Razia Khan : « Avec les élections, le naira pourrait abandonner ses gains récents »

Entre les bouleversements récents à la tête de la Banque centrale du Nigeria et l’accession du pays d’Afrique de l’Ouest au premier rang des économies africaines, comment se porte la monnaie nigérianne ? Éléments de réponse avec Razia Khan, économiste en chef pour l’Afrique de Standard Chartered.

Razia Khan est économiste en chef pour la région Afrique chez Standard Chartered. DR

Razia Khan est économiste en chef pour la région Afrique chez Standard Chartered. DR

Publié le 24 avril 2014 Lecture : 3 minutes.

Jeune Afrique : Comment le Naira a-t-il évolué depuis depuis le départ du gouverneur Lamido Sanusi ?

Razia Khan : Le naira était déjà sous une pression modeste en raison de la baisse des recettes pétrolières et des réserves de change. Il a connu une baisse soudaine suite à la suspension surprise du gouverneur Sanusi. Ce dernier était considéré par les investisseurs comme l’un des gouverneurs de banque centrale les plus crédibles dans les pays frontière africains. Son engagement pour la stabilité des prix, sa volonté de défendre le naira et sa fermeté contre la spéculation ont rassuré de nombreux investisseurs. Encore plus important : les appels à une plus grande transparence et à une meilleure gouvernance – que ce soit en matière de réglementation du secteur financier ou de la gestion des recettes pétrolières du Nigeria.

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La confiance des investisseurs a donc été énormément entamée avec la suspension du gouverneur Sanusi et n’est revenue que très lentement. Avec une nouvelle intervention de la Banque centrale (CBN) et un engagement pris pour la stabilité des changes par le nouveau gouverneur, Godwin Emefiele, certains investisseurs ont à nouveau commencé à acheter des titres libellés en naira. Mais le positionnement des investisseurs étrangers est concentré sur le début de la courbe. Peu achètent de la dette à long terme.

Au cours des séances de négociation récentes, le naira a récupéré une partie de ses pertes. Mais cela a nécessité de puiser dans ses réserves de change ainsi qu’un resserrement agressif par la CBN. Compte tenu des perspectives de production pétrolière et de revenus, on ne sait pas si ce sera de longue durée.

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Est-ce que la révision du PIB aura un effet sur les taux de change ? Qu’en est-il de la perception du Nigeria pour les investisseurs internationaux ?

Non, le changement de base du PIB du Nigeria est considéré comme une tentative des autorités de fournir des statistiques plus précises. Il ne modifie pas la dynamique entre les importations et les exportations – rien de réel dans le changement de l’économie – de sorte que le naira est peu affecté. En fait, mesuré en % du PIB, l’excédent du compte courant du Nigeria est maintenant beaucoup plus petit. À plus long terme, c’est un point négatif pour le naira.

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Alors que le rapport de la dette publique du Nigeria qui était déjà en baisse, l’est encore un peu plus à 11 % du PIB contre 19% précédemment, la capacité de service de la dette du Nigeria n’a pas beaucoup changé avec la révision du PIB. La capacité de génération de revenus fiscaux est considérée comme encore plus faible (environ 4,5 % du PIB des recettes non pétrolières, seulement 10% des revenus pétroliers en part du PIB).

Comment est perçue l’arrivée de Godwin Emefiele ?

Il est trop tôt pour le dire car il n’est pas encore devenu gouverneur de la CBN. Cela ne se produira qu’en juin. Les investisseurs ont été encouragés par son engagement pour la stabilité des taux. Beaucoup attendent de voir comment la politique monétaire répondra aux défis futurs.

Le prochain cycle électoral au Nigeria pèsera lourdement sur l’évolution du naira

Le naira est-il sensible à la politique de la Fed américaine ?

Initialement, en mai – juin 2013 – il l’était. À l’époque il y avait un positionnement beaucoup plus lourd des investisseurs sur le marché nigérian. Les conditions sont différentes maintenant. Dans le cas d’un surprenant début de hausse des taux de la Fed – ou une suggestion de resserrage pur et simple – oui, le naira pourrait être affecté. Mais le rétrécissement du quantitative easing (QE, la politique de rachat de bons du trésor américain par la Fed, ndlr) a déjà un prix pour le marché local. Les conditions nationales, en particulier le prochain cycle électoral au Nigeria, pèseront beaucoup plus lourdement sur l’évolution du naira.

Que prévoyez-vous pour l’évolution de la monnaie nigériane dans le contexte des élections ?

S’il y a plus de dépenses avant l’élection – et beaucoup pensent qu’il y en aura – le naira pourrait bien abandonner ses gains récents. Nous prévoyons un taux de 168 nairas pour un dollar d’ici à la fin de l’année.

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Propos recuellis par Nicolas Teisserenc

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