Tarzan à Sousse

Après son immense succès en Tunisie, VHS Kahloucha sort en France. Un documentaire original sur un peintre en bâtiment qui a tourné sans moyens un remake loufoque d’un classique du septième art.

Publié le 15 juillet 2008 Lecture : 3 minutes.

Entassés, quelque part en Italie, devant un vieux poste de télévision, une dizaine d’immigrés tunisiens originaires de Sousse regardent un film amateur. Il les captive ou les émeut parfois, mais surtout il les fait rire jusqu’aux larmes. Sur l’écran, sorti d’une cassette VHS ramenée du pays par l’un d’eux, un film d’action des plus improbables : Tarzan des Arabes, variation loufoque d’un vieux classique du septième art transposé dans la Tunisie des années 2000.
VHS Kahloucha, le documentaire de Nejib Belkadhi, sort aujourd’hui à Paris après avoir connu un immense succès en Tunisie au début de 2007. Il retrace, en commençant par cette scène tournée en Italie, l’étonnant parcours cinématographique d’un peintre en bâtiment, Moncef Kahloucha – d’où le titre du film -, fou du septième art, qui a produit sans argent et tourné en VHS Tarzan des Arabes, dans lequel il joue le rôle principal aux côtés de parents et voisins de Kazmet, un quartier populaire de Sousse. Un film qu’il a monté sur le micro-ordinateur d’un voisin et distribué avec l’aide de ses amis, après avoir imaginé son scénario, sans même l’écrire, et utilisé au mieux les décors naturels (pour filmer la scène de l’incendie, quoi de plus simple que de mettre le feu dans un local appartenant à un voisin très serviable avant d’appeler les pompiers !).
Belkadhi nous montre ainsi, tout en suivant de près le tournage rocambolesque de ce Tarzan revu et corrigé, comment cet ouvrier passe tout son temps libre à satisfaire sa passion pour le cinéma de genre – polar, fantastique, western – et ses « héros » (de Charles Bronson à Alain Delon et de Lee Van Cleef à Clint Eastwood), qu’il prend volontiers pour modèle.
Tarzan des Arabes, on s’en doute, a remporté un vif succès à Sousse, où l’on se dispute les places pour le voir contre une modique somme dans les cafés équipés d’un petit écran si l’on est un homme, chez soi sur le magnétoscope familial à partir d’une cassette payée 1,50 dinar si l’on est une femme. Une consécration pour le fou de cinéma qui a réalisé avec les moyens du bord et sa petite caméra personnelle, après bien d’autres du même genre, ce film de série Z que l’on est si impatient de voir.
VHS Kahloucha est un film fort drôle et le portrait attachant d’un personnage peu banal et de son lieu de vie avec sa population désargentée mais pleine d’énergie et jamais à court de désirs. Mais c’est aussi un film qui retient d’autant plus l’attention qu’il nous parle au passage à la fois des origines et de l’avenir du cinéma.
Génial bricoleur d’images, Moncef Kahloucha nous ramène en effet aux sources du septième art, qui, avant de devenir une industrie, fut d’abord un miroir réfléchissant des aventures tragiques ou comiques de tous les humains et une fabrique de rêves destinés au plus grand nombre grâce à l’universalité de l’accès à l’image. Il nous indique également en pionnier, sans avoir l’air d’y toucher, certaines des grandes voies d’avenir du cinéma à l’heure du triomphe des technologies numériques : tournages légers avec du matériel peu onéreux, utilisation intensive de la micro-informatique pour faciliter les tournages (vision immédiate des rushes, etc.), distribution et exploitation dans un cadre de proximité et « à la carte » (grâce à la multiplication des petites salles et la transmission des films en vidéo par Internet), retour en grâce du cinéma de genre (facilité par les nouveaux modes de trucage), etc.
Le documentaire, déjà fort apprécié dans les festivals mais qui a mis quelque temps à sortir dans les salles hors de Tunisie, a été tourné en 2006. Vous vous demandez donc peut-être ce qu’est devenu depuis lors son étonnant personnage principal. Nous avons posé la question à Nejib Belkadhi. Grâce au succès de VHS Kahloucha, il est devenu une vraie star en Tunisie, nous a-t-il répondu. Mais, malgré cette gloire inattendue, il n’a pas dévié de son chemin : aux dernières nouvelles, il serait en train de préparer le tournage d’un nouveau film de gangsters.

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