bruits dont il n’est jamais aisé de déterminer la source. Animaux ? Végétaux ? Comment différencier le chant grave d’un oiseau et le cri aigu d’un lémurien, le parfum musqué d’une fleur et les senteurs suaves d’une résine, le gargouillis de l’eau et les coassements d’une grenouille ?
Le labyrinthe inextricable des canyons du Makay, dans le sud-ouest de Madagascar, demeure aujourd’hui l’un des territoires les moins connus au monde, mais aussi l’un des plus fragiles. C’est l’une des raisons pour lesquelles le musée des Confluences, à Lyon, lui consacre une exposition immersive conçue par Yoann Cormier, sous le titre « Makay, un refuge en terre malgache », jusqu’au 22 août 2021.
À partir de vendredi, partez en expédition dans l’une des dernières poches de biodiversité de la planète ! #Exposition Makay, un refuge en terre malgache du 16 octobre au 22 août 2021 🌴 https://t.co/mj5maBwMcs #MardiConseil #expomakay #lyon #Madagascar pic.twitter.com/yYKVVPUp1L
— musée des Confluences (@mdc_confluences) October 13, 2020
Explorateur scientifique
Conçu pour séduire grands et petits, le parcours organisé sur quelque 740 m² entend transformer chaque visiteur en explorateur scientifique respectueux de son environnement. Évidemment, c’est assez loin des quelque 4 000 km² qui l’ont inspiré, et beaucoup moins humide. Mais c’est suffisant pour donner l’envie d’en savoir plus.
Le massif du Makay, c’est d’abord un territoire à la topographie originale, où deux mondes radicalement différents se côtoient : l’espace minéral des plateaux, secs et venteux, et les profondeurs humides de canyons envahis par une végétation luxuriante, où s’abrite une faune riche et variée.
À l’origine, il y a 200 millions d’années, se trouvaient là des montagnes composées d’une roche peu compacte se désagrégeant facilement au contact de l’eau. L’érosion a permis la création de vallées encaissés séparant des collines en pains de sucre. Les géologues parlent d’un « relief ruiniforme » pour évoquer l’aspect étrange qu’offrent désormais au regard les grès du jurassique. Vu de haut, l’ensemble ressemble à un enchevêtrement de volutes rouges striées de lignes vertes – ou, comme l’écrivent les organisateurs de l’exposition, à un « cervelet géant ».
« Coffre-fort » naturel
Si l’ensemble de la Grande île est déjà célèbre pour son incroyable biodiversité et, surtout, pour son extraordinaire taux d’endémisme (présence d’un groupe biologique dans un territoire géographique limité), le Makay est encore loin d’avoir livré tous ses secrets. Et pour cause, il n’est exploré par les scientifiques que depuis une dizaine d’années !
Cette région abrite de rares écosystèmes, mis en péril par des activités humaines en expansion.
Dans ce « coffre fort où la nature a trouvé refuge », pour reprendre la formule de l’écologiste français Nicolas Hulot, se côtoient la roussette de Madagascar, le potamochère, le serpent à nez de feuille, le Hapalémur gris de Ranomafana, le fossa, la chevêche à sourcils blancs, le drongo malgache, le papillon comète, le propithèque de Verreaux et, dans l’eau, le pachypanchax. Cette liste est loin d’être exhaustive et l’exposition permet de découvrir bien d’autres espèces, filmées, photographiées, dessinées et, pour certaines, naturalisées.
Pour donner la mesure de cette richesse – et rappeler au passage le lien historique (et évidemment colonial) qui lie la France à Madagascar – Yoann Cormier présente les 36 ouvrages de l’œuvre encyclopédique du naturaliste Alfred Grandidier, poursuivie par son fils Guillaume, L’histoire physique, naturelle et politique de Madagascar, publiés entre 1875 et 1937. Un récit expéditionnaire interdisciplinaire soutenu par la Société de géographie et le Museum d’histoire naturelle de Paris contenant de nombreuses lithographies en couleur, numérisées pour l’occasion et permettant de prendre conscience de la diversité de la faune et de la flore insulaires.
Menacée par les feux
Mauvaise nouvelle, mais il fallait s’y attendre, cette extraordinaire richesse est aujourd’hui menacée. Notamment par les feux. En pratiquant le « tavy », la culture sur brûlis, les populations transforment la savane et les forêts en pâturages. « Les forêts primaires du Makay, longtemps protégé par [un] relief spectaculaire, sont aujourd’hui menacées par la progression des feux de brousse et l’insécurité alimentaire des populations alentours, écrivent les organisateurs. Cette région est l’illustration de rares écosystèmes, méconnus, inaccessibles et pourtant menacés par des activités humaines en expansion. »
Inaccessibles ? Pas vraiment. Difficilement accessibles, plutôt. D’ailleurs, les voleurs de zébu, les dahalo, ne s’y sont pas trompé… Et ils trouvent parfois refuge dans le Makay après avoir raflé des troupeaux et parfois même attaqué des villages. Sans pathos, mais avec des images fortes, comme cette vidéo montrant un feu de brousse ou comme ces photographies de zébus signées de l’artiste sud-africain Daniel Naudé, l’exposition informe et alerte.
Cofondateur de l’organisation environnementale Naturevolution, Evrard Wendenbaum a joué un rôle central dans sa conception et s’implique depuis plus de dix ans dans la protection de cette zone unique, notamment en y guidant des chercheurs et des étudiants de diverses nationalités.
Ces missions scientifiques successives ont permis une prise de conscience progressive et la création, en 2015, de la nouvelle aire protégée du Makay. L’enjeu ? Trouver des moyens nouveaux de concilier agriculture et écologie, tourisme et écologie, etc. C’est-à-dire : préserver l’intégrité naturelle du massif sans en exclure les populations qui vivent non loin.
Peintures rupestres
À demi-mots, Evrard Wendenbaum et Yoann Cormier reconnaissent que l’intérêt scientifique porté au Makay vient aujourd’hui surtout de l’extérieur, même si les expéditions internationales privées peuvent s’appuyer sur un réseau de chercheurs locaux, issus notamment de l’université de Tana. Une meilleure connaissance des enjeux passera sans nul doute par une plus grande implication de la communauté scientifique malgache. « Il y a surtout un manque au niveau des peintures rupestres, explique Yoann Cormier. Cela va demander un travail plus recherché. »
Peintures rupestres? Absolument, et c’est là une découverte récente : bien avant de servir de refuge aux voleurs de bétail, le massif du Makay a vraisemblablement connu des périodes d’occupation ponctuelles. Les expéditions récentes ont permis d’identifier près de 50 grottes et abris sous-roche couverts d’art pariétal. D’après les analyses de quelques bouts de charbons, la présence humaine pourrait ici être antérieure au XIIe siècle. Mais il reste beaucoup de travail à faire pour interpréter les différents signes et dessins qui permettraient aux Malgaches d’en savoir plus sur eux-mêmes.
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