Pas de « mandelamania » !
La Fondation Mandela protège attentivement l’image de « Madiba », qui refuse d’être perçu comme une icône. Mais aussi pour empêcher l’exploitation commerciale de sa notoriété.
Les supermarchés sud-africains Pick’n Pay ont fait fureur avec leurs tabliers de cuisine à l’effigie de Mandela, en 2007. Mais la frénésie marchande a fait long feu, puisque la Fondation Nelson-Mandela, qui veille à la protection de l’image de l’ancien président, les a fait retirer de la vente au bout de trois semaines. Quarante autres produits dérivés (pièces d’or, tee-shirts, tasses à caféÂÂ) ont subi le même sort. Les conseillers de « Madiba » veulent à tout prix éviter une « mandelamania » et des dérives à la Che Guevara. À son arrivée à la tête de la Fondation, l’année dernière, l’écrivain Achmat Dangor a remplacé le visage de Mandela sur les objets promotionnels par une photo de sa main ouverte ou son numéro de cellule à Robben Island. Comme ce « bracelet 46664 » de la marque de luxe Montblanc, dont les bénéfices de la vente sont reversés à la Fondation.
Pendant les vingt-sept années d’incarcération du leader de l’ANC, toute photographie ou représentation graphique était bannie par le régime de l’apartheid. La médiatisation n’en a été que plus intense à sa sortie de prison en 1990, alors que le monde entier attendait de voir « le prisonnier le plus célèbre de la planète ».
« Nelson Mandela ne veut pas être perçu comme une icône. Il ne cesse de répéter qu’il est un être humain. Son combat n’en est que plus remarquable », confie George Bizos, l’avocat qui l’a défendu du temps de l’apartheid. Mais si le souci de discrétion du vieil homme tient à sa modestie, ses avocats, eux, craignent des dérives financières autour de sa personnalité. La « marque Mandela » a été déposée à l’Organisation mondiale de la propriété intellectuelle de Genève, car elle vaut de l’or. Et les entrepreneurs comme les hommes politiques savent que s’afficher au côté de ce défenseur des droits de l’homme vaut la meilleure publicité du monde.
Actions caritatives
« Notre grande inquiétude est la commercialisation de son héritage, explique le nouveau directeur de la Fondation. Les hommes d’affaires utilisent sa notoriété pour faire du profit, et non pour la cause que Mandela a défendue. » En 2005, Ismail Ayob, son ancien avocat et « ami » de longue date, a reproduit par centaines des lithographies de la main de Mandela et usurpé sa signature. Plus d’une quarantaine de reproductions ont été achetées par des stars, convaincues de faire ÂÂoeuvre de charité pour la lutte contre le sida. L’argent a été reversé à la famille de Mandela, et le scandale a été étouffé.
Aujourd’hui que les apparitions en public de « Madiba » se font de plus en plus rares, sa compagnie en est d’autant plus précieuse. Les entreprises se ruent pour faire des dons à la Fondation Mandela, sponsoriser ses actions caritatives ou inaugurer (si possible en sa présence) des écoles ou des hôpitaux.
Pour George Bizos, « les dons des compagnies privées sont les bienvenus tant qu’ils n’utilisent pas l’image de Nelson Mandela pour vendre leur produit ».
Mais la frontière est floue. À l’occasion du 90e anniversaire du « père de la nation », la Fondation a lancé en partenariat avec Vodacom une grande opération « écrivez un texto d’anniversaire à ÂÂMadibaÂÂ ». Le coût de l’envoi est reversé à des oeuvres caritatives. Deux semaines avant le 18 juillet, on recensait déjà 100 000 textos envoyés à travers le monde. Autant de dons pour la FondationÂÂ et de pub pour le leader sud-africain des télécommunications.
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