Rambouillet n’est plus qu’un lointain souvenir

Publié le 14 juin 2004 Lecture : 3 minutes.

Les institutions aussi s’essoufflent. Le G8 n’échappe pas à la règle. Car ce rendez-vous
qui incarnait tant d’espérances n’est plus que l’ombre de lui-même. Il tombe maintenant
dans la routine et la sclérose, maux de beaucoup d’organisations internationales. Celui qui vient de se dérouler à Sea Island, aux États-Unis, en est la dernière illustration. Au départ, pourtant, l’idée n’était pas mauvaise. Elle est née de la vision d’un jeune chef d’État, Valéry Giscard d’Estaing, qui espérait peser sur les affaires de la planète, et de l’espoir d’une nation, la France, à la recherche de sa puissance passée. Giscard, donc, prit l’initiative, il y a quelque trente ans, en 1975, de réunir, au château de Rambouillet, les chefs d’État et de gouvernement des États-Unis, du Royaume-Uni, de l’Allemagne, du Japon et de l’Italie. Dans son souci de rompre avec le corset des rencontres d’État et de promouvoir une démocratie « décrispée », il entendait que cette réunion fût informelle, franche, sans protocole. Chacun devait y venir sans son habituelle
armada de conseillers. La parole devait y être libre et franche. Il était souhaité encore que les divergences, si elles existaient, ne soient pas cachées.

De fait, à l’époque, chacun joua le jeu. Le rendez-vous annuel devint rapidement un élément essentiel de la vie internationale. Au point que le club initial, tout en restant sélectif, dut s’agrandir : en 1976, le Canada le rejoignit et, en 1997, la Russie fut invitée à y participer. Le G6 devint G7 puis G8. Aujourd’hui encore, des pays et des organisations peuvent y être présents à titre d’observateurs ou y être conviés selon
l’activité du moment. Même si elles étaient préparées tout au long de l’année par des conseillers spéciaux, baptisés sherpas, ces réunions, sans secrétariat ni règlement intérieur réel, ont longtemps été marquées par la spontanéité et l’inventivité. L’une et l’autre en faisaient l’originalité et le prix. D’où, au fil du temps, des initiatives majeures dans plusieurs domaines. Ainsi les changements importants intervenus dans le fonctionnement de la Banque mondiale et du FMI ; les moyens financiers accrus pour lutter contre le paludisme et la tuberculose ; ou l’attention portée aux nouvelles technologies de l’information. Même si on était loin déjà des intentions d’origine, qui étaient d’harmoniser les politiques économiques des pays participants.
Mais ce souci d’embrasser toutes les affaires du monde a aussi amoindri l’efficacité du G8. Désormais longuement préparées par de multiples conseillers, soucieuses de se saisir
de la moindre nouveauté, voulant apparaître « modernes », résolues à répondre à toutes les préoccupations supposées des peuples, souhaitant à tout prix prendre une initiative
nouvelle, médiatisées à outrance, ces rencontres ne sont plus que des grand-messes rituelles. On y est plus proche d’un « show » spectaculaire que d’une réunion de réflexion. La boursouflure a succédé à la simplicité. L’imagination a cédé la place aux rapports de force politiques traditionnels. Et la volonté de parler librement, entre soi, s’est transformée, au fil du temps, en rabâchage de positions déjà connues. Ainsi, les avis, voire les divergences, des uns et des autres, soigneusement répercutés auprès des médias, n’empêchent pas, chaque fois, la publication d’un communiqué final soulignant la solidarité des membres. Bref, le G8 est maintenant une réunion politique comme une autre.

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En faudrait-il une dernière preuve qu’on la trouverait dans la domination que l’Amérique exerce désormais sur lui. Le rendez-vous de cette année, précédé par l’adoption à l’ONU de la résolution sur l’Irak, a surtout été marqué par l’accord de fait sur le projet de Washington dit du « Grand Moyen-Orient ». Bush est parti fort content de ses comparses.
Il pouvait l’être. Le G8 était normalisé.

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