[Édito] Le pari régional de Félix Tshisekedi
Projet d’état-major intégré, médiation dans la crise ougando-rwandaise, relance de la coopération diplomatique avec le Burundi… Le président congolais multiplie les initiatives auprès de ses voisins, une politique qui n’est pas sans risque.
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Romain Gras
Journaliste, en charge de la couverture de la RDC et de la région des Grands Lacs.
Publié le 5 novembre 2020 Lecture : 2 minutes.
Loin de l’agitation et des négociations de coulisses qui rythment désormais le quotidien de la coalition FCC-Cach et paralysent en partie la vie politique congolaise, il est un domaine où Félix Tshisekedi se montre plutôt entreprenant depuis le début de son mandat : celui de la diplomatie régionale.
Projet d’état-major intégré, médiation dans la crise ougando-rwandaise, relance de la coopération diplomatique avec le Burundi… Le président congolais a, depuis dix-huit mois, multiplié les initiatives et les paris avec ses voisins de la région.
Le bilan est jusqu’à présent mitigé. Le projet d’état-major intégré, qui consistait à associer les forces armées congolaises, ougandaises, rwandaises et burundaises dans la lutte contre les groupes armés dans l’est de la RD Congo, pouvait, sur le papier, paraître ambitieux – utopique, selon certains –, mais n’a jamais réellement décollé.
Détente
Félix Tshisekedi peut en revanche se targuer d’avoir, avec l’aide de son homologue angolais, João Lourenço, ramené le Rwanda et l’Ouganda à la table des discussions. Le chemin à parcourir pour parvenir à une vraie accalmie reste long, mais, symboliquement parlant, la détente amorcée à Luanda en août 2019 peut être classée au rang des réussites diplomatiques de Félix Tshisekedi. Lequel tente désormais de ramener le Burundi dans un jeu diplomatique régional – dont Bujumbura s’est soigneusement tenu éloigné depuis le putsch manqué de 2015 – et souhaite même faciliter une détente avec le Rwanda.
C’était en tout cas l’une des ambitions du mini-sommet de Goma, pour lequel les équipes de Tshisekedi se sont démenées tout au long du mois de septembre en dépit des multiples reports et des réticences diversement motivées des participants. Le résultat de ces efforts fut une rencontre en visioconférence le 7 octobre, dont les conclusions semblent plus s’apparenter à des déclarations de bonnes intentions qu’à des mesures concrètes pour lutter contre l’insécurité dans l’Est.
Présidence de l’UA
Dès lors, faut-il s’interroger sur la finalité et l’efficacité de cette débauche d’énergie alors que les blocages inhérents à sa coalition compliquent encore plus la mise en place d’une politique sécuritaire cohérente ? Deux obstacles compliquent notamment la tâche du président congolais. D’un côté, Félix Tshisekedi bute sur la difficulté d’harmoniser les positions de voisins aux intérêts divergents et aux relations en dents de scie depuis plus de deux décennies. De l’autre, le rapprochement éclair entamé avec lesdits voisins, en particulier avec le Rwanda, génère d’importantes crispations au sein de l’opinion congolaise, illustrées ces derniers mois par la résurgence du débat sur l’application du rapport « Mapping » et sur la création d’un tribunal pénal international.
Poursuivre sur cette voie peut apparaître comme un pari risqué pour Tshisekedi. Mais celui qui s’apprête à prendre la tête de l’Union africaine en février 2021 n’a aucunement intérêt à lever le pied dans ce domaine, l’un des rares où il a les mains libres pour impulser sa politique, loin du tumulte de sa coalition.
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