Tchad : ce qu’il faut retenir des conclusions du Forum national inclusif

Création d’une vice-présidence et d’un Sénat, diminution de l’âge d’éligibilité à la présidence… Les propositions retenues à l’issue du deuxième Forum national inclusif, qui a été boycotté par une partie de l’opposition, ont fait réagir au sein de la classe politique tchadienne.

Le président tchadien Idriss Déby Itno en 2017, au palais présidentiel. © Vincent Fournier/JA

Le président tchadien Idriss Déby Itno en 2017, au palais présidentiel. © Vincent Fournier/JA

MARIE-TOULEMONDE_2024

Publié le 5 novembre 2020 Lecture : 4 minutes.

Deux ans après le premier Forum national inclusif (FNI), qui avait notamment abouti à la suppression du poste de Premier ministre, la classe politique tchadienne – à l’exception d’une partie de l’opposition, qui a boycotté les réjouissances – a fait le bilan de la jeune vie de la quatrième République.

À six mois de l’élection présidentielle prévue en avril, cette deuxième assemblée « inclusive » et « démocratique », qui s’est clôturée le 1er novembre au Palais du 15-Janvier à N’djamena, a souhaité opérer quelques ajustements. Elle a aussi, selon ses détracteurs, préparé le terrain pour la majorité en vue des prochaines échéances électorales. Jeune Afrique fait le point.

la suite après cette publicité

Un vice-président

Alors que l’opposition plaidait pour un retour de la primature, supprimée en 2018, la majorité a réaffirmé que le poste de Premier ministre était trop coûteux. Les discussions se sont finalement soldées par la création d’un poste de vice-président, sans que l’étendue de ses missions ne soit encore précisée.

« Le futur vice-président aura pour fonction d’alléger les charges du président et de le suppléer, notamment au niveau de l’administration », résume Jean-Bernard Padaré, porte-parole du Mouvement patriotique du salut (MPS), le parti au pouvoir.

Concernant les modalités de sa désignation, une élection au suffrage universel est dores et déjà écartée : « Nous nous acheminons vers une désignation par le président de la République », assure Padaré, citant l’exemple de la Côte d’Ivoire. Cette nomination, déjà évoquée en 2018, accentue la crainte de l’opposition de voir le président, Idriss Déby Itno, placer l’un de ses proches à ce poste pour préparer sa succession.

Un Sénat et une Cour des comptes

C’est une décision pour le moins surprenante, alors que la restriction budgétaire est le mot d’ordre depuis quelques années : le pays va se doter d’un Parlement bicaméral avec la création d’un Sénat. Paradoxe que l’opposant Succès Masra ne manque pas de relever. « Je peux vous garantir que la création du Sénat sera bien plus budgétivore qu’a pu l’être le poste de Premier ministre », prévient-il.

Un casernement de retraite dorée pour les amis du président

la suite après cette publicité

Selon lui, il aurait été plus judicieux de développer les localités grâce à l’élection de gouverneurs de province et d’augmenter le nombre de députés à l’Assemblée plutôt que de mettre en place un Sénat, qui risque de se transformer en « un casernement de retraite dorée pour les anciens ministres et amis du président ».

Le Conseil économique, social et culturel a également été supprimé. Enfin, défendue au cours des assises par Fatime Assarah Abdelaziz, ex-présidente de la chambre consultative de la Cour des comptes et fonctionnaire des Finances, la Cour des comptes a été rétablie.

la suite après cette publicité

Serment confessionnel, drapeau et parité

D’autres projets de réformes ont été réexaminés. Parmi eux, le serment à caractère confessionnel nécessaire pour accéder aux fonctions de l’État. Vivement critiqué dans un pays qui se veut laïc, il a été abandonné.

Le drapeau tricolore, source de polémique car similaire à celui de la Roumanie, a lui aussi été au cœur du débat. Selon Jean-Bernard Padaré, un comité constitué d’artistes et d’historiens sera établi pour réfléchir à l’ajout d’un élément qui le distinguera du drapeau roumain. La proposition sera ensuite soumise à référendum. « C’est un symbole fort qui unit tous les Tchadiens, la décision doit être prise avec un large assentiment de la population », insiste-t-il.

La volonté de mieux associer les femmes et les jeunes à la gestion de la chose publique a également été évoquée, notamment avec la mise en place d’un Conseil national des femmes (Conaf), d’un Conseil national consultatif des jeunes (CNCJ) et d’un observatoire du genre.

« Une réforme anti-jeunesse »

L’âge d’éligibilité à la candidature présidentielle, fixé à 45 ans lors du premier FNI, était la principale revendication de Succès Masra, qui l’avait qualifié de « réforme anti-jeunesse ». Au final, c’est un abaissement à 40 ans qui a été retenu, rendant impossible la candidature du leader des Transformateurs, qui est âgé de 37 ans, à la présidentielle de 2021.

Persuadé d’être la cible de cette motion, l’opposant s’est empressé de rappeler, dans une lettre adressée au président de l’Union africaine et aux partenaires du Tchad, qu’Idriss Déby Itno avait 38 ans quand il a pris le pouvoir, il y a presque trente ans.

Absence d’une partie de l’opposition

Le « consensus » sur les décisions prises durant le forum dont se targue la majorité n’aurait sans doute pas été si large en présence de toute l’opposition. Car, hormis la frange de l’opposition dirigée par Romadoumngar Félix Niabé, l’Union des démocrates pour le développement et le progrès (UDP), l’Union nationale pour la démocratie et le renouveau (UNDR) et l’Union des syndicats du Tchad (UST) ont refusé d’y participer. Succès Masra, dont le parti n’a pas été officiellement reconnu par le ministère de l’Intérieur, n’avait quant à lui pas été invité.

Depuis l’ouverture du forum officiel, les forces de l’ordre sont présentes 24 heures sur 24 aux portes des résidences et des sièges des différents partis et associations d’opposition pour en « limiter l’accès ». Le motif invoqué par le gouvernement : la situation sanitaire. « Appeler les citoyens à se rassembler dans un endroit exigu, sans mesures de précaution durant l’état d’urgence sanitaire, c’est un risque”, rappelle le porte-parole du MPS.

Succès Masra estime, lui, que si l’argument est sanitaire, la consigne doit être appliquée par tous. « Le président est en déplacement, à la rencontre des populations du Sud, et nous n’avons même pas le droit de nous réunir alors que nous respectons les gestes barrières », conclut-il.

La Matinale.

Chaque matin, recevez les 10 informations clés de l’actualité africaine.

Image

La rédaction vous recommande

Contenus partenaires