Que savez-vous d’Ibn Khaldoun et de Taha Hussein ?

Publié le 14 juin 2004 Lecture : 2 minutes.

L’an dernier, un grand quotidien français a consacré une série d’articles au renouveau de la pensée chrétienne contemporaine. Plusieurs de ces textes déploraient qu’à notre époque on ne trouve plus, dans le catholicisme français, des noms aussi prestigieux que ceux de Péguy, Mauriac, Bernanos, Emmanuel Mounier. Et certains semblaient s’en consoler – un peu trop facilement – en évoquant la présence de Gérard Depardieu dans la cathédrale Notre-Dame de Paris, pour y lire des textes de saint Augustin devant un large public et les caméras de la télévision !

Dans un de ces articles, Paul Thibaud, qui fut directeur de la revue Esprit, écrivait que la pensée chrétienne contemporaine pourrait – et devrait – être enrichie par une confrontation fraternelle avec la pensée juive d’hier et d’aujourd’hui, et il citait fort judicieusement à ce propos l’oeuvre de Levinas. Mais, comme beaucoup d’intellectuels européens, chrétiens ou non, Paul Thibaud semblait ignorer l’importance de la rencontre entre les écrivains occidentaux et ceux du monde arabo-musulman.
Il faut dire que la culture islamique classique et contemporaine demeure, en ce début du XXIe siècle, étrangement méconnue en Europe et aux États-Unis, en dehors du cercle, fort restreint, des spécialistes, dont les travaux demeurent – hélas ! – ignorés non seulement du grand public, mais même des milieux dits « intellectuels ».
J’avais eu, il y a quelques années, l’occasion de faire, avec un ami tunisien, une enquête qui visait à comparer le degré de connaissances mutuelles entre le nord et le sud de la Méditerranée. À cent cinquante Maghrébins et à cent cinquante Européens ayant, les uns et les autres, le même niveau culturel (bac + 2 ou + 3), on avait présenté deux questionnaires différents. Aux Maghrébins, on avait demandé : « Que savez-vous de Jeanne d’Arc, Pascal, Voltaire, François Mauriac, Jean-Paul Sartre, Teilhard de Chardin, Charles de Gaulle ? » Quant aux Européens, ils devaient répondre à la question suivante : « Que savez-vous de Ghazali, Ibn Khaldoun, Averroès, Ibn Arabi, Cheikh Abduh, l’émir Abdelkader, Taha Hussein, Mohamed Iqbal ? »
Les résultats de cette enquête furent éclairants : les notes qui durent être attribuées aux uns et aux autres pour apprécier leurs connaissances furent 18/20 pour les Maghrébins et… 2/20 pour les Européens.
Une telle situation est, certes, explicable, étant donné le rapport des forces politiques et économiques depuis deux siècles entre le nord et le sud de la Méditerranée. Combien d’Européens et d’Américains connaissent la langue arabe, comparativement au nombre de Maghrébins, de Syriens, de Libanais, de Palestiniens, d’Iraniens qui parlent couramment le français ou l’anglais ?

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Mais à notre époque, les moyens de communication pourraient et devraient favoriser une meilleure connaissance mutuelle entre les peuples, la télévision ne devrait-elle pas, beaucoup plus qu’elle ne le fait aujourd’hui, aider les Occidentaux à découvrir les valeurs intellectuelles, artistiques, spirituelles des autres régions du monde, en particulier de l’aire arabo-musulmane ?
De tels échanges culturels sont d’autant plus indispensables que, comme l’écrivait récemment Paul-Marie de La Gorce, au lendemain de la seconde guerre du Golfe et en face du drame israélo-palestinien, jamais la France et les pays arabes n’ont été si proches et si solidaires, « affrontés qu’ils sont aux mêmes défis, aux mêmes dangers, aux mêmes enjeux ».

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