Didier Ratsiraka

Ancien chef de l’État malgache

Publié le 11 juillet 2003 Lecture : 3 minutes.

Sollicité pour une interview, Didier Ratsiraka refuse net. Détenteur d’un visa ordinaire d’une validité de six mois renouvelable, l’ancien président malgache (66 ans) a fait voeu de silence. « Je vieillis… et je ferme ma gueule ! Par respect pour les lois du pays qui m’accueille », l’Amiral fuit les journalistes. Exilé dans la banlieue chic de Neuilly-sur-Seine, il vit désormais en bordure du bois de Boulogne, à quelques encablures de Paris, il a trouvé refuge il y a un an. Le 5 juillet 2002, à l’issue de six mois d’un bras de fer implacable avec son challenger Marc Ravalomanana, il quittait son fief de Toamasina à bord d’un Antonov affrété par son fils Xavier pour rejoindre la capitale française le 7, après une courte escale aux Seychelles.
Quelques jours plus tôt, les États-Unis puis la France avaient reconnu le nouveau régime malgache. Le 8 juillet, la province de Toamasina faisait allégeance au pouvoir central, mettant un terme à six mois de fronde contre Antananarivo. Depuis cet épilogue, le chef de l’État n’a plus fait de vagues. Sommé de rester discret, cet hôte bien élevé évite soigneusement de faire de l’ombre aux relations diplomatiques franco-malgaches.

Parmi ses proches, rares sont ceux qui se permettent quelque écart que ce soit. Seul l’ancien vice-Premier ministre Pierrot Rajaonarivelo, lui aussi réfugié en France, donne de la voix. Secrétaire national de l’Avant-Garde pour la rénovation de Madagascar (Arema), il a été jugé à Tana – par contumace – pour usurpation de fonction. Et dénonce les poursuites dont font l’objet les dignitaires ratsirakistes. Moins loquaces, ex-diplomates et anciens ministres n’en décolèrent pas moins – en privé – contre l’Union africaine, « coquille vide dont l’existence n’a jamais été ratifiée par Madagascar », et contre « la trahison des grandes puissances ». « La France a suivi comme un mouton les États-Unis dans leur croisade pour imposer Ravalomanana à la tête de la Grande Île, souligne ce baron de l’ancien régime. Ce n’est pas le peuple, mais l’Occident qui a choisi le nouveau président de Madagascar. Au nom de la pensée unique, les États-Unis ont décidé de se débarrasser de Ratsiraka, comme ils l’ont fait pour Saddam Hussein, Robert Mugabe ou Yasser Arafat. »
Alors que l’ex-chef d’État Albert Zafy a repris ses activités d’opposant pour réclamer la tenue d’une conférence nationale de réconciliation, les ultras du ratsirakisme, eux, rejettent en bloc l’idée d’une telle réunion : « Une Conférence nationale, pour quoi faire ? Qu’on commence par libérer les quelque 600 prisonniers politiques qui sont toujours détenus. »
Si le rythme des procès s’est accéléré depuis le début de l’année, le cas Ratsiraka est pour le moment à peine évoqué. En juin 2002, alors que le nouveau régime s’efforçait d’obtenir sa capitulation en douceur, l’entourage de Ravalomanana avait proposé de garantir l’immunité du chef de l’État sortant. Mais cette mansuétude n’a duré qu’un temps. « Il bénéficie du statut d’ancien président de la République, mais, en tant que citoyen, il pourrait avoir à répondre devant la justice de certains de ses actes », indiquait le Premier ministre Jacques Sylla en août 2002. Parmi les faits qui lui sont reprochés, l’éventuel prévenu pourrait être inquiété pour « l’agression caractérisée » que constituait la tentative de débarquement sur la Grande Île, le 18 juin 2002, d’une douzaine de mercenaires partis de France en Falcon 900. L’appareil qui les transportait avait été intercepté à Dar es-Salaam. Mais il n’est pas à exclure que la procédure s’étende à certains « crimes économiques ». En janvier dernier, Alice Rajaonah, ministre malgache de la Justice, a évoqué le sujet de manière très évasive, se bornant à indiquer qu’« un dossier était en train d’être constitué », sans préciser quel type d’action serait intenté.

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En fait, l’Amiral ne semble pas craindre les magistrats malgaches. À Tana comme à Paris, on semble plutôt décidé à laisser le temps faire son office. En espérant que, à l’instar de Philibert Tsiranana, le premier président de la République malgache qui s’exila sur la Côte d’Azur dans le sud de la France, Ratsiraka tombe peu à peu dans l’oubli. En attendant, le chef d’État déchu n’a pas le droit de quitter la France. Ses enfants, eux, ont demandé au Quai d’Orsay la permission d’aller passer leurs vacances d’été en Espagne. Si on la leur refuse, ils iront en Corse.

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