« Moi, général de Gaulle… »

Publié le 14 juin 2004 Lecture : 3 minutes.

En vérité, dans le contexte de la pire défaite militaire jamais subie par les armées françaises, ce sont deux allocutions, le 17 et le 18 juin 1940, qui traduisent le choix dramatique offert au pays. La première semble avoir pour elle une douloureuse évidence : la guerre contre l’Allemagne nazie, qui, depuis le 10 mai, a cessé d’être « drôle » – comme l’avait fait qualifier son immobilisme, après septembre 1939 -, est désormais perdue. Ce 17 juin à 12 h 30, le maréchal Philippe Pétain, tout juste nommé chef du gouvernement en remplacement de Paul Reynaud, démissionnaire, prend donc la parole à la radio pour une déclaration dont la formule clé de la première partie sera ressassée durant les quatre ans de « vichysme » : « Sûr de l’affection de notre admirable armée, qui lutte avec un héroïsme digne de ses longues traditions militaires contre un ennemi supérieur en nombre et en armes, sûr que, par sa magnifique résistance, elle a rempli ses devoirs vis-à-vis de nos alliés, […] je fais à la France le don de ma personne pour atténuer son malheur. »

Celle de la seconde partie, en revanche, sera beaucoup moins évoquée : « En ces heures douloureuses, je songe aux malheureux réfugiés qui, dans un dénuement extrême, sillonnent nos routes. […] C’est le coeur serré que je vous dis qu’il faut cesser le combat. » [Suit l’annonce d’une demande d’armistice]. Et si Vichy ne rappellera guère cette phrase, c’est parce que Paul Baudoin, ministre des Affaires étrangères, alarmé par sa candeur, s’est employé, dès l’après-midi, à en faire diffuser une version édulcorée : « Il faut tenter de cesser le combat. »
Le fait est, cependant, que l’initiative ne suscite, dans la classe politique, aucune opposition radicale. Aux partisans de l’armistice, c’est-à-dire d’un compromis avec Hitler, emmenés par Pierre Laval et maintenant Pétain, se heurtent seulement, autour de Reynaud, ceux d’une simple capitulation militaire, pour éviter de négocier une paix séparée qui couperait la France de ses alliés.

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Soit une débandade assez générale du personnel du la IIIe République qui fait ressortir, par contraste, le génial sursaut d’un officier largement inconnu : Charles de Gaulle. Non qu’il soit tout à fait ignoré. « Général de brigade à titre temporaire », nommé un moment secrétaire d’État par Reynaud, on sait qu’il s’est fait, contre l’état-major, le théoricien de l’arme blindée : celle-là même qui assure la victoire à la Wehrmacht. On ne l’a pas écouté. Et c’est très discrètement qu’il peut s’envoler pour Londres le 17 juin où il rencontre le nouveau Premier ministre Winston Churchill, lui-même gêné par les adeptes britanniques de l’appeasement, notamment lord Halifax, ministre des Affaires étrangères. Sans grande difficulté, il obtient son accord pour lancer un « appel aux Français » dès la demande officielle d’armistice. Et, le soir du 18 juin, se rendant à la BBC, il fait irruption dans l’Histoire avec ce texte dont il n’existe aucun enregistrement : d’où les variantes mineures qu’on trouve dans les versions ultérieurement publiées tant à Londres que dans quelques journaux français restés libres, en zone Sud. Mais l’essentiel est dit. Avec une force que le temps n’atténuera pas : « Les chefs qui, depuis de nombreuses années, sont à la tête des armées françaises ont formé un gouvernement. Ce gouvernement, alléguant la défaite de nos armées, s’est mis en rapport avec l’ennemi pour cesser le combat. Certes, nous avons été, nous sommes submergés par la force mécanique, terrestre et aérienne de l’ennemi. […] Mais le dernier mot est-il dit ? L’espérance doit-elle disparaître ? La défaite est-elle définitive ? Non ! Car la France n’est pas seule ! [.. .] Elle a un vaste Empire derrière elle. Elle peut faire bloc avec l’Empire britannique qui tient la mer et continue la lutte. Elle peut, comme l’Angleterre, utiliser sans limites l’immense industrie des États-Unis. […] Foudroyés aujourd’hui par la force mécanique, nous pourrons vaincre dans l’avenir par une force mécanique supérieure. Le destin du monde est là. Moi, général de Gaulle, actuellement à Londres, j’invite les officiers et les soldats français […] à se mettre en rapport avec moi. Quoi qu’il arrive, la flamme de la résistance française ne doit pas s’éteindre et ne s’éteindra pas. Demain, comme aujourd’hui, je parlerai à la radio de Londres. »

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