Le mémorial de Brazza

Cent ans après la mort de l’explorateur français qui donna son nom à la capitale, le pays a décidé de lui rendre hommage.

Publié le 21 août 2006 Lecture : 3 minutes.

A quelques pas de la mairie centrale rutilante, au bord du fleuve qui sépare Brazzaville de Kinshasa surnommée « la belle », une statue haute de plusieurs mètres trône sous une bâche de plastique gris. Hormis son auteur et quelques ouvriers, personne ne l’a jamais vue découverte. Mais les Brazzavillois connaissent celui qu’elle immortalise : un Français né à Rome, mort à Dakar, inhumé à Alger, qu’une affiche montre, tout près de l’aéroport Maya-Maya, au côté d’un Denis Sassou Nguesso annonçant le « transfert des restes mortuaires de Savorgnan de Brazza ». « Conquérant pacifique », « libérateur d’esclaves », l’officier de marine dévoué à la quête du Congo, ce fleuve qui mène « au cur de l’Afrique », est l’objet d’un culte officiel dans la ville qu’il a fondée en 1880. Le 5 février 2005, la première pierre de son futur mémorial est posée en grande pompe à Brazzaville. Depuis, les avancées et les retards des travaux font l’objet de commentaires récurrents dans la presse nationale.
Rappel historique. Dans la seconde moitié du XIXe siècle, les Français sont déjà établis en Afrique. Mais ils ne connaissent pas l’intérieur du continent. Autant de terres à explorer qui pourraient agrandir l’« empire colonial ». Seuls manquent les explorateurs. Savorgnan de Brazza, 23 ans, cadre de la marine, se lance en terra incognita. Accompagné de treize laptots (indigènes engagés au service de la France) et quatre interprètes, emportant quelques centaines de kilos d’objets de pacotille et des provisions, il quitte Libreville à bord d’une pirogue, remonte le fleuve Ogooué et dépasse Lambaréné, point ultime des établissements français. Objectif : relier le fleuve Congo. En vain. Il lui faudra attendre sa deuxième expédition pour signer, le 10 septembre 1880, un traité d’amitié avec le roi Téké et planter le drapeau français sur le site de la future Brazzaville. Au gré de ses pérégrinations fluviales, l’explorateur s’intéresse aux murs des populations, il s’indigne de la condition des esclaves et délie les chaînes de nombre d’entre eux. Il est atteint de diverses maladies, il perd des hommes, il se lie d’amitié avec des rois locaux. Une épopée teintée d’humanisme propice au mythe.
En 2005, deux ans après la naissance du projet de mémorial, les présidents des trois « patries » de Brazza – Jacques Chirac, Omar Bongo Ondimba et Denis Sassou Nguesso – donnent le coup d’envoi des travaux. Le « complexe culturel » est symboliquement construit au bord du fleuve qu’a fini par trouver le « père fondateur ». Il comprend une bibliothèque, un musée, un mausolée le tout pour près de 2 milliards de F CFA (3 millions d’euros), financés par la France, l’Italie, le Gabon et le Congo.
Voilà qui suscite la controverse dans le landernau congolais. N’y aurait-il pas d’autres priorités, au lendemain des déchirements nationaux, que de célébrer un colon ? Et pourquoi pas autant d’égards pour le roi Téké, l’enfant du pays qui a permis à Brazza de continuer son chemin en toute sécurité ? Pourquoi un hommage indirect à la France quand celle-ci s’apprête à choisir ses immigrés ? Brazza l’humaniste se retournerait dans sa tombe s’il voyait le culte que les Africains rendent à la France qui se ferme sur eux ! Le mémorial est à deux pas des locaux de la Direction de l’émigration
Les réponses se font attendre cependant que l’édifice, une bâtisse circulaire entourée de colonnes et recouverte d’un dôme de verre, prend forme petit à petit. Les restes mortuaires sont à Alger, le héros ayant tenu à reposer en terre africaine. Le président Abdelaziz Bouteflika a donné son accord pour leur transfert. Ils étaient attendus au Congo pour le centenaire de la mort de Brazza, le 14 septembre 2005.

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