« Trouble-fête », le nouvel album engagé du rappeur belgo-congolais Badi
Intégration, identités, féminisme… Avec l’album « Trouble-fête », l’artiste belge d’origine congolaise Badi témoigne des luttes qui animent sa génération.
« This is Belgica, pays de la bière et de la N-VA », déclame Badi dans son morceau protestataire « Mauvaise ambiance ». Un titre qui fait écho au très politique « This is America » du rappeur africain-américain Childish Gambino, et à son pendant nigérian écrit par Falz, musicien originaire de Lagos. « Pays responsable de la mort de Lumumba, pays de Stromae, pays d’Abdeslam, (…) de l’islam radical », poursuit Badibanga Ndeka – son nom complet.
« Cette liste est une manière pour moi de pointer du doigt le traitement médiatique que l’on fait de la Belgique, accuse le rappeur. J’ai aussi souhaité placer cette star de la chanson belge reconnue à l’échelle européenne aux côtés de ce terroriste jihadiste, car tous les deux sont des enfants de l’immigration. Mais ils ont emprunté des voies diamétralement opposées. Je parle ici de la question du choix, prévient l’auteur de l’album « Trouble-fête ».
Cause féministe
Dans un paysage de la scène urbaine empreint de divertissement, Badi a choisi son camp. Son créneau : « l’edutainment », contraction d’éducation et d’ « entertainment » (divertissement). Sur fond de trap dopée aux sonorités afros, le Belgo-Congolais s’empare de sujets qui agitent le débat public. « J’aime le mélange des genres et proposer un exercice de style, mais sans perdre de vue le discours », soutient celui qui a fait ses classes en collaborant avec des figures du rap conscient comme Sefyu et Youssoupha.
Aucun sujet ne lui échappe. Si certains rappeurs cultivent une imagerie sexiste, Badi, lui, préfère s’emparer de la cause féministe sur un morceau au titre limpide, « Me too ». Un engagement qui résonne d’autant plus fort à l’heure où le milieu du rap francophone est visé par de graves accusations d’agressions sexuelles et de violences ayant donné naissance au hashtag #Balancetonrappeur.
« Les hommes en général ne prennent pas part au débat féministe. Ils n’osent pas, estime-t-il. Je suis suivi par pas mal de femmes sur les réseaux sociaux, qui ont rejoint le mouvement belge « Balance ton Willy », consacré aux violences sexuelles dans la communauté africaine, il fallait que je m’exprime. »
« Nous sommes la valeur ajoutée »
Né de parents originaires du Congo-Kinshasa, Badi se revendique « 100% Congolais, 100% Belge ». « On nous demande toujours d’être double. Or je suis complètement Belgafricain ! » sourit-il. Sur « Article XV » (en référence à l’article fictif de l’état séparatiste du Sud-Kasaï) – son précédent album sorti en 2017 – l’artiste s’intéressait au colonialisme et la première vague d’immigration à travers la voix de son père.
Pour ce deuxième projet, il se concentre sur les préoccupations de sa génération, l’intégration (titre de l’un des ses morceaux) et les questions identitaires. Le rappeur, qui a découvert son pays d’origine sur le tard, a toujours baigné dans la culture congolaise à travers la musique, la gastronomie et la langue transmises dans le cocon familial.
« Nous sommes la valeur ajoutée », scande-t-il en réponse à une phrase prononcée par l’homme politique belge Théo Franken, membre du parti nationaliste flamand N-VA. « Il a déclaré publiquement qu’il n’y avait pas de valeur ajoutée à l’immigration africaine en Belgique. Or les pays ne se construisent pas les uns sans les autres », réplique-t-il.
Featuring afro
Lui s’est entouré sur ce nouvel album d’« enfants d’immigrés » et de talents du continent pour témoigner de l’apport créatif afro. Il s’offre ainsi un featuring avec l’artiste belgo-zaïroise Zap Mama, le Nigérian Toj, les Congolais Kaysha, Boule Mpanya et Percy ainsi que le Togolais Kooffey.
Conscient du potentiel hype de l’Afrique, Badi ne fait pas l’impasse sur le style. Également créateur de la marque de t-shirts BANXV, flanqués des portraits de ses aînés, il était important pour lui de célébrer les modèles de la mode africaine. L’artiste rend ainsi hommage aux chefs de file de la sape comme feu Papa Wemba sur « Kitendi » et aux créatifs d’aujourd’hui sur son morceau « Virgil Abloh », du nom de ce designer américain d’origine ghanéenne. « L’ancienne génération faisait appel aux couturiers italiens ou espagnols. Aujourd’hui, nous avons nos propres créateurs, il est temps de célébrer notre valeur ajoutée ! »
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