Les frères de la côte

La lutte acharnée pour le contrôle du golfe de Guinée a ébranlé le secteur. Depuis, armateurs danois et français se partagent le gâteau.

Publié le 11 juillet 2003 Lecture : 2 minutes.

La hache de guerre semble définitivement enterrée. Pourtant, les côtes africaines ont été le théâtre d’une terrible bataille navale pendant près de deux ans. Pas à coups de canon ou de sabre d’abordage, non, mais par taux de fret et rachats de compagnies interposés. D’un côté, le groupe danois AP Møller et son fleuron, Maersk-Sealand, premier armement mondial. De l’autre, le français Bolloré et sa filiale Delmas, leader traditionnel sur l’axe Nord-Sud entre l’Europe et l’Afrique de l’Ouest, enjeu de cette lutte sans merci.
Si Maersk est présent – de manière limitée – dans la région depuis les années 1930, il a dû attendre le milieu des années 1990 pour s’implanter en force dans tous les ports du golfe de Guinée, réglementation oblige. À la faveur de la libéralisation du trafic, l’armement danois va s’adapter aux spécificités du marché africain. Il met notamment en place des réseaux terrestres de collecte de marchandises d’exportation pour remplir les cales de ses navires… comme Bolloré l’avait fait plusieurs années avant lui.
La grande offensive date de 1998, lorsque Maersk-Sealand décide de baisser ses taux de fret pour gagner des parts de marché. Cette guerre tarifaire – qualifiée d’« effroyable » par certains observateurs – a bien failli avoir la peau de la compagnie Delmas, obligée de lutter chèrement pour maintenir ses positions face à la puissance de feu de Maersk-Sealand. En l’espace d’une année, les taux de fret chutent de près de 40 %. Outre cette guerre des prix, les armateurs en profitent pour optimiser leurs rotations et compléter leurs prestations maritimes et terrestres, en prenant le contrôle de compagnies obligées de jeter l’éponge dans ce contexte hyperconcurrentiel. En 2000, Maersk-Sealand met ainsi la main sur le sud-africain Safmarine et Bolloré sur Otal (OT Africa Line) basé en Grande-Bretagne, pour constituer deux entités de tailles identiques en Afrique.
La fin des hostilités intervient en mars 2000, après que la conférence Ewata (Europe-West African Trade Agreement) a décidé de relever le niveau des rémunérations. Ewata regroupe les armements du groupe danois AP Møller, l’anglo-néerlandais P&O Nedlloyd, l’allemand WAL et le néerlandais Nile Dutch Africa Line. La décision prise par la conférence est immédiatement suivie par les armements du groupe Bolloré, pourtant restés à l’écart des négociations.
Depuis, cette paix des braves a permis à chacun de gérer ses lignes et ses dessertes terrestres dans un contexte assaini. « Il existe toujours une forte concurrence, mais personne n’a oublié les conséquences financières de 1999 », affirme Claus Ellemann-Jensen, directeur Afrique chez Maersk-Sealand. Approche confirmée chez Bolloré par Yves Perrin, directeur général de Delmas, qui déclare que « toute perturbation ne profiterait à aucun des deux armements ». Les deux groupes travaillent même ensemble sur certains dossiers, comme la privatisation de la ligne ferroviaire Dakar-Bamako ou la gestion du terminal à conteneurs de Douala, au Cameroun, chacun des deux contrôlant entre 30 % et 40 % du trafic sur l’axe Nord-Sud.

La Matinale.

Chaque matin, recevez les 10 informations clés de l’actualité africaine.

Image

Contenus partenaires