[Tribune] Colonisation : pour une Journée internationale de la réconciliation
Le 27 octobre 1940, le général De Gaulle créait à Brazzaville le Conseil de défense de l’Empire. Européens et Africains, colonisateurs et colonisés allaient combattre ensemble les nazis. À l’occasion de cet anniversaire, un appel à la réconciliation est lancé.
Par Hery Rajaonarimampianina, ancien président de Madagascar (2014-2019), Lova Rinel, présidente du Conseil représentatif des associations noires de France (CRAN), Louis-Georges Tin, président d’honneur du CRAN et « Premier ministre de l’État de la diaspora africaine »
Les rapports nord-sud ont été façonnés par l’histoire coloniale. La première vague de colonisation a été marquée par l’esclavage, la seconde vague par le travail forcé. Nul ne peut plus ignorer ces violences et ces tragédies du passé ; elles sont la matrice du présent, qu’on le veuille ou non. Mais l’avenir étant à construire sur des bases saines, est venu le temps de la réconciliation.
Qu’il s’agisse de la traite occidentale, de la traite intra-africaine ou de la traite orientale, tous se sont servis et parfois même côtoyés, pour faire commerce d’êtres humains et pour les asservir. Aujourd’hui, malheureusement, le déficit de mémoire commune constitue un obstacle à l’amitié entre les peuples, et renforce la haine et les rancœurs.
L’Afrique doit s’emparer de son histoire
Quand l’Histoire doit rassembler pour réussir pour l’avenir ce que l’on a raté dans le passé, sur ce sujet, elle divise, sépare et crée les espaces intellectuels qui nourrissent la haine. L’Afrique a été sortie de sa propre souveraineté, il faut qu’elle raconte son histoire, il faut qu’elle s’en empare, il faut qu’elle l’assume et que le reste du monde, aussi, raconte cette histoire qui fut, de fait, la première mondialisation.
La réconciliation n’est pas un décret qu’on pose ou qu’on impose pour s’empresser de tourner la page. Les historiens ont fait leur travail, et de plus en plus de documentaires, d’expositions, de livres ou de sites internet permettent de prendre la mesure d’une histoire trop longtemps occultée.
En mars 2019, le Parlement européen a voté une résolution demandant aux États membres de mettre en place des politiques de restitution et de réparation. Il y a quelques semaines à peine, Michelle Bachelet, la haute-commissaire des Nations unies aux droits de l’Homme, a également pris position pour les réparations liées à l’esclavage et à la colonisation. Et tout récemment, l’Assemblée nationale française a voté un texte en faveur de la restitution des trésors coloniaux – même s’il ne va pas assez loin.
Mais tous les acteurs de cette histoire ne se sont pas encore exprimés officiellement, et les pays africains n’ont pas suffisamment fait entendre leur voix. Il faut ensemble tracer le chemin, décrire les étapes, établir les objectifs mais surtout répondre au besoin de la mémoire pour comprendre la réalité de la mécanique de l’esclavage et de la colonisation sur les terres africaines pour en finir avec l’asservissement.
En 1940, une même lutte
Malgré les conflits qui ont opposé l’Europe et les colonies par le passé, un moment de l’histoire a rassemblé les combattants du Nord et ceux du Sud dans une même lutte : le combat contre le nazisme. En août 1940, la première colonie africaine, le Tchad, se rallia au général de Gaulle. Ce fut l’œuvre d’un homme, un Guyanais, le gouverneur Félix Eboué. Ayant un territoire, la France libre avait désormais les attributs légaux d’un État souverain. En octobre, le Général de Gaulle arriva à Brazzaville, qui devint alors la capitale de la France libre. Le 27 de ce mois, il créa le Conseil de défense de l’Empire, qui fit office de gouvernement. Il lança aussi le Journal officiel de la France libre.
Les graines de la colère ont été plantées. Aujourd’hui, certains n’ont qu’à se baisser pour les récolter
Dans ce moment de l’histoire, ces Africains et ces Européens se battaient ensemble, pour une fois, dans un même élan, pour une même cause. Les tirailleurs africains prirent part aux combats, ils débarquèrent en Provence, ils payèrent le prix du sang, et n’en furent pas toujours récompensés, il faut le reconnaître. Les événements de Thiaroye, au Sénégal, nous le rappellent cruellement.
Changer le terreau fertile des rancœurs
L’histoire prouvera que tous n’avaient pas les mêmes objectifs et que le mot « liberté » ne rimait pas avec le mot « égalité ». Les germes d’un malentendu originel sont posés, les graines de la colère sont plantées. Aujourd’hui, certains n’ont qu’à se baisser pour les récolter. Changer le terreau fertile de ces douleurs et rancœurs est devenu impératif, c’est une priorité. Nous avons tous un rôle à jouer, les descendants de cette histoire, les diasporas et les politiques doivent trouver un symbole fort.
C’est pourquoi, aujourd’hui encore, il convient de prolonger l’esprit de Brazzaville. L’Union africaine et l’Union européenne, mais également, l’OIF, la Turquie, le monde arabe et l’Organisation de la coopération islamique (OCI) devraient se saisir chaque année de cette date du 27 octobre pour mettre en place la Journée internationale de la réconciliation, avec les sociétés civiles, en construisant avec des actions concrètes cette politique du futur que nous appelons de nos vœux.
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