Attention au départ !

L’accélération du processus de privatisations devrait permettre la remise en état d’infrastructures largement délabrées.

Publié le 11 juillet 2003 Lecture : 5 minutes.

Depuis le 22 mai, après huit mois de paralysie, le train fonctionne à nouveau en Côte d’Ivoire. Une véritable victoire pour la Société internationale de transport africain par rail (Sitarail), concessionnaire de la ligne Abidjan-Ouaga. Même les « jeunes patriotes » proches du président Laurent Gbagbo, longtemps opposés à la reprise de l’activité interrompue depuis le 19 septembre, semblent avoir fait marche arrière. Toutefois, seul le trafic intérieur des marchandises a repris pour le moment, jusqu’aux villes de Ferkessédougou et de Ouangolodougou, à quelques kilomètres de la frontière burkinabè. Le trafic international, lui, reste suspendu à la réouverture de la frontière, espérée à cette mi-juillet. Mais l’essentiel est que les convois circulent à nouveau, se réjouit-on dans les milieux d’affaires ivoiriens, même si ce n’est que partiellement. Les efforts déployés par Abdel Aziz Thiam, directeur général de Sitarail, n’auront pas été vains.
Reste que les dégâts économiques occasionnés par l’arrêt complet de l’activité de Sitarail sont énormes. Première touchée : la Côte d’Ivoire, où l’entreprise réalise 74 % de ses recettes alors que, passé les premières semaines de blocage, le Burkina et le Mali ont utilisé d’autres moyens de transport pour atténuer les conséquences de la crise.
Début avril, Sitarail évaluait les pertes à 43,5 milliards de F CFA (66,3 millions d’euros), pour un chiffre d’affaires annuel de 40 milliards. La situation est d’autant plus catastrophique que l’année 2002 s’annonçait bien. La compagnie espérait transporter 1,2 million de tonnes de marchandises, contre 495 000 en 1995, et visait les 1,4 million de tonnes pour 2003. Un optimisme qu’atteste la commande de cinquante nouveaux wagons passée… le 19 septembre. « Nous aurions dû engranger 4 milliards de bénéfices nets en 2002, explique la direction. Même si la situation se normalisait rapidement, on enregistrerait encore une perte de trafic marchandises et voyageurs de l’ordre de 50 % en 2003. » Pour autant, aucun licenciement n’est envisagé ; les salaires des quelque 150 personnes (sur un effectif total de 1 600 employés) qui n’ont pas été mises au chômage technique ou dont le contrat de travail n’a pas été suspendu ont, jusqu’à présent, été versés par le groupe français Bolloré, principal actionnaire (à hauteur de 67 %).
Les fournisseurs de Sitarail n’ont pas été épargnés. Spécialisés dans le gardiennage, la réparation ou le nettoyage des wagons, dans le défrichement des voies, dans la peinture ou le bâtiment (pour l’entretien des gares), ils ont été contraints à l’inactivité. Les contrats qui les lient à la Sitarail se chiffrent entre 4 milliards et 5 milliards de F CFA par an. Pendant huit mois, la compagnie n’a plus passé de commandes et leur devait 2 milliards de F CFA.
Sitarail espère aujourd’hui obtenir des compensations auprès des États ivoirien et burkinabè. Pas un remboursement en bonne et due forme, bien sûr, mais des aménagements fiscaux. Au siège de la compagnie, certains suggèrent que la redevance annuelle payée aux États soit réduite ou que la Sitarail soit un temps exonérée de droits de douane.

Mali-Sénégal Tandem franco-canadien

la suite après cette publicité

L’annonce en a été faite officiellement le 3 juillet dernier. La ligne ferroviaire Dakar-Bamako devrait être rouverte pour de bon le 31 août 2003. Ce tronçon long de quelque
1 270 km avait été, au début du mois de février, provisoirement concédé à un consortium francocanadien regroupant les entreprises Getma et Canac pour une durée de vingt-cinq ans,
renouvelable dix ans. Ce consortium avait remporté le marché en faisant une offre de
15,67 milliards de F CFA (un peu plus de 23 millions d’euros). L’autre prétendant à la reprise du réseau un groupement composé des français SNCF International et Bolloré, du
danois Maersk, du sud-africain Comazar et du canadien Canarail avait proposé, pour sa part, un peu plus de 10 milliards de F CFA.
Canac-Getma devrait investir une trentaine de milliards de F CFA sur cinq ans pour « améliorer le réseau ferroviaire, acquérir de nouvelles machines et des wagons, et remettre
en état certaines installations ». En outre, les deux entreprises s’engagent, comme il était stipulé dans le cahier des charges, à reprendre au moins 1 526 personnes (763 dans
chaque État) sur un total d’un peu de plus de 2 600. L’objectif de cette libéralisation est d’augmenter l’efficacité du réseau entre le Sénégal et le Mali, d’améliorer les services offerts aux utilisateurs, et de faire en sorte que les États n’aient plus à
supporter les pertes financières engendrées par le chemin de fer. Canac-Getma détiendra 51 % du capital, le Sénégal et le Mali pourront chacun acquérir au maximum 10 % des
actions, des actionnaires privés sénégalais et maliens se partageront 20 % des parts, et les 9 % restants seront réservés au personnel. Transrail, la nouvelle structure, qui démarrera donc ses activités le 31 août, aura son siège social à Bamako et ses ateliers
techniques à Thiès, à 70 km de Dakar.
Restait à statuer sur le cas des travailleurs qui vont se retrouver au chômage. Un plan social conçu pour les deux pays va être financé par les bailleurs de fonds. Il servira à
indemniser les agents licenciés (près de 500 au Sénégal et environ 650 au Mali). Du côté sénégalais, on parle d’une enveloppe de l’ordre de 6 milliards de F CFA.

Gabon La revanche des miniers

En décembre 1999, l’Office du chemin de fer transgabonais (Octra) est privatisé. Le réseau
ferré national est mis en concession, au profit d’un consortium dénommé « ransgabonais ». Celui-ci est contrôlé par la principale société forestière du pays, la Société nationale des bois du Gabon (SNBG), alliée à d’autres compagnies du secteur. Sa
candidature l’a emporté sur celle de la Compagnie minière de l’Ogooué (Comilog, filiale du français groupe Eramet), qui utilise le train pour exporter du manganèse vers l’Europe.
Le groupe minier a perdu la bataille. Mais ce n’est que partie remise… Le 15 mai dernier, moins de deux ans après l’arrivée des forestiers à la tête du réseau, le gouvernement annonce brutalement leur éviction. Ils sont officiellement « dessaisis » de l’infrastructure sans indemnité aucune. Les reproches formulés par le gouvernement sont nombreux : la société ne paie pas sa redevance à l’État et ne lui a pas remboursé les quelque 20 milliards de F CFA (30 millions d’euros) que représente le matériel roulant mis à sa disposition ; elle n’a jamais déposé de compte-rendu d’activité, entretient mal le matériel et les voies, et enregistre de fréquents retards et déraillements. Qui plus
est, les dirigeants du Transgabonais « dénigrent systématiquement l’État auprès des organismes nationaux et internationaux ». Conséquence : le Transgabonais est confié pour
quatre mois à la Comilog, en attendant les résultats d’un appel d’offres dont la réparation a été confiée en urgence au Comité de privatisation.
Contre vents et marées, le président Omar Bongo avait voulu son train. Au cours des années 1970 et 1980, ce projet pharaonique engloutit une large part des recettes pétrolières du pays. La voie ferrée fut finalement inaugurée en 1987. Et puis le Transgabonais est retombé dans l’anonymat, transportant inlassablement passagers et bois entre le cur de la forêt et le port d’Owendo, dans la banlieue de Libreville. En 1992, laguerre civile qui éclate au Congo va en modifier profondément la gestion. Le Chemin
de fer Congo-Océan CFCO), qui relie Pointe-Noire à Brazzaville, est partiellement stoppé. La Comilog, qui utilisait cette voie pour évacuer une partie du manganèse vers l’Europe, doit reporter tout son trafic sur Owendo, via le Transgabonais, concurrençant les
forestiers, principaux clients de l’Octra. Il y a fort à parier que cette fois la Comilog ne laissera pas passer le train de la privatisation.

La Matinale.

Chaque matin, recevez les 10 informations clés de l’actualité africaine.

Image

Contenus partenaires