Les agences indépendantes tirent leur épingle du jeu
Profitant de leur connaissance du terrain, les fils de pub africains tiennent tête aux ambitions des majors sur le continent. Pour l’instant.
La preuve est là, juste de l’autre côté de la Méditerranée. « Armando Testa est une agence indépendante qui a toutes les plus grandes marques italiennes », s’amuse Nébil Karoui, patron de l’agence de communication tunisienne Karoui & Karoui. La preuve de quoi ? Qu’être indépendant n’implique pas forcément d’être le dernier. En Afrique francophone, tout comme en Italie, le constat s’impose. Karoui & Karoui au Maghreb, Voodoo, MW Marketing Services, AG Partners en Afrique subsaharienne se classent parmi les agences les plus importantes. Indépendantes, elles devancent souvent les majors internationales de la communication implantées ou travaillant en Afrique, comme le groupe Publicis, McCann Erickson, Ogilvy, Grey ou JWT. Une situation qui n’a rien de totalement illogique. « Nous avons surfé sur la vague télécoms », se réjouit Nébil Karoui. Présentes sur le terrain lorsque les opérateurs de téléphonie ont lancé leur offensive de communication, les « petites » agences purement africaines ont profité « naturellement » de cet essor. En tout cas davantage, jusque-là, que les agences internationales, qui ont vu leur hégémonie mondiale bousculée par une poignée d’acteurs purement africains.
Se hisser au niveau des majors
Avec son frère, Nébil Karoui a disposé successivement du budget de Tunisiana avant de s’associer l’année dernière avec Tunisie Télécom. Leur agence a lancé Méditel au Maroc avant de passer à la concurrence, chez Maroc Connect, et a fait de Djezzy un leader avant d’opter pour le budget de Nedjma, le nouveau venu algérien. L’agence, réputée pour ses qualités de création et qui a remporté en 2006 deux Mena Cristal Awards, est ainsi devenue l’une des toutes premières agences maghrébines. « En Tunisie, le budget de Tunisie Télécom représente dix fois celui de Coca-Cola ! » précise Nébil Karoui, dont l’agence vient même de décrocher un énorme contrat avec Zain en Arabie saoudite et prévoit de s’installer rapidement au SénégalÂ
Parti de Côte d’Ivoire, Fabrice Sawegnon a fait un coup presque similaire : créateur de Voodoo Communication, il a décroché le budget Orange en Côte d’Ivoire puis au Cameroun, au Sénégal et, tout dernièrement, au Niger. Connu pour avoir remporté le Mondial d’or de la publicité francophone, catégorie multimédia, pour une publicité présentant le nouveau nom Orange au Cameroun et en Côte d’Ivoire, Fabrice Sawegnon a bâti grâce à Orange l’une des plus grosses agences d’Afrique de l’Ouest. Au Cameroun, MW Marketing Services s’est, quant à elle, appuyée sur les budgets de l’opérateur MTN dans ce pays mais aussi en Côte d’Ivoire pour se hisser au même niveau que les grandes agences internationales évoluant dans la zone, comme McCann Erickson ou Grey.
Une quarantaine d’agences au Sénégal
Les pionniers locaux ont ouvert la voie. La Côte d’Ivoire compte désormais plusieurs dizaines d’agences de publicité. Elles seraient une quarantaine au Sénégal. Au Cameroun, si le phénomène est moindre, l’arrivée de nouveaux acteurs, plus ou moins sérieux, est une réalité. « Les pays où il n’y avait pas d’agences en ont désormais », relève Isabelle Aimonetti, directrice d’AG Partners, un groupe panafricain affilié à Grey, composé d’un réseau de huit agences. Outre le phénomène des télécoms, une autre évolution a joué : « De plus en plus de marques purement locales, par exemple dans l’agroalimentaire, se sont mises à communiquer », explique Aziz Barry, directeur média de McCann Erickson pour l’Afrique de l’Ouest et l’Afrique centrale francophone. Et, dans ce domaine, le fait d’être une agence internationale n’est pas nécessairement un avantage. « Nous ne pouvons compter que sur notre expertise propre, explique Marème Malong, qui a créé MW Marketing Services en 1998 et dirige depuis cette agence implantée au Cameroun, en Côte d’Ivoire et au Congo-Brazzaville. Nous sommes indépendants par rapport aux groupes de communication qui détiennent des budgets captifs. » Outre ces précurseurs, d’autres agences africaines ont donc su tirer petit à petit leur épingle du jeu : ainsi, au Sénégal, l’agence Panorama s’est fait une belle place. Tout comme Par 3 et Saga Communication au MarocÂ
Toutefois, les agences internationales ont vocation à être des acteurs incontournables de la publicité africaine. Tout simplement parce que les gros budgets se négocient via des accords internationaux. McCann Erickson dispose ainsi du budget Coca-Cola pour le monde et, donc, pour l’Afrique. JWT, très implantée au Maghreb, tient celui de Diageo. Saatchi & Saatchi, malgré sa présence très limitée en zone francophone (océan Indien et Cameroun), est parvenue à décrocher la communication panafricaine de Total Afrique et Moyen-Orient. Elle mènera également dès cet automne une grande campagne de communication panafricaine pour Orange.
Au Sénégal, McCann Erickson est le leader du marché, grâce à ses gros contrats avec des multinationales comme Peugeot ou Coca-Cola mais aussi grâce aux budgets d’Orange en Guinée et en Guinée-Bissau En Afrique de l’Ouest, cette même agence se situe régulièrement parmi les meneurs du marché. Mais diriger une agence internationale peut également avoir ses inconvénients. Car si les gros contrats se gagnent à l’international, c’est aussi là qu’ils se perdent.
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