Des gestes, de mauvaise grâce

Publié le 11 juillet 2003 Lecture : 3 minutes.

Amorcé le 29 juin, sous une forte pression américaine, le début de mise en oeuvre de la « feuille de route » pour la paix au Moyen-Orient appartient encore au modèle du verre à moitié plein, mais à moitié vide : seul l’avenir en dira le véritable sens.

Dans l’immédiat, le mérite essentiel en revient au Premier ministre palestinien Mahmoud Abbas (Abou Mazen). En obtenant du Hamas et du Djihad islamique une trêve de trois mois dans les attentats anti-israéliens, il a contraint Ariel Sharon à répondre par des gestes, assurément faits de mauvaise grâce et lourds d’arrière-pensées, mais relativement significatifs : l’évacuation du nord de la bande de Gaza et de la ville de Bethléem, confiés à la responsabilité de l’Autorité palestinienne ; puis la modeste libération (difficilement arrachée d’ailleurs à ses ministres) de quelque trois cent cinquante prisonniers palestiniens sur les huit mille placés en détention par Israël, le plus souvent sans jugement.
De part et d’autre, néanmoins, ces « mesures de confiance » demandées par la feuille de route ne vont pas sans ambiguïté. La plus grave tient à l’attitude de Sharon, qui récuse le principe même d’une trêve et réclame de Mahmoud Abbas le démantèlement, voire la liquidation pure et simple des mouvements palestiniens radicaux : exigence d’une évidente mauvaise foi, dès lors que les services de sécurité palestiniens ont été largement détruits par Tsahal. Mahmoud Abbas, de toute façon, le pourrait-il, ne veut pas d’une telle confrontation, qui mènerait la Palestine à une guerre civile. Ayant choisi la voie du dialogue, il s’y tient. Mais ce faisant, il reste évidemment à la merci d’initiatives incontrôlées, comme on l’a vu le 7 juillet quand une cellule locale du Djihad a perpétré un attentat suicide à Tel-Aviv, faisant un mort, pour protester contre le nombre dérisoire des libérations de prisonniers : ce qui a même conduit Mahmoud Abbas à agiter la menace de sa démission.

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Les Américains eux-mêmes, au demeurant, jugent très insuffisant le geste israélien. L’envoyé spécial américain John Wolf et l’ambassadeur Daniel Kurtzer ont pressé en ce sens le ministre des Affaires étrangères Silvan Shalom puis, dans la foulée, ont réclamé du ministre de la Défense Shaul Mofaz le démantèlement d’un nombre réellement conséquent des « avant-postes » de colonisation.

S’il fallait pourtant une autre indication de l’état d’esprit du gouvernement Sharon, on la trouverait sans peine. Avec le type d’humour propre à l’extrême droite, Avigdor Lieberman, président du parti russophone Israël Beteinou et actuel ministre des Transports, a proposé de fournir les autobus qui pourraient transporter les prisonniers libérés jusqu’à la mer Morte d’où ils ne reviendraient pas. Ce qui a quand même provoqué quelques remous à la Knesset. Dans le même temps se poursuit la construction du monstrueux « mur de sécurité » qui enferme les Palestiniens, mais aussi Israël, dans un double ghetto.
C’est dire le chemin qui reste à parcourir le long de la feuille de route. Pour ne pas totalement noircir le tableau, on relèvera malgré tout un « aveu » aussi intéressant qu’inattendu : le « juge avocat général » de Tsahal, le major général Dr Menachem Finkelstein, a confirmé le 6 juillet que les critiques visant les brimades et humiliations subies par les Palestiniens aux postes de contrôle dans les Territoires n’étaient pas complètement injustifiées.

Des enquêtes seront menées et des sanctions prises, a-t-il affirmé. « Un bon début », commente un éditorial du Ha’aretz, qui ajoute que le problème n’est pas le comportement des soldats aux postes de contrôle : c’est l’existence même de ces check points. « La liberté de mouvement, garantie à tout citoyen dans un État libre, n’existe tout simplement pas dans les Territoires. »

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