Dieu, la femme et le cadi

Publié le 11 juillet 2003 Lecture : 2 minutes.

Le grand cadi de Mayotte – île comptant 170 000 habitants, en majorité musulmans – part en guerre contre un amendement du code de statut personnel qui vise à interdire progressivement, à compter du 1er janvier 2005, la polygamie ainsi que la répudiation des femmes par leurs époux. Ratifié en seconde lecture par le Parlement mahorais, le nouveau texte de loi cherche également à instaurer l’égalité des sexes en matière d’héritage. « Ce serait une offense au Coran », a déclaré le grand cadi dans une interview au quotidien français Le Figaro (8 juillet 2003). Le jurisconsulte a d’ailleurs écrit au gouvernement pour lui demander, au nom de tous les cadis, ces fonctionnaires territoriaux qui remplissent, au nom du droit coutumier, des fonctions civiles, judiciaires et religieuses, de retirer l’amendement scélérat. « Aucune autorité ne peut modifier la législation divine », a-t-il déclaré.

Dieu a-t-Il parlé à Mohamed Hashim ? Sinon, de qui ce dernier tient-il sa science divine ? Les textes fondateurs de la charia (loi islamique), c’est-à-dire le Coran et le hadith (paroles et actes du prophète Mohammed), n’ont jamais prescrit la polygamie aux musulmans. Les versets coraniques portant sur cette pratique n’expriment pas, de l’avis des théologiens avisés, une franche approbation de celle-ci, mais une tolérance accordée dans un contexte particulier (guerre, etc.) et assortie d’une condition majeure : l’équité dans les relations entre l’homme et la femme et envers les épouses elles-mêmes.
Au regard de la loi islamique, la polygamie, qui tient plus des moeurs sociales que des préceptes religieux, est appelée à disparaître. Elle n’a d’ailleurs plus cours dans de nombreux pays musulmans, comme la Tunisie ou la Turquie, sans que les équilibres sociaux dans ces pays n’en soient affectés. On peut même constater que dans les pays où la polygamie a été abolie, la situation générale est meilleure que dans ceux où elle perdure.
Il y va ici de la polygamie comme de la répudiation ou de la violence contre les femmes. Ces pratiques d’un autre âge, qui empêchent le monde islamique d’évoluer vers un plus grand respect de l’être humain, ne peuvent être justifiées par aucune loi, fût-elle religieuse.

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« Dieu ne parle pas seulement aux morts. Si sa Parole est vivante, il faut l’écouter avec un esprit d’aujourd’hui, dans la situation actuelle », a écrit le penseur tunisien Mohamed Talbi. Qui a ajouté : « En dehors du témoignage fondateur de la foi (chahada), tout ce qui relève de la gestion sociale est matière à ijtihad (interprétation), donc susceptible d’évolution dans le temps et de mise à jour continuelle. » Traduction : la charia n’est pas bonne pour tous les temps et tous les lieux. Elle n’a de sens que dans le cadre d’une compréhension dynamique, en phase avec l’évolution du monde.
N’est-il pas regrettable qu’à l’aube du IIIe millénaire des pseudo-théologiens croient pouvoir confisquer l’avenir de leur peuple en l’empêchant d’avancer sur la voie du progrès social et du développement économique sur la base de lectures étriquées des textes sacrés ?

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