Dîner de gala

Publié le 15 juillet 2008 Lecture : 2 minutes.

C’était le jour de l’Afrique, lundi 7 juillet, en ouverture du sommet du G8 à Toyako, au Japon. Le matin, après avoir reçu chaleureusement les sept présidents invités, venus du lointain continent pauvre leur exposer leurs doléances, les chefs d’État des pays les plus riches de la planète leur firent gentiment la leçon. Côté bonne gouvernance et lutte contre la corruption, vous n’en faites pas assez, leur dirent-ils, on attend mieux de vous, l’aide, ça se mérite. Et puis, il y a cette fâcheuse affaire du Zimbabwe : comment pouvez-vous encore tolérer parmi vous l’ogre Mugabe ? Pour mieux enfoncer le clou et parce qu’une image, dit-on, vaut mille mots, le Premier ministre britannique Gordon Brown sortit de ses dossiers une photo horrible : celle d’un militant de l’opposition zimbabwéenne mutilé à mort par les sbires du « Comrade Bob ». Sûr de son effet, il la fit circuler, déclenchant chez l’ultra-sensible Angela Merkel un « Mein Gott » effaré. Cet épisode macabre eut sur l’estomac des grands de ce monde une conséquence immédiate : il leur ouvrit l’appétit. Cela tombait bien, il était l’heure de déjeuner. Au menu : une demi-douzaine de plats. Les convives s’extasièrent. « Ce n’est rien, leur répondit le très affable Premier ministre japonais Fukuda, vous n’avez rien vu, attendez ce soir. »
Retour, plutôt gai, en salle de réunion. Les Africains étaient toujours là, sages, convoqués et un peu remontés. D’emblée, ils reprochèrent aux membres du G8 de ne pas avoir tenu leurs promesses en matière d’aide publique au développement. Il est vrai qu’une fois déduites les annulations de dettes, l’APD de la France, par exemple, est à ses propres engagements ce que le bonzaï est au baobab. « Nous consentons à injecter 60 milliards de dollars dans vos économies d’ici à 2013, leur fut-il répondu, à condition bien sûr que vous vous débarrassiez de l’horrible Mugabe. » Abdoulaye Wade tenta bien d’objecter que les ventres creux ne se nourrissent pas de promesses non tenues et que la crise alimentaire était infiniment plus lourde de menaces pour le continent que celle du Zimbab­we. À la simple évocation des assiettes vides, les grands se remémorèrent les alléchantes promesses de leur hôte. Il était l’heure de repasser à table.
Le repas fut succulent, un festival de gastronomie nippone. Pas moins de dix-huit plats, bÂuf de Kyoto (un must), crème au sésame, thon rouge au shiso, langouste au vinaigre de Tasazu, soupe au crabe, agneau de lait aux cèpes et au miel de lavande, fromages, dessert fantaisie « spécial G8 », champagnes et vins des cinq continents. Les convives, grisés, n’eurent pas de mots assez sucrés pour féliciter leur hôte. Le lendemain, tous – à l’exception de George W. Bush, hélas – promirent de se retrouver l’an prochain en Italie pour un nouveau rendez-vous culinaire d’exception. Cette fois, ce sera au tour de l’ami Silvio de régaler ses copains au bord du gouffre. Faut-il en rire, ou en vomir ?

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