Kagamé riposte

À Charm el-Cheikh, l’Union africaine, approuvant une initiative du président rwandais, s’est attaquée à l’idée même du jugement de dirigeants africains par des tribunaux occidentaux.

Publié le 15 juillet 2008 Lecture : 2 minutes.

« Si les pays européens peuvent étendre leur pouvoir judiciaire à l’Afrique, les pays africains devraient avoir la possibilité d’en faire autant en Europe. Heureusement, nos juges prendront aussi du plaisir à inculper quelques Français. » Choqué par l’inégalité entre les États, Paul Kagamé s’insurge contre le traitement fait aux leaders africains par les « petits juges » occidentaux au nom de la compétence universelle.
Joignant le geste à la parole, le numéro un rwandais a entrepris une démarche inédite à l’occasion du sommet de l’Union africaine (UA) qui s’est tenu les 30 juin et 1er juillet à Charm el-Cheikh. À la veille de l’événement, il s’en est ouvert à ses homologues djiboutien et congolais, Ismaïl Omar Guelleh et Denis Sassou Nguesso. Certains de leurs collaborateurs ont en effet eu maille à partir avec la justice française pour, respectivement, l’assassinat présumé du juge Borrel et l’affaire dite des disparus du Beach. Il a également évoqué la question avec le chef de l’État ivoirien Laurent Gbagbo, dont des proches risquent d’être mis en examen pour l’enlèvement du journaliste franco-canadien Guy-André Kieffer, ainsi qu’avec le président sénégalais Abdoulaye Wade, dont d’anciens ministres risquent le même sort à la suite d’une plainte déposée devant un tribunal parisien par des victimes du naufrage du Joola.
Dès son arrivée en Égypte, le 28 juin, Kagamé a multiplié les contacts pour convaincre ses pairs de voter un projet de résolution qu’il avait préparé. Adopté à l’unanimité deux jours plus tard, ce texte dénonce les poursuites lancées par des juges français, belges et espagnols contre des officiers supérieurs des Forces de défense rwandaises. Les chefs d’État et de gouvernement ont déclaré que « les mandats d’arrêt ne seront jamais exécutés dans les pays membres de l’Union africaine » et demandé « d’urgence une réunion entre l’UA et l’Union européenne afin d’examiner la question en vue de trouver une solution durable à ce problème ».
Au-delà du cas rwandais, l’UA s’est attaquée à l’idée même du jugement de leaders africains par des tribunaux occidentaux : « L’utilisation du principe de compétence universelle à des fins politiques est un développement qui pourrait mettre en danger le droit international, l’ordre et la sécurité. »
Paul Kagamé entend poursuivre sa guerre contre la justice française, qui a lancé des mandats d’arrêt contre neuf de ses proches, dont le chef d’état-major James Kabarebe. Contre la justice belge, également, laquelle en a émis contre quarante officiers rwandais, dont le général Karake Karenzi. Ce dernier a dû renoncer au renouvellement de son mandat de commandant adjoint de la Mission des Nations unies et de l’Union africaine au Darfour.
Après l’enquête de Paris sur le rôle du Front patriotique rwandais (FPR) dans le déclenchement du génocide, c’est au tour de Kigali de mener son investigation sur la contribution présumée de la France à cette tragédie. Courant juillet, la commission dirigée par l’ex-garde des Sceaux rwandais Jean de Dieu Mucyo va rendre le fruit de ses travaux. Ses conclusions, vues du Rwanda, risquent d’être accablantes.

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