Les « vieux démons » du Katanga
Le principe de l’indivisibilité territoriale d’un État est une notion à laquelle Floribert Kaseba, le maire de Lubumbashi, dans le Katanga congolais, ne croit pas. L’homme vient en effet d’imposer la détention d’un visa permettant de résider ou de circuler, même temporairement, sur ce territoire à tout ressortissant non originaire de sa province. L’« étranger » n’est donc plus seulement le Belge, l’Italien ou le Malien : il est aussi, plus simplement, un « Congolais » d’une autre province. L’idée, dit-il, est d’instaurer une réglementation efficace de « tout séjour des visiteurs dans la ville par la maîtrise des effectifs, le contrôle des mouvements et autres faits sociodémographiques ». Avec l’accord tacite du gouverneur de la province, Moïse Katumbi, et du président de l’Assemblée du même territoire, Gabriel Kyungu, la mesure vise clairement à lutter contre la « migration de la population observée à Lubumbashi ».
Avant d’être admis à entrer dans l’une des communes de la région, tout « étranger » devra donc, au préalable, obtenir une attestation de séjour qui mentionne son identité, celle de la famille hôte, ses moyens économiques, la durée et le motif du séjour ainsi que les dates d’arrivée et de départ. Son séjour ne pourra, dans tous les cas, excéder trente jours, délai après lequel il devra nécessairement requérir une prolongation officielle. Kaseba ne fait d’ailleurs pas les choses à moitié puisqu’il a mis sur pied une unité de police spéciale détachée aux limites de la ville dans le but de démasquer et de refouler les « immigrants irréguliers » de même que les mineurs non accompagnés. Une façon très particulière de concevoir l’« unité nationale ».
L’ONG congolaise Action contre l’impunité pour les droits humains (Acidh), qui est l’une des rares institutions à avoir publiquement dénoncé la décision des autorités katangaises, estime que ces arrêtés « manifestement inconstitutionnels et illégaux » ne reposent sur « aucune base constitutionnelle, législative ou réglementaire ». Une sorte de mise en garde contre le retour de ce que l’on nomme les « vieux démons » : un passé sécessionniste – guerre du Katanga, dans les années 1960 – duquel a émergé une fibre « nationaliste » vivace, nourrie au fil du temps par une réticence marquée vis-à-vis du partage des immenses richesses minières du sous-sol avec le reste du pays.
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