[Tribune] France : ne facilitons pas la tâche à Daech…
Le discours du président français Emmanuel Macron sur les caricatures du Prophète parues dans « Charlie Hebdo » divise plus qu’il n’unit, selon Sébastien Boussois.
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Sébastien Boussois
Docteur en sciences politiques, spécialiste des relations euro-arabes et collaborateur scientifique du Cecid (Université libre de Bruxelles), auteur d’« Émirats arabes unis, à la conquête du monde » (éd. Max Milo).
Publié le 27 octobre 2020 Lecture : 3 minutes.
La concorde civile, c’était ce pacte national que l’Algérie avait mis en place après la décennie noire pour essayer de réconcilier toutes les couches de la société après dix ans de violence. C’était un moyen aussi de repartir de zéro et tenter de refonder des bases saines à la société.
La France, bien heureusement, est loin de ce drame historique vécu par l’Algérie, mais il faut d’urgence désamorcer la bombe d’une société de plus en plus polarisée.
Depuis les premiers attentats, les communautés musulmanes en France paient pour quelques terroristes
La perspective d’une guerre civile, hélas, ne relève plus de la dystopie. Depuis les premiers attentats jusqu’aux dernières mesures du gouvernement décidées après l’assassinat de l’enseignant Samuel Paty, les communautés musulmanes en France paient pour quelques terroristes, défenseurs autoproclamés du prophète de l’islam. Ce qui est clair c’est qu’ils cherchent à semer la guerre chez nous.
Vers une guerre civile ?
Le problème est que l’on ne peut plus agir inconsciemment dans notre société multiculturelle en jetant de l’huile sur le feu dans un pays où il y a aujourd’hui près de 8 millions de musulmans de culture et de religion. C’est suicidaire pour l’unité du pays.
La campagne #Boycott_French_Products, qui a émergé dans plusieurs pays arabes, vise à dénoncer cette stigmatisation mais aussi à dénoncer la promesse hasardeuse du président français lors de l’hommage national à Samuel Paty de ne pas renoncer à la diffusion des caricatures du Prophète de Charlie Hebdo. Au nom de l’éternelle liberté d’expression et du droit de blasphème certes, mais il y a un temps pour tout.
Au nom de la laïcité, la France glisse de plus en plus vers un embrasement sociétal
Il est d’ailleurs regrettable que la liberté d’expression se résume aujourd’hui en France par la publication de quelques dessins, somme toute assez vulgaires et grossiers.
Or, au nom de la laïcité, et de cette liberté d’expression si chère qui devrait être sans limites, la France glisse de plus en plus vers un embrasement sociétal. Alors que quelques mots élyséens auraient pu dans un premier temps, celui de l’hommage et du deuil, réitérer l’importance de distinguer islam et islamisme, islam politique et terrorisme.
Nous continuerons, professeur.
— Emmanuel Macron (@EmmanuelMacron) October 21, 2020
Nous continuerons ce combat pour la liberté, ce combat pour défendre la République dont vous êtes devenu le visage. pic.twitter.com/0gRe9WIVjJ
Dans une logique de « concorde civile » donc, il nous paraît essentiel de ménager la plus forte communauté musulmane d’Europe, non pas parce qu’elle devrait être privilégiée, mais bien parce qu’une large partie n’a rien à voir avec ce de quoi on l’accuse.
Tensions exacerbées
On le sait : les injonctions autoritaires ne feront qu’approfondir des tensions exacerbées depuis des années. N’est-ce-pas d’ailleurs le rôle d’un président de la République que de veiller à l’unité plutôt que diviser davantage ? Il aurait dû y avoir davantage de mots dans ce sens dans le discours d’Emmanuel Macron.
Poursuivre sur la même voie de la polarisation à l’extrême, c’est offrir chaque jour une petite victoire à Daech
Or, entre s’attaquer aux ressorts de l’islamisme violent en France et mettre en place un arsenal de mesures, dont le délit de séparatisme — lequel promet de jolis casse-têtes aux juges et aux tribunaux –, qui risquent plutôt de braquer une frange croissante de la population, il y a un monde.
C’est tout le défi de la France pour les années à venir, que le personnel politique, par méconnaissance, ne parvient pas à relever avec intelligence.
Il faut le dire : poursuivre sur la même voie de la polarisation à l’extrême, c’est offrir chaque jour une petite victoire à Daech. L’organisation islamiste avait prévu, comme une prophétie, ce que quelques attentats allaient provoquer de cassures et de divisions dans la société française.
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