La guerre des prix

Transporteurs maritimes et aériens se livrent une farouche concurrence pour capter le trafic passagers entre l’Europe et le Maghreb.

Publié le 11 juillet 2003 Lecture : 3 minutes.

«Le transport maritime méditerranéen ne capte qu’une part minoritaire du trafic passagers, car, sur ce créneau, il est fortement concurrencé par le transport aérien. C’est un trafic saisonnier, dont la clientèle se compose essentiellement de familles », explique Pierre Marcy, directeur commercial de la Société nationale maritime Corse Méditerranée (SNCM). En effet, touristes et hommes d’affaires privilégient la voie des airs. Les compagnies aériennes s’arrogent donc la plus grosse part de marché quant au transport des personnes entre le Maghreb et l’Europe, alors que l’essentiel du fret transite par voie maritime. Aussi les entreprises de navigation multiplient-elles les initiatives commerciales pour accroître leur clientèle.
Depuis trois ans, la SNCM a lancé une véritable offensive marketing, créant des alliances et mettant en place des outils de fidélisation de ses usagers. Des méthodes qui ne sont pas sans rappeler les pratiques du secteur aérien. La SNCM s’est ainsi liée à l’Entreprise nationale de transport maritime de voyageurs algérienne (ENTMV) et à la Compagnie tunisienne de navigation (CTN) pour améliorer sa politique tarifaire et renforcer son offre de services. Des stratégies similaires ont déjà été engagées par Tunisair et Royal Air Maroc à travers des partenariats avec des compagnies européennes. Le transporteur tunisien a par exemple signé en mai dernier un contrat avec Lufthansa Consulting ayant pour objectif une refonte de sa stratégie commerciale (tarifs, marketing, produits, etc.). Réponse du secteur maritime : « Pour nous aligner sur l’aérien, nous essayons de faire la différence en proposant, nous aussi, des services complémentaires, comme la facilitation des formalités douanières (visas) ou l’aménagement de lieux de prière », explique Pierre Marcy. L’année dernière, la SNCM a également changé de navires pour accroître sa capacité, augmentant de 40 % le nombre de places disponibles. Son chiffre d’affaires a ainsi progressé de 33 % vers l’Algérie et de 24 % vers la Tunisie.
Mais quelles que soient les innovations, les compagnies maritimes subissent toujours l’influence directe de l’aérien : cette année, lorsque Air Lib et Khalifa Airways ont cessé leur activité, la SNCM a vu le nombre de ses passagers doubler. Néanmoins, la concurrence reste redoutable sur « ce marché porteur qui intéresse de nombreux opérateurs », affirme Pierre Marcy. C’est notamment le cas d’Air France. Le 28 juin, à 7 h 30, le transporteur français a affrété son premier vol Paris-Alger. La compagnie a choisi une période de pointe pour reprendre sa desserte de l’Algérie, une stratégie qui va permettre de réduire l’engorgement lié à la période estivale. Pour les transporteurs maritimes, ce come-back va automatiquement entraîner une perte de clientèle, même en basse saison. Air France concurrence la SNCM sur la ligne Marseille-Alger – dont le prix de la traversée est compris entre 300 et 450 euros aller-retour – en proposant des tarifs agressifs – à partir de 322,10 euros aller-retour.
En fait, il y a déjà longtemps que les compagnies maritimes réalisent l’essentiel de leur chiffre d’affaires sur le fret avec l’Europe, et cette situation devrait encore durer. En effet, « l’Union européenne représente, en volume, entre 53 % et 80 % des échanges commerciaux des pays maghrébins », indique Alberto Compte, directeur technique du Centre d’études des transports pour la Méditerranée occidentale (Cetmo). Seuls les produits manufacturés, incluant une certaine valeur ajoutée, supportent de forts coûts de transport et empruntent la voie des airs. Or 90 % des exportations du Maghreb vers l’Europe se composent d’hydrocarbures et de matières premières.
Cependant, à moyen terme, le secteur des transports pourrait subir d’importantes mutations. Déjà, « les pays du Maghreb ont tous engagé des réformes économiques en vue d’une plus grande mobilisation de l’investissement privé, contribuant ainsi au développement de la concurrence », explique Aline Pennisi, chef de projet au CES-Roma, le Centre européen pour la coopération statistique. « Ce qui n’est pas sans impact sur le transport maritime. L’Algérie est en train de réorganiser son secteur portuaire. Au Maroc et en Tunisie, des projets sont à l’étude, notamment pour l’ouverture de concessions. » En effet, dans le cadre du partenariat Euro-Méditerranée et de la création d’une zone de libre-échange en 2010, l’UE pousse les pays du Maghreb à la libéralisation et à la déréglementation des transports. Ce qui pourrait encore changer la donne et motiver la concurrence.

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