Les Algériens appelés à entériner une « nouvelle République »

Près de 25 millions d’Algériens sont appelés dimanche à se prononcer sur une révision constitutionnelle censée fonder une « Algérie nouvelle », et à plébisciter son promoteur, le président Abdelmadjid Tebboune.

Abdelmadjid Tebboune, le président algérien, le 19 décembre 2019. © Toufik Doudou/AP/SIPA

Abdelmadjid Tebboune, le président algérien, le 19 décembre 2019. © Toufik Doudou/AP/SIPA

Publié le 31 octobre 2020 Lecture : 3 minutes.

Mais à l’issue d’une campagne électorale qui n’a pas suscité l’enthousiasme des Algériens, Abdelmadjid Tebboune prend le risque de voir son initiative de nouvelle Loi fondamentale plombée par un faible taux de participation à ce référendum.

Coup du sort, le président âgé de 74 ans a été transféré mercredi soir eà l’hôpital pour des « examens médicaux approfondis » après des cas suspects de Covid-19 dans son entourage.

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Dès son investiture, le 19 décembre 2019, au lendemain d’un scrutin marqué par une abstention record, Abdelmadjid Tebboune s’était engagé à réformer la Constitution de 1996 en tendant la main aux protestataires du « Hirak béni ».

Boycott

Mais ces derniers ont rejeté « sur le fond et la forme » un texte perçu comme un « changement de façade » alors que la rue réclamait un « changement de régime ». Ils prônent le boycott du scrutin.

« Mal élu, le président Tebboune est dans une situation délicate », analyse le politologue Hasni Abidi, spécialiste de l’Algérie et du monde arabe.

« Même s’il est tenté par une volonté de légitimation par les urnes, sa marge de manoeuvre est limitée », estime Hasni Abidi, car l’armée a « appris les leçons » de la présidence d’Abdelaziz Bouteflika (1999-2019) qui s’était affranchi de sa tutelle. Elle est redevenue le « véritable détenteur » du pouvoir, souligne-t-il.

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La date du référendum n’a pas été choisie par hasard : le 1er novembre marque l’anniversaire du début de la Guerre d’indépendance contre la puissance coloniale française (1954-1962).

« 1954: la libération, novembre 2020: le changement », promettait le slogan officiel de la campagne qui s’est achevée mercredi.

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Les Algériens devront répondre à la question: « Êtes-vous d’accord sur le projet de révision de la Constitution qui vous est proposé? »

Les partisans du « oui » rassemblent les membres du gouvernement, les partis de l’ancienne coalition au pouvoir comme le Front de libération nationale (FLN) — qui soutenait le président Bouteflika chassé du pouvoir en avril 2019 sous la double pression du « Hirak » et de l’armée — et les médias publics.

Ils ont mené une campagne électorale dite d’ »explication » et de sensibilisation, martelant que le projet posait les fondements d’une « nouvelle République ».

Le peuple se dirigera « en masse » vers les urnes pour poser « une nouvelle pierre dans le processus d’édification nationale et mettre en échec les manoeuvres des ennemis de l’Algérie », a estimé mercredi le ministre de la Communication et porte-parole du gouvernement, Ammar Belhimer.

Mais la nouvelle Loi fondamentale, tout en mettant l’accent sur une série de droits et libertés pour répondre aux aspirations des « hirakistes » maintient l’essentiel d’un régime présidentiel.

Quel taux de participation ?

Le référendum s’inscrit dans un climat de répression, les opposants — des islamistes à l’extrême-gauche en passant par les défenseurs des droits humains — dénoncent un projet visant à enterrer le « Hirak » pour les uns et à constitutionnaliser la laïcité pour les autres.

« Le pouvoir est conscient que le lien avec le peuple est définitivement rompu », observe Hasni Abidi.

Près de vingt mois après le déclenchement de la contestation, d’une ampleur inédite, le scrutin constitue un sérieux test pour un « Hirak » affaibli par une répression quotidienne et l’interruption forcée de ses manifestations en raison de la crise sanitaire.

Pour Louisa Aït-Hamadouche, professeure de sciences politiques à l’université d’Alger, la force du « Hirak » sera jugée à l’aune du taux d’abstention et de la poursuite de son caractère pacifique et citoyen.

« Le référendum est sans enjeu en termes d’alternative politique et de changement de type de gouvernance », relève-t-elle.

En revanche, il « revêt un enjeu considérable en ce qui concerne la consolidation du pouvoir, qui dépendra en premier lieu du taux de participation ».

Le Mouvement de la société pour la paix, principal parti islamiste, a décidé de participer au référendum mais appelle à voter « non ».

« Le taux de participation est un indicateur de l’adhésion des électeurs. Encore faut-il que les chiffres ne subissent pas le lifting habituel (des tenants du régime) en pareilles circonstances », met en garde le politologue Hasni Abidi.

« Auquel cas, l’Algérie aura raté une occasion inédite de s’inscrire dans un processus sincère de transition démocratique », conclut-il.

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