Tunisie : cinq choses à savoir sur Imed Khemiri, le nouveau président du bloc d’Ennahdha à l’Assemblée
Dans un contexte de contestation interne, celui qui dirige désormais le bloc d’Ennahdha à l’hémicycle est en charge de faire régner l’ordre dans les rangs de la formation islamiste.
À 55 ans, le député Imed Khemiri a pris la tête du bloc d’Ennahdha à l’Assemblée des représentants du peuple (ARP), où la formation islamiste compte 52 députés. Il a été élu avec 31 voix contre 21 face à Fathi Ayadi, le 4 octobre dernier.
- Une jeunesse sacrifiée au militantisme
Né à Bellevue, quartier périphérique de Tunis, en novembre 1964, Imed Khemiri a suivi ses études au lycée technique de Radès puis au lycée Ibn Charaf de Tunis, avant de rejoindre la Faculté du 9-Avril pour se lancer dans la sociologie. Il intègre alors l’UGTE, Union générale tunisienne des étudiants, à coloration islamiste, et en devient un jeune leader.
Sur les bancs de l’université, il rejoint également le mouvement Ennahdha et prend la tête de sa délégation régionale de Tunis Ouest. Or, l’année de sa licence, en 1991, le mouvement estudiantin de contestation au régime de Ben Ali est lourdement réprimé. Des étudiants sont tués, d’autres arrêtés, dont Imed Khemiri. Il passe dix années derrière les barreaux, entre Tunis, Sousse et Bizerte. L’UGTE commémore depuis ces événements chaque 8 mai en organisant une « journée de l’étudiant martyr ».
- Cadre historique d’Ennahdha
Il reprend ses études à la Faculté du 9-Avril après sa détention et, ironie du sort, rédige un mémoire sur la jeunesse marginalisée. Il monte ensuite une société de vente de pièces détachées, notamment automobiles, commercialisées en Tunisie, et poursuit son militantisme.
Certains lui prêtent des différents avec l’establishment du parti
Après la révolution, ce cadre historique rejoint le Conseil de la Choura (conseil consultatif d’Ennahdha). Certains lui prêtent alors des différents avec l’establishment du parti. Il lui faudra attendre 2014 pour rejoindre le bureau de la Choura et se hisser au premier plan en se faisant élire à l’Assemblée des représentants du peuple (ARP) sur les listes de la Manouba, ville au nord-ouest de Tunis où il a élu résidence. Cette année-là, il soutient la séparation des activités de prédication et du politique lors du dixième congrès d’Ennahdha. L’année suivante, il en devient le porte-parole.
- Le candidat de Ghannouchi
Membre du très sélectif bureau politique de la formation à référentiel islamiste, Imed Khemiri est apparu comme le candidat de Rached Ghannouchi lors de son élection à la tête du bloc nahdhaoui à l’ARP. À l’inverse, son concurrent, Fathi Ayadi, fait partie du « groupe des 100 » : 100 signataires de la pétition s’opposant en octobre à la candidature du « cheikh » à sa propre succession à la tête du parti.
À travers ces deux hommes, les députés auraient en fait exprimé leur plébiscite ou opposition au leader d’Ennahdha. Dans un contexte houleux, en pleine recherche de compromis sur l’avenir de la formation – dans la perspective d’un onzième Congrès –, Imed Khemiri apparaît contre un cadre loyal. Pour lui, pas question de rejoindre les pétitionnaires : ce sera aux militants du congrès de trancher, question de « souveraineté ».
- Une communication bien rodée
Calme et affable, Imed Khemiri calcule ses mots et son image. Il enchaîne les plateaux télévisés avec son air sérieux, son costume-cravate et ses lunettes carrées. Et partage allègrement ses interventions médiatiques sur les réseaux sociaux. Il n’a pas hésité pas à défendre Rached Ghannouchi et sa casquette de président de l’ARP sur sa page Facebook lorsqu’une motion de retrait de confiance a été déposée contre lui par l’opposition en juillet dernier.
Il partage allègrement ses interventions médiatiques sur les réseaux sociaux
Son maintient au porte-parolat traduit d’ailleurs la confiance que lui vouent le président d’Ennahdha et son entourage. Il continue donc d’assumer les déclarations d’Ennahdha et qualifie volontiers Ghannouchi d’« homme de la réconciliation ».
- Homme politique par excellence
L’homme se présente volontiers comme un chantre de la modernité et de la tolérance. Il en veut notamment pour preuve son soutien à la loi contre les violences faites aux femmes en 2017, lorsqu’il dirigeait la Commission des droits et libertés, durant son précédent mandat à l’ARP.
Il n’est pas radical, nuancent ses détracteurs. Il sait assurément naviguer entre différents codes, et beaucoup lui reconnaissent ses talents de diplomate. À l’heure où Ennahdha, avec ses 52 députés, est loin du compte pour faire adopter des textes à l’ARP (la majorité simple est de 109 voix), le compromis lui est plus que nécessaire. Et Imed Khemiri peut jouer un rôle en créant des ponts avec les autres partis. Ce fin négociateur est en effet décrit comme conciliant, et incarne pour certains la figure de l’homme politique par excellence.
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