Franck Legré : « Air France-KLM n’entrera pas dans une guerre des prix »

Pour faire face à la concurrence européenne et moyen-orientale, cet ancien patron de la zone Chine au sein de la compagnie française préconise un positionnement haut de gamme.

ProfilAuteur_ChristopheLeBec

Publié le 25 avril 2014 Lecture : 4 minutes.

Pur produit d’Air France, où il est entré en 1987, Franck Legré, 49 ans, a assumé des responsabilités commerciales dans les Antilles, en Amérique du Sud, en Europe et au Maghreb. Mais jamais au sud du Sahara.

Lors de sa nomination en juillet 2013, le nouveau directeur général pour l’Afrique subsaharienne se qualifiait de « nouveau venu » dans la région. Depuis, il a fait le tour des différentes escales de la compagnie et défini sa stratégie. En s’inspirant de ses expériences précédentes.

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Jeune afrique : Vous avez dirigé la région Chine pour Air France. Le marché africain suit-il la même trajectoire que les marchés asiatiques, qui ont vu l’essor des compagnies à bas coûts ?

Franck Legré : Je ne crois pas que l’Afrique prenne le même envol. L’émergence du modèle low cost, qui a dopé le trafic asiatique, n’est pas pour tout de suite sur le continent. Le carburant y est 30% plus cher et les coûts d’opération sont deux fois plus élevés, en raison des monopoles dans la maintenance et les opérations aéroportuaires.

Quant aux flux de passagers, ils sont bien moins importants qu’en Asie. Le trafic entre Kuala Lumpur et Singapour n’est pas comparable à celui entre Dakar et Abidjan.

Les marchés dynamiques : Nigeria, Côte d’Ivoire, Gabon. 

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Le trafic de passagers chinois vers l’Afrique devient, lui, très important…

À Pékin en 2006, j’ai vu la rapidité de l’ouverture de la Chine à l’Afrique et son offensive économique. Aujourd’hui sur le continent, j’en vois les résultats partout ! Il n’y a plus un seul aéroport où les Chinois ne soient présents. La Chine a une capacité de mobilisation incroyable. L’Afrique avec ses 54 États ne peut en faire de même.

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Le marché subsaharien est en forte croissance [9% par an], mais les différents pays de la zone en sont à des étapes différentes de développement. Des marchés comme le Nigeria, la Côte d’Ivoire ou le Gabon sont dynamiques. D’autres sont moins avancés. Il faut nous adapter à chacun.

Quelle est la stratégie d’Air France-KLM au sud du Sahara ?

Le groupe doit être perçu comme une compagnie haut de gamme. Nous sommes prêts à baisser nos tarifs, mais cela ne se fera pas aux dépens de la qualité de nos prestations. Nous n’entrerons pas dans une guerre des prix. La rénovation de 44 Boeing 777, dont une partie dessert l’Afrique, est le signe que la stratégie de montée en gamme, prônée par notre PDG, Alexandre de Juniac, est valable partout.

Nos clients qui voyageront sur ces appareils disposeront de classes « première », « business », et « économique » d’un confort maximal. Nous sommes une compagnie de services, je ne cesse de le répéter à nos équipes. Même si les infrastructures de certains aéroports africains ne sont pas optimales, Air France-KLM doit faire la différence par un souci constant accordé au client.

Futur plan de vol

L’année 2013 n’a pas été excellente pour votre groupe. Votre recette par siège-kilomètre (l’unité de mesure des revenus dans le secteur aérien) a baissé de 3,8% au sud du Sahara…

Mais nous avons augmenté de 8 % en 2013 la capacité de nos avions dans la région. C’est un effort important que nous allons poursuivre. Cela nous a permis de faire des économies d’échelle et d’en faire profiter nos clients : 40% des passagers ivoiriens ont bénéficié de tarifs promotionnels ! Le chiffre que vous évoquez n’est donc pas une mauvaise nouvelle : nous avons baissé nos prix, mais notre rentabilité est préservée.

Le trafic aérien avec la Côte d’Ivoire n’a pas redémarré aussi bien que prévu après la crise politique. Qu’en est-il aujourd’hui ?

En 2013, le nombre de nos liaisons hebdomadaires Paris-Abidjan est passé de sept à dix. Certes, le second vol quotidien de milieu de journée au départ d’Abidjan, lancé l’année dernière, n’a pas connu le même succès que l’horaire traditionnel du soir. Mais l’arrivée en octobre 2014 de l’A380, qui desservira Abidjan cinq fois par semaine, va changer la donne : en gardant l’horaire habituel, il remplacera, avec plus de confort, deux vols de Boeing 777-300 à lui tout seul.

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C’est grâce à la mobilisation des autorités ivoiriennes que l’A380 pourra atterrir dans la capitale. L’avion devait aussi desservir São Paulo (Brésil), mais, là-bas, les aménagements de piste n’ont pas été faits dans les temps.

Corsair et Aigle Azur ont lancé une offensive sur le Sénégal et la Côte d’Ivoire, deux pays importants pour vous. D’autres compagnies, comme Turkish Airlines, s’implantent également. Air France-KLM est-il menacé ?

La concurrence s’est accrue, c’est un fait. Pour des destinations touristiques comme le Sénégal, il était logique que des acteurs ayant commencé avec des vols charters, un peu passés de mode, se lancent dans des lignes régulières. Les compagnies ibériques ont elles aussi accru leur présence en Afrique de l’Ouest.

Mais je ne sais pas si tous ces acteurs resteront. Je suis plus attentif à des compagnies qui veulent s’implanter durablement, avec de vrais réseaux subsahariens, comme Royal Air Maroc, compagnie « amie » [Air France en détient 5%], qui développe son hub de Casablanca, ou Turkish Airlines, très offensive ces derniers temps.

Vous revenez de Lomé, où vous avez rencontré vos équipes commerciales dans la région. Quel est leur état d’esprit, face à cette nouvelle concurrence ?

Nous sommes sereins. Nous connaissons bien le continent africain pour y avoir ouvert des liaisons il y a déjà soixante ans. Nous avons augmenté nos capacités de transport de plus de 25% vers Dakar, Abidjan et Libreville. Cela montre que nous sommes présents pour du long terme. Nous ne sommes pas dans la même logique que les transporteurs aériens qui viennent quelques mois « tester » un marché avant de repartir aussi vite qu’ils sont venus.

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