Augmenter l’impôt sans décourager les investisseurs

La plus importante campagne de recouvrement fiscal a rempli les caisses de l’État, mais a tendu les relations entre l’administration et les entreprises.

Publié le 15 juillet 2008 Lecture : 2 minutes.

En moins de deux mois, ce sont 12,5 milliards de F CFA d’arriérés et d’impayés qui ont été collectés par le fisc camerounais auprès des opérateurs économiques. Soit 500 millions de plus que ce qui était espéré par la Direction générale des impôts lorsqu’elle a lancé, en mai, la plus importante campagne de recouvrement de ce type depuis les dix dernières années. En tout, une vingtaine de contrôleurs et d’inspecteurs sont descendus dans la capitale économique, Douala, où se situent 70 % des entreprises qui étaient visées. Il s’agissait pour la plupart de petites et moyennes entreprises (PME). La mission consistait à tenter d’obtenir des règlements non apurés ou des créances affectées au contentieux. « La plupart ont accepté de payer directement, et quelques autres ont souhaité obtenir des échéances de paiement », raconte, sous le couvert de l’anonymat, l’un des inspecteurs affectés sur le terrain.
Un vrai motif de satisfaction pour l’administration centrale dans sa volonté de fiscaliser l’économie alors que les recettes de l’État (hors dons) n’ont représenté, en 2007, que 17,7 % du produit intérieur brut (PIB), contre une moyenne dépassant les 29 % en zone Cemac (Communauté économique et monétaire de l’Afrique centrale). Cet argent arrive à point nommé et traduit une volonté clairement affichée par les autorités. Explication : au total, le coût des décisions prises en mars dernier contre la vie chère – hausse des salaires des fonctionnaires, suspension des droits de douane et stabilisation des prix des carburants – est estimé à 150 milliards en 2008. Pour cette année, la loi de finances avait été calculée sur la base d’un baril à 65 dollars. « Le surplus des recettes pourrait atteindre 200 milliards, un montant largement suffisant pour couvrir ces dépenses additionnelles », estime la mission économique française de Yaoundé. Mais à l’avenir et de façon structurelle, le Fonds monétaire international (FMI) insiste sur la nécessité de dégager des ressources budgétaires non pétrolières (voir encadré), qui à ce jour dépassent péniblement les 12 % du PIB.
Cette nouvelle discipline n’est pas pour autant de nature à améliorer les relations déjà tendues entre le fisc et les opérateurs économiques. En pointe, le Groupement interpatronal du Cameroun (Gicam) dénonce un niveau de fiscalité « dissuasif ». Plus discrètement et en « off », beaucoup d’entrepreneurs s’estiment victimes de « racket ». Plus courageux, Robert Nkouamou, patron d’une imprimerie employant une quinzaine de salariés à Yaoundé et qui présente un chiffre d’affaires de 50 millions de F CFA, dénonce ouvertement « un harcèlement, une pression et des arnaques » qui donnent le sentiment au chef d’entreprise que « l’État est là pour [le] saigner jusqu’à ce qu[‘il] soi[t] mort ». Des propos sans doute excessifs, mais qui confirment le malaise.

Personne ne doit échapper au fisc
En contre-pied, la Direction générale des impôts cherche donc à présent l’apaisement et souhaite rendre les Camerounais moins « rétifs à payer volontairement leurs impôts ». Il est notamment question d’en finir avec les sempiternelles « négociations de dessous-de-table » et de contourner les défaillances d’un régime fiscal de type déclaratif. Il est également prévu de renforcer les droits du contribuable. Une démarche dont Martin Abega, secrétaire général du Gicam, se réjouit, tout en demandant à l’État de s’engager sur l’essentiel : l’élargissement de l’assiette fiscale. « Il est anormal, dit-il, que certains paient et que d’autres échappent totalement au fisc. » La réforme fiscale engagée ne fait que commencer.

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