Tchad : programme pétrole contre nourriture

Au Tchad, la loi alloue 5 % des revenus de l’or noir à la région du Logone oriental pour ses projets de développement. Déjà 1 300 paysans en bénéficient. Les autres attendent impatiemment leur tour.

Deux ans après le lancement des champs-écoles, les premiers effets sont déjà visibles. © AFP

Deux ans après le lancement des champs-écoles, les premiers effets sont déjà visibles. © AFP

Madjiasra Nako

Publié le 24 avril 2014 Lecture : 4 minutes.

Gaston Djingamnaël est un chanceux. Ce paysan de Mbonian, un village des bords de la Nya, la rivière qui serpente à côté des puits de pétrole et de la route nationale menant à Doba, fait partie des premiers agriculteurs locaux à avoir bénéficié de crédits et de l’aménagement des plaines pour la culture du riz. Ils sont déjà 1 300 exploitants de la région du Logone oriental, dans le sud du pays, à avoir profité de l’opération « champ-école », lancée par le Comité provisoire de gestion des revenus pétroliers (CPGRP) et organisée localement par « les agents du 5 % ».

« Sur un demi-hectare, j’ai récolté 13 sacs de riz paddy de plus cette année », se réjouit Gaston. 

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Ce programme illustre en effet l’une des premières applications concrètes de la loi de gestion des revenus pétroliers, selon laquelle 5 % de ces derniers doivent être reversés par l’État à la région productrice du sud pour ses projets de développement. Dix ans après le début de l’exploitation des gisements du bassin de Doba par les majors ExxonMobil, Chevron et Petronas, les premiers bénéficiaires locaux apprécient enfin ces nouveaux moyens, mais nombreux sont ceux qui attendent encore « leur part » de pétrole. D’autant que le Logone oriental, majoritairement rural et très peuplé (38 % de la population tchadienne), reste l’une des régions les plus pauvres du pays.

Grâce à une partie de ces fameux 5 % de manne pétrolière, le comité local de gestion des ressources a aménagé des plaines pour augmenter les surfaces nécessaires aux différentes cultures. Et, outre les prêts qui leur sont octroyés, les exploitants sont accompagnés par des techniciens agricoles qui leur permettent d’optimiser les rendements.

Les promoteurs de ces champs-écoles croient à un effet multiplicateur. « En enseignant les bonnes pratiques aux paysans bénéficiaires, ceux-ci, grâce à leur abondante production, vont susciter la curiosité des autres, qui voudront faire pareil. C’est toute la région qui bénéficiera de cette évolution technique », explique le Dr Derla Békayo, l’agronome chargé des champs-écoles pour le compte du CPGRP.

Compost

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Dans son champ d’une superficie d’un demi-hectare, Djingamnaël cultive alternativement du riz et des légumes. Depuis un an, il bénéficie des crédits octroyés par le CPGRP. Avec la somme de 1,5 million de F CFA (environ 2 300 euros) qu’il a perçue, il a pu s’acheter une motopompe, des outils et des semences. Il a également profité des conseils du technicien recruté par le Comité. « Grâce aux conseils des agents du 5 % sur la fabrication du compost et sur la manière de suivre mon champ, j’ai réussi à augmenter ma production. Sur un demi-hectare, j’ai ainsi récolté 23 sacs de riz paddy alors qu’avant j’en retirais à peine 10 [un sac équivaut à 80 kg] », explique Djingamnaël. Même succès avec les autres cultures telles que le maïs et les légumes, confirme le Dr Derla Békayo.

Grâce à ces crédits, Élie le maraîcher s’est outillé. Et a révolutionné sa producton. 

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Plus loin, sur les rives de la Pendé, derrière l’usine de la CotonTchad de Doba, Élie Massrangar, maraîcher depuis plus de vingt ans, a révolutionné sa production à l’aide d’un prêt issu de l’argent du pétrole. Grâce à la motopompe et aux outils qu’il a achetés, il a accru la surface de son potager. « En deux récoltes, j’ai gagné plus de 700 000 F CFA », s’enthousiasme-t-il.

Légumes

Les fonds étant gérés par les « politiques », on a procédé à un saupoudrage de manière à ce que chaque canton producteur de pétrole de la région du Logone oriental bénéficie de l’opération pour améliorer la production agricole, développer l’élevage ou soutenir la création d’entreprises. « Vu l’ampleur des besoins, c’est une goutte d’eau dans la mer », objecte Urbain Moyombaye, membre de l’ONG Entente des populations de la zone pétrolière (Epozop).

Au CPGRP, on se dit conscient du petit nombre de bénéficiaires de l’opération. « Les premiers résultats obtenus incitent à faire profiter le plus grand nombre de cette expérience », estime Iréné Mbaigoto, vice-président du Comité. « En admettant que la moitié des riziculteurs adopte la technique que nous préconisons, il y aura un boom de production rizicole dans la région. Ce qui contribuera significativement à assurer la sécurité alimentaire », ajoute-t-il, optimiste. Pour l’heure, seulement 150 millions de F CFA ont été injectés dans l’opération.

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Deux ans après le lancement des champs-écoles, les premiers effets sont déjà visibles. « Il y a de plus en plus de légumes sur le marché de Doba. C’est un bon indicateur, même si nous n’avons pas encore de chiffres », avance Mbaigoto.

Pour la société civile du Logone oriental, l’opération gagnerait cependant à être mieux organisée. Des retards dans l’octroi des crédits, des livraisons tardives de semences ou une mauvaise communication sont ainsi dénoncés. Ce que les promoteurs s’engagent à corriger au fil des ans. Une action d’autant plus nécessaire qu’il s’agit aussi d’atténuer les effets néfastes de l’exploitation pétrolière : diminution des rendements agricoles – que les paysans imputent au torchage du gaz -, perte de terres fertiles occupées par les puits, interdiction faite à certains agriculteurs de se rendre aux champs au nom de la sûreté des infrastructures liées aux hydrocarbures… Des arguments utilisés par les populations de Doba, très remontées contre les activités pétrolières, colère qui s’était traduite fin 2011 par une plainte adressée au médiateur de la Banque mondiale.

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