En attendant la Transafricaine…

Deux axes transsahariens, un réseau en Afrique centrale… Lentement mais sûrement, le continent se dote de milliers de kilomètres de voies bitumées.

Publié le 11 juillet 2003 Lecture : 4 minutes.

Longtemps, l’Afrique a ressemblé à un continent où, hors des grands centres urbains et des zones côtières, il était quasiment impossible de se déplacer en voiture. Et où, pour relier deux capitales, l’avion était bien souvent l’unique moyen de transport disponible. À cette situation de sous-équipement routier, plusieurs raisons. La première est géographique : une grande partie du continent connaît des conditions physiques et climatiques particulièrement hostiles. Les zones désertiques et, plus encore, équatoriales, se prêtent difficilement à la réalisation de routes asphaltées qui s’y avère particulièrement coûteuse (jusqu’à 300 000 euros par kilomètre !). En Afrique, où les grandes agglomérations sont souvent très éloignées les unes des autres, la réalisation de tronçons de plusieurs centaines – voire de milliers – de kilomètres ne répond pas toujours à une logique de rentabilité économique et commerciale immédiate.
Mais la nature est loin d’être seule responsable de ces retards. Dans la pratique, l’accession des pays à l’indépendance n’a guère favorisé le développement d’un tissu routier continental, les nouveaux gouvernements africains ayant longtemps pratiqué une politique de « repli » politique et économique au nom de leur « intérêt national ». Le sous-développement routier qui s’est ensuivi a fortement pénalisé les échanges commerciaux interafricains et maintenu totalement isolées de vastes régions de l’intérieur du continent. Toutefois, les choses commencent à bouger. Plusieurs grands projets régionaux, initiés séparément, ont été répertoriés puis regroupés dans le cadre du Nouveau Partenariat pour le développement de l’Afrique (Nepad), dont l’une des priorités est d’achever l’interconnexion des axes routiers déjà existants.
Première de ces réalisations, la route Tanger-Dakar doit être terminée au cours du second semestre 2004. Cette Transsaharienne côtière de 3 000 km est déjà construite à 85 %. Elle n’attend plus que la livraison du tronçon mauritanien, reliant Nouadhibou à Nouakchott, pour être praticable de bout en bout. Dans cette portion saharienne, les travaux sont particulièrement difficiles : le sol y est constitué de cailloux et de sable, qui se déplacent au gré des vents. Entamé en juillet 2002, ce « chaînon manquant » de 470 km fera de la Mauritanie un trait d’union entre le Maghreb et l’Afrique de l’Ouest. Une fois achevée, la Transsaharienne favorisera une véritable intégration économique régionale. Elle permettra de renforcer la mise en valeur de ressources (zones de pêche, sites touristiques) dont l’exploitation a été freinée par l’absence de liaisons terrestres. Le financement du dernier tronçon, qui s’élève à 70 millions de dollars (61,4 millions d’euros), est pris en charge par le Fonds arabe pour le développement économique et social (à hauteur de 73 %), la Banque islamique de développement (14 %) et l’État mauritanien (13 %).
Plus complémentaire que concurrente de sa « voisine » côtière, la seconde Transsaharienne a pour sa part pris quelque retard. Le projet est ancien : évoqué au cours des années 1960 dans la foulée des indépendances, il a donné naissance à un Comité de liaison regroupant l’Algérie, la Tunisie, le Mali, le Niger, le Tchad et le Nigeria. Les six pays prirent la décision de tracer, dans cette portion centrale du Sahara, une longue ligne droite reliant la Méditerranée au golfe de Guinée. Trente-sept ans plus tard, la « Transsaharienne bis » est encore loin d’être achevée. Sur les 4 500 km de route prévus, près de 1 200 ne sont toujours pas asphaltés. Les « chaînons manquants » se situent dans la partie centrale du tracé. Si la réalisation des portions algérienne et nigériane est très avancée (asphaltées à 85 % et 95 %), il en va tout autrement de celle de la section nigérienne. Dans ce pays, certaines parties sont encore à l’état de pistes (c’est le cas des axes reliant, d’une part, l’Algérie à Arlit et, d’autre part, Agadès à Zinder, deux tronçons longs de 203 km et de 130 km). D’autres, déjà bitumés, nécessitent de sérieux travaux de réhabilitation, comme les tronçons Arlit-Agadès et Zinder-Nigeria, longs de 237 km et 111 km). La finalisation de la portion nigérienne nécessite quelque 68 millions de dollars et des délais de construction compris entre deux et trois ans. Seule une partie des financements a déjà été trouvée : la Libye et le Fonds européen de développement ont accepté de débourser respectivement 5,5 millions et 14 millions de dollars.
Autre projet, autre logique, le schéma d’aménagement routier d’Afrique centrale ne vise pas, contrairement aux deux ouvrages précités, la réalisation d’une longue voie pénétrante reliant deux régions distinctes séparées par plusieurs milliers de kilomètres. Il s’agit ici de constituer un maillage routier destiné à favoriser l’intégration sous-régionale. Le projet, qui regroupe les pays de la Communauté économique et monétaire de l’Afrique centrale (la Cemac, qui rassemble le Cameroun, la Centrafrique, le Congo, le Gabon, la Guinée équatoriale et le Tchad) ne date pas d’hier : c’est en 1993 qu’un premier schéma d’aménagement voit le jour. Son objectif : relier les grandes villes des six États et désenclaver les deux pays ne disposant pas de façade maritime (Tchad et Centrafrique). À terme, la réalisation de milliers de kilomètres de routes bitumées permettra aux pays de la Cemac de faciliter la commercialisation de leurs produits, mais aussi de renforcer la vocation de la région comme zone d’échanges entre les « géants » voisins que sont le Nigeria (130 millions d’habitants) au nord et la République démocratique du Congo (55 millions d’habitants) au sud.
Élaboré avec retard, le réseau routier africain permettra bientôt de rapprocher des régions très éloignées les unes des autres. En attendant de réaliser le rêve de la première génération d’Africains indépendants : relier Alger au Cap grâce à une « Transafricaine » joliment bitumée…

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