Une auto pas chère qui tient la route

En lançant la Logan, Renault se fixe un objectif ambitieux : proposer aux pays émergents une voiture de qualité au prix le plus bas.

Publié le 14 juin 2004 Lecture : 5 minutes.

Avec la Logan, le groupe Renault pense avoir trouvé la voiture idéale pour les pays en voie de développement. Cette voiture moderne, que le groupe français présente comme un pur produit de ses bureaux d’études, sera vendue dès la fin de cette année sous les marques Renault et Dacia, avec des objectifs ambitieux : 700 000 véhicules par an d’ici à 2010.
C’est la première fois qu’un constructeur s’engage aussi résolument sur le marché des pays émergents, pays pour qui l’automobile est une question cruciale : l’accession à la voiture y est à la fois un signe de développement, mais aussi un outil indispensable à ce développement.
Pour les fabricants, la problématique est double. D’une part, ces pays ont des besoins spécifiques. D’autre part, le pouvoir d’achat y est faible. Deux facteurs qui excluent des solutions coûteuses.
Pour parvenir à s’y implanter, il y a plusieurs approches possibles. On peut y proposer des véhicules conçus pour les pays industrialisés dans leurs versions d’entrée de gamme, en attendant des jours meilleurs. C’est l’attitude la plus communément rencontrée. Avantage : cela ne coûte pas cher. Inconvénient : les ventes restent marginales. Quant aux utilisateurs, ils ne sont pas bien servis, le ticket d’entrée étant élevé, sauf à se contenter de véhicules d’occasion essoufflés.
On peut aussi concevoir des véhicules spécifiques, simples et économiques, montés localement avec des méthodes artisanales. C’est ce que prévoit la CFAO (Compagnie française de l’Afrique occidentale) avec son projet de Tri’Pick-Up, un triporteur mû par un moteur de moto de 360 cm3 développant 11 chevaux, ce qui lui permettrait de rouler à 70 km/h. La CFAO prévoit de le proposer en plusieurs versions, adaptées à des besoins professionnels bien identifiés : pick-up, transport frigorifique, boutique, etc. L’assemblage serait assuré au Burkina, au Mali, en Côte d’Ivoire et au Cameroun ; il serait vendu 3 millions de francs CFA (4 500 euros), ce qui reste cher pour un véhicule qu’on peut difficilement qualifier de « voiture ».
Plus ambitieux est le projet du groupe indien Tata : la voiture à 2 000 dollars ! L’objectif est de faire, pour l’Inde et les pays émergents d’Asie, une voiture à quatre places et quatre portes en utilisant des pièces et composants destinés aux scooters et autres deux-roues, dont l’industrie est florissante en Inde. Et Ratan Tata, fondateur et président du groupe qui porte son nom, de préciser : « Ce véhicule aura tout d’une voiture, avec de vrais sièges. Sans doute fera-t-il plus de bruit qu’une voiture actuelle, mais il sera à la fois simple et sûr. » Destinée aux actuels utilisateurs de deux-roues et de triporteurs, qui se comptent par millions en Inde, ce véhicule serait produit en kit et assemblé en plusieurs endroits répartis dans le pays, afin d’y diffuser l’emploi. Par la suite, il serait fabriqué et commercialisé au Vietnam, en Malaisie, en Indonésie. Un tel projet est-il réaliste ? On le saura d’ici à trois ans, échéance annoncée par le constructeur.
Ce projet répond, d’une certaine façon, à une autre logique : celle du « véhicule mondial ». Un fantasme qui hante les constructeurs et qui, jusqu’à présent, n’a pas souvent réussi. Il s’agit, en augmentant les volumes de production, de pouvoir abaisser le prix de vente de façon à conquérir les marchés les moins riches et donc, ainsi, d’écouler tous les véhicules produits. Toyota y est parvenu avec la Corolla. Fiat s’y est cassé les dents avec la Pallio. Renault tente le coup avec la Logan.
En fait, si la Logan est présentée par Louis Schweitzer lui-même, président du groupe français, comme « la voiture à 5 000 euros » (ou 6 000 dollars), force est de constater que ce n’est pas tout à fait vrai.
Le problème pour Renault, qui a racheté le constructeur roumain Dacia en 1999, c’est que… sa voiture à 5 000 euros existe déjà. Il s’agit de la Solenza : lancée il y a un peu plus d’un an, elle est vendue en Roumanie à 4 600 euros TTC en version de base. Pour parvenir à un tel prix, le constructeur a installé sur un châssis existant (celui de la Renault 11, base de la Dacia Supernova) les équipements intérieurs de la Clio première génération et de la Kangoo. Résultat : une voiture tricorps élégante et de bonne facture. Longue de 4,08 m, elle est équipée, au choix, d’un moteur à essence de 1,4 litre développant 75 chevaux ou d’un Diesel de 1,9 litre fournissant 63 chevaux, avec une boîte de vitesses à cinq rapports : des éléments mécaniques simples, fiables et performants.
En Algérie, où la voiture est commercialisée depuis deux mois, son prix est pourtant sensiblement supérieur aux 5 000 euros symboliques : la version essence est proposée à 670 000 dinars et la Diesel à 770 000 (à peu près 6 000 et 7 000 euros), dans des finitions, il est vrai, supérieures aux modèles d’entrée de gamme.
Quant à la Logan, elle a été conçue sur la plate-forme des Renault Clio et Modus et de la Nissan Micra, avec une offre moteurs plus complète : d’entrée deux motorisations essence (1,4 litre de 75 ch et 1,6 litre de 90 ch), puis, en 2005, un essence de 1,6 litre à 16 soupapes (107 ch) et un Diesel de dernière génération (1,5 litre, 65 ch). Elle comportera également une version à gaz naturel : une condition posée par l’Iran, où 300 000 Logan doivent être produites chaque année.
Côté carrosserie, la Logan est spacieuse. Louis Schweitzer fait remarquer que la largeur aux coudes à l’arrière et le volume du coffre sont identiques à ce qu’offre la Vel Satis ! La Logan est donc, à tous points de vue, supérieure à la Solenza. Mais la présence au catalogue de Dacia de ce modèle aura pour effet, reconnaît Louis Schweitzer, de proposer la nouvelle venue, dans les pays où Dacia est commercialement implanté, non pas en version de base, c’est-à-dire à 5 000 euros, mais dans des finitions plus complètes et donc plus chères. Sur ces marchés, les versions d’entrée de gamme ne feront leur apparition que lorsque cessera la commercialisation de la Solenza, normalement dans un an et demi (fin 2005).
Sur les marchés où Dacia est absent, la Logan pourra alors être vendue sous la marque Renault à des prix d’attaque plus compétitifs. Encore que les frais de transport et, surtout, les droits de douane appliqués par certains pays permettront rarement de la proposer à 5 000 euros.
Quoi qu’il en soit, l’usine pilote sera celle de Pitesti, près de Bucarest, dont les chaînes produisent déjà la voiture. La production prévue est de 200 000 véhicules par an, plus 150 000 CKD (kits complets) destinés aux usines de montage au Maroc (30 000) et en Colombie (44 000). Il y aura aussi une production en Russie (60 000 par an, susceptible de doubler), alors que l’usine iranienne est prévue pour 300 000 voitures par an. S’ajoute à cela un projet en Chine.
Voiture mondiale, donc, la Logan est en principe destinée aux pays émergents. Mais Louis Schweitzer n’exclut pas que, dans quelques années, elle soit également vendue dans les pays industrialisés. Pour François Fourmont, directeur général de Dacia, cela pourrait d’ailleurs se faire assez vite, dans la mesure où la voiture est aux normes européennes (notamment aux normes Euro 4, prévues pour l’an prochain en matière de pollution). D’autant plus que, de toute façon, le réseau Renault est tenu d’assurer la maintenance de la voiture, même si elle est badgée Dacia.

La Matinale.

Chaque matin, recevez les 10 informations clés de l’actualité africaine.

Image

Contenus partenaires