Mandela dans ses oeuvres

Le 18 juillet, l’ancien président fêtera ses 90 ans. Ses apparitions publiques se font de plus en plus rares, et il ne sort guère de son silence que pour apporter son soutien à des actions humanitaires.

Publié le 15 juillet 2008 Lecture : 4 minutes.

« Ne m’appelez plus, c’est moi qui vous appellerai si j’en ressens le besoin. » En juin 2004, Nelson Mandela annonçait publiquement, et non sans humour, qu’il prenait sa « retraite de la retraite ». En 1999 déjà, après avoir passé le flambeau de la présidence sud-africaine à Thabo Mbeki, il avait laissé entendre qu’il abandonnait la vie publique. Pourtant, ses premières années de retraité ont été peut-être les plus actives de sa vie. « Ses années folles », comme les appelle Zelda La Grange, sa conseillère spéciale. Elle raconte dans un journal sud-africain qu’« il était au bureau à 8 h 30, recevait cinq à six personnes dans la matinée. Des chefs d’État, des ministres, des acteurs, des DJ, des présidents d’association, aussi bien qu’une personne aveugle qui lui avait écrit une lettre touchante. Les après-midi, il les consacrait à ses missions diplomatiques. »
Mais, depuis 2004, les apparitions publiques de Nelson Mandela ont été de plus en plus rares. Un cancer de la prostate et le décès de son petit-fils malade du sida l’ont fatigué moralement et physiquement. « Merci d’être indulgent avec un vieil homme, a-t-il demandé à ses concitoyens. Permettez-moi de me reposer, même si beaucoup d’entre vous doivent penser qu’après avoir passé vingt-sept ans sur une île on n’a plus besoin de repos ! »
Il n’empêche. La Fondation Nelson-Mandela, qui gère l’agenda de l’ancien président, reçoit quatre mille demandes de rendez-vous chaque mois ! À 90 ans, « Madiba » est encore invité à des inaugurations, des mariages, des événements caritatifs ou des séances de photos. Invitations qu’il refuse, en général, pour préserver sa tranquillité. Nicolas Sarkozy, en visite à Johannesburg en février, en a fait l’expérience. Dans La Lettre du continent, Robert Bourgi, avocat proche de la famille Bongo et de l’Élysée, raconte : « La petite [Carla Bruni-Sarkozy, NDLR] souhaitait vraiment un entretien, mais Sarkozy ne pouvait l’obtenir par voie diplomatique. Je me suis donc souvenu qu’Omar Bongo avait soutenu l’ANC contre l’apartheid. » Un coup de fil à Libreville, et le tour était joué. Les deux tourtereaux ont pu poser autour du vieux sage. Souriant malgré tout.

Avec les autres « sages »
Nelson Mandela ne sort de son silence que pour récolter des fonds en faveur des townships et d’organisations caritatives. Et c’est à ce titre qu’il a accepté l’invitation du milliardaire Richard Branson au concert organisé en l’honneur de son 90e anniversaire à Hyde Park le 27 juin. Les stars mondiales du show-biz (le pilote de Formule 1 Lewis Hamilton, l’acteur Will Smith, le groupe Queen) et les hommes politiques en quête de popularité (Bill Clinton ou Gordon Brown) se sont serrés devant l’objectif et ont permis de récolter plus de 2 millions de rands (environ 165 000 euros) au profit de son organisation 46664. Le numéro de la cellule qu’il a occupée à Robben Island est désormais le symbole de son engagement contre le sida. Le seul combat qu’il mène encore de front.
Pour le reste, sur la politique intérieure ou internationale, il préfère garder le silence. Jusqu’à son récent discours à Londres, où il a parlé de « la tragique défaillance de la politique de Robert Mugabe », il ne s’était jamais clairement exprimé sur la crise zimbabwéenne. Il échange désormais ses idées avec les autres « sages » de ce monde, au sein de l’organisation The Elders, fondée à l’occasion de son 89e anniversaire sous l’égide du même Richard Branson. Un think-tank qui réunit entre autres Kofi Annan et Jimmy Carter.
Fin juin, à Londres, les amplis se sont tus pour écouter le vieil homme sur scène. Il avait les mains tremblantes et la voix rauque. Mais son discours de paix, lui, n’avait pas pris une ride. « J’ai fait ma part, a-t-il lancé à la foule de Hyde Park, c’est à vous de prendre la relève. Je vous remercie. » Nelson Mandela a l’habitude de clore ses discours par ces trois mots. Et à chaque fois, leur simplicité résonne comme un au revoir.

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Parrain de promotion
Entre Maputo (ville natale de son épouse Graça Machel) et Johannesburg, « Tata » (« Papa », en xhosa) prend du temps pour ses amis, pour sa famille et pour lui-même. Il ne s’est pas retiré dans son village natal de Qunu, comme il l’avait annoncé au moment de quitter la vie politique, préférant finalement l’effervescence urbaine. Mais il retourne souvent voir les vertes collines du Transkei pour retrouver les membres de son clan. C’est d’ailleurs là qu’il célébrera en privé son anniversaire, le 18 juillet, en compagnie de ses trente enfants et petits-enfants. « En prison, la plus douloureuse des privations est de ne pas pouvoir partager de moments avec sa famille », confie à Jeune Afrique son ami et avocat George Bizos. L’homme qui a soutenu et défendu Nelson Mandela pendant ses années d’incarcération en parle avec une tendresse empreinte de respect. Il se souvient que « Mandela souffrait beaucoup de ne pas avoir de nouvelles de ses enfants. Quand il est sorti de prison, il avait 72 ans, il doit rattraper le temps perdu ! ».
L’avocat, grec d’origine, a rencontré Mandela sur les bancs de la faculté de Johannesburg. À l’époque, le jeune étudiant noir était son parrain de promotion. Soixante-dix ans plus tard, les deux avocats se retrouvent toujours pour déjeuner. « Quand sa femme Graça doit partir pour des voyages diplomatiques, elle me demande de venir lui tenir compagnie. Il déteste manger seul. » On comprend que cela puisse lui rappeler de mauvais souvenirs.

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