Les néosharoniens
La politique américaine dans le conflit israélo-palestinien est à ce point biaisée qu’elle n’est plus guère qu’un alignement sur celle de l’ultranationaliste que le président George W. Bush a un jour qualifié de l’inoubliable épithète « homme de paix » : le Premier ministre israélien Ariel Sharon.
Les présidents américains ont toujours essayé d’être d’honnêtes courtiers au Proche-Orient. Harry Truman, Lyndon Johnson et Ronald Reagan étaient un peu plus pro-israéliens, Dwight Eisenhower, Jimmy Carter et le premier George Bush un peu plus réservés, mais tous s’efforçaient d’avoir une politique équilibrée.
George W. Bush a jeté tout cela aux oubliettes en emboîtant le pas à Sharon. Bush est béat d’admiration quand la réaction de Sharon aux attentats terroristes est d’envoyer des bulldozers détruire les maisons palestiniennes et de faire tirer sur les manifestants. Bush n’a pas donné suite aux efforts déployés par le président Bill Clinton pour arriver à un accord de paix. Le professeur Michael Hudson, de l’université Georgetown, parle, à propos de la politique américaine au Proche-Orient, d’un « triomphe d’incompétence, qui part dans tous les sens et n’aboutit à rien ».
L’alignement des États-Unis sur Sharon les met en Irak dans une position encore plus difficile que les photos d’Abou Ghraib. Les Irakiens – contrairement, par exemple, aux Koweïtiens – se sentent très proches des Palestiniens, et, partout où je suis allé en Irak, on m’a demandé pourquoi les Américains livrent à Sharon les armes dont il se sert pour tuer les Palestiniens.
Quant au candidat démocrate John Kerry, il s’est longtemps montré raisonnable sur le Proche-Orient. Mais ces derniers mois, il a tourné casaque – il était, par exemple, opposé à la « barrière de sécurité » – pour faire l’éloge de Sharon. Il est bien dommage qu’il n’ait pas repris à son compte ce que cinquante anciens diplomates américains écrivaient dans une lettre ouverte à Bush, en avril dernier : « Vous avez démontré que les États-Unis ne sont même pas un défenseur impartial de la paix. […] Le soutien sans réserve que vous apportez aux assassinats de Sharon, à la barrière de sécurité digne du mur de Berlin, aux mesures militaires brutales qu’il prend dans les territoires occupés, et l’accord que vous donnez à son plan unilatéral sont très mauvais pour notre crédibilité et notre prestige, et découragent nos amis. Ce soutien ne sert même pas les intérêts d’Israël. »
Mon sentiment est plutôt que Sharon a plus compromis la sécurité à long terme d’Israël que tout ce qu’a pu faire Arafat. L’attitude de Sharon a ruiné les efforts des modérés palestiniens et renforcé le Hamas et le Djihad islamique. Les intentions de Sharon sont bonnes – il veut mettre fin au terrorisme -, mais sa politique a incité les Palestiniens à se ranger du côté des extrémistes religieux plutôt que des nationalistes modérés. À l’heure qu’il est, le Front populaire pour la libération de la Palestine lui-même, pourtant marxisant, s’est converti et cite le Coran.
À une époque où des terroristes pourraient tuer des milliers de personnes avec des armes de destruction massive, Israël ne peut garantir sa sécurité que par un accord de paix avec les Palestiniens. Le document qu’on devrait prendre pour modèle est l’Accord de Genève d’octobre 2003, qui a été conclu par des Israéliens et des Palestiniens courageux – ceux-là mêmes que le peuple américain devrait soutenir.
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