Jean-Philippe Derenne

Chef du service de pneumologie-réanimation de l’hôpital de la Salpêtrière à Paris.

Publié le 21 août 2006 Lecture : 2 minutes.

Jeune Afrique : Vous avez écrit avec le professeur François Bricaire un ouvrage intitulé Pandémie, la grande menace, avec, en sous-titre : « Grippe aviaire, cinq cent mille morts en France ? » Ne craignez-vous pas d’affoler ainsi le public ?
JEAN-PHILIPPE DERENNE : Il ne faut pas se focaliser sur le titre. Il indique la nature de l’enjeu. Si l’on prend les prévisions de l’ONU, ce sont des estimations fondées sur la survenue d’une pandémie de l’ampleur de la grippe espagnole, dans les années 1918-1919, dont on sait aujourd’hui qu’elle a fait non pas 21 millions de morts mais plus sûrement 50 millions. Actuellement, face à la grippe, les pays développés présentent tous le même taux de mortalité de 0,6 à 1 % de la population. Il faudrait donc prévoir rien qu’en France 630 000 victimes.

Jeune Afrique : Le virus H5N1 a-t-il gagné en virulence depuis qu’il a commencé à se répandre ?
JEAN-PHILIPPE DERENNE : Entre 1997, année où il a touché un humain à Hong Kong, et 2003, le virus est apparu dans dix pays différents sous la forme de deux souches : l’une bénigne, l’autre potentiellement mortelle pour l’homme. Il touche à présent dix pays avec un peu plus de deux cent trente malades dont la moitié sont décédés. On a connu, dans le passé, deux sortes de pandémies : l’une en 1967-1968 où le virus pandémique était un hybride issu d’un virus d’oiseau et d’un virus humain de grippe banale qui se sont rencontrés dans un porc. Cela a causé plus de 1 million de morts dans le monde. Mais rien à voir avec l’apocalypse du virus de la grippe espagnole dont on a identifié le génome (la carte d’identité).
On sait à présent que c’est un virus aviaire qui a trouvé sa voie tout seul et qui est entré directement chez l’homme, sans intermédiaire, ce que l’on croyait impossible. Quelle différence ? Si c’est un hybride, l’organisme humain peut le reconnaître partiellement et mieux se défendre. Face à un virus inconnu, il est tout à fait démuni. C’est la raison pour laquelle l’émergence vraisemblable de la pandémie ne doit pas nous prendre de court. Il s’agit de prendre conscience du fait que, quoi qu’il arrive, il n’existe pas de remède efficace à 100 %. De même qu’est incertaine l’efficacité des vaccins contre la grippe usuelle et contre la grippe aviaire H5N1 non mutée qui sont actuellement à l’étude.

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Jeune Afrique : Comment l’Afrique peut-elle se défendre ?
JEAN-PHILIPPE DERENNE : En Égypte, le virus H5N1 a touché dix-sept gouvernorats sur vingt-six. On a enregistré quatorze cas humains dont six décès. On pourrait s’inspirer dans d’autres pays africains de la mobilisation sanitaire des Égyptiens. Il semble que le gouvernement ait pris la situation très au sérieux. On a montré en exemple dans tous les médias cette femme sans doute très informée qui, voyant que son enfant présentait les mêmes symptômes que les volailles malades, s’est démenée pour le faire hospitaliser dix heures plus tard à l’hôpital du Caire. On a pu sauver l’enfant avec un antiviral, le Tamiflu, qui doit être administré dans les quarante-huit heures suivant l’infection pour être efficace. Elle avait compris qu’il fallait agir vite. Tous les malades en Turquie et en Égypte qui ont été pris à temps ont pu être sauvés.

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