Un marché qui décolle grâce aux Télécoms
Sous l’effet des moyens considérables mis en jeu par les opérateurs de télécoms, les budgets publicitaires se sont envolés dans le nord comme dans le sud du continent. Un secteur qui a par ailleurs stimulé la créativité et professionnalisé les métiers de
La pub explose ! C’est par ce slogan que l’on serait tenté de résumer la formidable envolée que connaît la publicité en Afrique francophone. Les deux principaux marchés de la zone, le Cameroun et la Côte d’Ivoire, ont doublé de taille en l’espace de quelques années pour atteindre environ 35 millions d’euros pour le premier et davantage encore pour le second. Le Sénégal, qui arrive en troisième position, a également vu son marché multiplié par deux en l’espace de trois à quatre ans, pour dépasser les 20 millions d’euros.
Difficile d’être plus précis toutefois. Ces chiffres ne restent que des évaluations, car aucune institution ne mesure aujourd’hui les budgets publicité en Afrique de l’Ouest et centrale. Mais les faits sont là. « Au Sénégal, beaucoup de structures qui ne communiquaient pas ont pris le train en marche. Le nombre d’agences a fortement augmenté, pour atteindre la quarantaine. Les compétences se sont enrichies et les supports se sont diversifiés : il y a désormais cinq chaînes de télévision, de plus en plus de radios, et Internet est devenu un moyen de communication », souligne Aziz Barry, directeur média de McCann au Sénégal et pour l’Afrique subsaharienne francophone.
Un marché de 500 millions d’euros au Maghreb
En Afrique du Nord, le phénomène est encore plus impressionnant. Selon le cabinet Sigma Conseil, les investissements publicitaires au Maghreb en télé, en radio, dans la presse écrite et par affichages auraient frôlé les 500 millions d’euros en 2007. En Algérie, le pays de la zone le plus en retard dans ce domaine, ils ont augmenté de 53 % ces deux dernières années ! Certes, il reste une belle marge de progression pour atteindre le niveau de dépenses dans la communication dite above the line (TV, presse, radio, affichage, Internet) de l’Afrique du Sud, qui a atteint 3,5 milliards de dollars en 2007. Le marché de l’Afrique australe a plus que doublé en cinq ans, selon Nielsen Media Research.
Il n’empêche, la croissance du secteur de la pub francophone semble désormais inscrite durablement dans le temps. Et, plus que tout, c’est le boom de la téléphonie mobile qui a favorisé l’émergence d’un véritable marché publicitaire, au Nord comme au Sud. Nedjma, le plus jeune des opérateurs algériens, s’est payé début 2006 les services de Zinedine Zidane, alors meneur de jeu du Real Madrid. Une opération menée tambour battant par les bouillonnants frères Karoui, publicitaires tunisiens amateurs de « coups ». Façon commando, le tournage a lieu en trois jours seulement dans des faubourgs de la capitale espagnole aux allures de ville algérienneÂÂ En Côte d’Ivoire, le français Orange s’est associé à une autre star du ballon rond, Didier Drogba, l’enfant du pays. Son image est largement utilisée, jusqu’à voir son nom associé à une offre mobile, « Drogba Mobile ».
Conséquence ? Les budgets s’envolent. Il y a une décennie, il était très rare qu’ils dépassent les 5 millions d’euros en Afrique du Nord. Aujourd’hui, ils peuvent atteindre deux ou trois dizaines de millions ! À eux seuls, les investissements pour la pub télévisée de Maroc Télécom, Médi Télécom et Wana, les trois opérateurs marocains de téléphonie, ont culminé à 44 millions d’euros en 2007, selon Sigma Conseil. Ceux des trois opérateurs algériens, Orascom Télécom, Mobilis et Nedjma, ont dépassé les 17 millions la même année. « Pour doper leur revenu par utilisateur mais aussi parce que leurs clients utilisent des cartes prépayées, les opérateurs se doivent de maintenir une pression publicitaire presque permanente », explique un directeur de la communication. Une concurrence acharnée entre opérateurs qui fait flamber les tarifs. Le format du spot publicitaire de trente secondes diffusé en prime time à la télévision algérienne est passé de 172 500 dinars (environ 1 800 euros) en février 2007 à 350 000 dinars en juin 2008 !
Les annonceurs ont modifié les habitudes
Au sud du Sahara, le phénomène est similaire, même si les montants en jeu sont généralement moindres. Les plus gros budgets publicitaires au Cameroun, en Côte d’Ivoire ou au Sénégal atteignent entre 5 millions et 7 millions d’euros dans les télécoms, soit cinq fois plus que ceux consentis par les autres annonceurs. Au total, les sociétés de téléphonie mobile actives dans chaque pays de l’espace francophone subsaharien représentent 30 % à 40 % du marché publicitaire local.
Mais l’inflation des budgets n’est pas le seul changement. Les annonceurs télécoms ont radicalement modifié les méthodes de travail des agences. Les délais de production se raccourcissent : de plusieurs semaines pour concevoir et réaliser une campagne, les professionnels passent à quelques jours seulement. Le ton a également évolué. Terminé les publicités standardisées, sans originalité et sans saveur imposées par les annonceurs agroalimentaires, le métier accède désormais à un certain degré de liberté. Les professionnels n’hésitent pas à faire entrer les dialectes dans la publicité ou à mélanger allègrement français et arabe.
Avec les télécoms, le marché voit également apparaître les publicités déclinées en « séries » : une même histoire décomposée en plusieurs spots diffusés à un rythme régulier sur les antennes. Et ce n’est pas tout. Dans presque tous les pays, la publicité télécom investit de nouveaux lieux. Au Cameroun, c’est MTN qui a lancé la mode des affiches géantes dans les rues. La pub quitte également le seul univers du produit pour construire des images de marque et nouer des liens presque affectifs avec le public. Un pas de plus vers la maturité.
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