A l’écoute de son peuple

Publié le 21 août 2006 Lecture : 3 minutes.

Mohamed el-Moncef Pacha Bey (4 mars 1881-1er septembre 1948) est le dernier des princes de la dynastie husseinite à naître avant l’établissement du protectorat français sur la Tunisie (mai 1881) et le dernier des souverains à mourir avant l’indépendance (1956) et l’abolition de la monarchie (1957).
Il reçoit une éducation franco-arabe au collège Sadiki de Tunis, cette pépinière de l’élite tunisienne dont l’un des plus prestigieux élèves est Habib Bourguiba. Dans la biographie qu’il lui a consacrée, Saïd Mestiri écrit que Moncef Bey « n’était ni le tribun politique, ni le tribun populaire, encore moins le marabout. Son charisme, il le devait à sa légitimité et la profonde adhésion de son peuple. Sa vision des grands enjeux internationaux était peut-être limitée au départ, sa culture politique comportait peut-être des lacunes. Elles ont été rapidement colmatées par sa vive intelligence, son solide bon sens et la catalyse que provoque l’exercice du pouvoir. » Comme le note par ailleurs Mestiri, qui a entre autres repris des témoignages inédits de son beau-père M’hamed Chenik, Premier ministre de Moncef Bey, celui-ci aimait écouter et s’informer.
Lorsque son père Naceur Bey accède au trône en 1906, il devient son conseiller personnel et confident. Au lendemain de la Première Guerre mondiale, le prince Moncef est chargé par son père d’entretenir des liens avec les nationalistes. En avril 1922, Naceur Bey, mécontent du traitement que la France réserve aux dirigeants du mouvement nationaliste naissant du Destour, menace d’abdiquer au cas où la France ne satisferait pas les demandes tunisiennes d’émancipation. Les autorités du protectorat s’arrangent pour l’amener à renoncer à son projet et perdre ainsi la face. Humilié, Naceur Bey décède quelques mois après, en juillet 1922. L’épisode a sans doute marqué Moncef Bey, qui se fait politiquement discret pendant une vingtaine d’années. Conformément aux règles de succession dynastique de la famille husseinite, il succède, à l’âge de 62 ans, au falot Ahmed Bey II (1929-1942) à la mort de celui-ci. Il est intronisé le 19 juin 1942. Aussitôt, il supprime le baisemain, qu’il remplace par la poignée de main ou l’accolade, et demande aux princes husseinites, souvent habitués au lucre, de se comporter plus dignement.
Bien avant son accession au trône, Moncef Bey a acquis la popularité grâce à la simplicité de son mode de vie. Dans cette station balnéaire de La Marsa, où réside la famille beylicale, il habite une maison modeste dans une rue qui porte aujourd’hui encore son nom. Il connaît la plupart des habitants de la bourgade, n’hésite pas à se mêler à eux autour d’un verre de thé. Il a la réputation d’être pieux et croyant. Le professeur Mohktar Bey écrit à son propos qu’il est de tempérament gai et fougueux et que, bon vivant, le jeune homme qu’il fut succombait facilement au charme féminin. Il a eu trois femmes, une à la fois, qui lui ont donné trois fils et une fille. Sa dernière épouse, Arbia, s’est montrée stoïque face aux épreuves. Elle était au chevet de Moncef Bey lorsqu’il est mort en exil à Pau (France), le 1er septembre 1948. Conformément à ses vux, il sera enterré, le 5 septembre 1948, sur la colline de Sidi Belhassen, au cimetière du Jellaz, à Tunis, auprès des gens du peuple, et non point au caveau des princes husseinites appelé Tourbet el-Bey.
Trois cent mille personnes suivront ses funérailles, tandis que, dans les campagnes, le peuple le pleure. En 2004, un mausolée a été érigé au cimetière du Jellaz à la mémoire de celui qui a été et restera le bey bien-aimé des Tunisiens.

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