Les bons offices de monsieur Ping
Le ministre gabonais des Affaires étrangères va présider pour un an l’Assemblée générale de l’Organisation des Nations unies.
Elu le 10 juin à la présidence de l’Assemblée générale de l’Organisation des Nations unies, le chef de la diplomatie gabonaise est le premier représentant d’Afrique centrale à occuper ce poste. Une première pour Jean Ping, qui va donc diriger les travaux de la plénière de l’ONU de septembre 2004 à septembre 2005.
Ministre des Affaires étrangères d’Omar Bongo Ondimba, il donne l’impression d’avoir toujours fait ça. Nommé en janvier 1999 après avoir brièvement occupé la fonction cinq ans plus tôt, Jean Ping disposait, il est vrai, d’atouts indispensables à ce poste : une courtoisie notoire, une connaissance très pointue des dossiers, un carnet d’adresses bien fourni, une discrétion à toute épreuve et… une fidélité sans faille à son chef. Aussi est-ce à lui que le président Omar Bongo Ondimba a confié le soin de superviser les relations extérieures du Gabon. Voilà plus d’un quart de siècle que Ping fréquente assidûment le Palais du bord de mer. Et au moment où son patron assure la présidence en exercice de la Communauté économique et monétaire de l’Afrique centrale (Cemac), le ministre intervient sur les principaux dossiers qui préoccupent la sous-région.
Très actif lors de la tentative de putsch du 16 juillet 2003 à São Tomé, Ping a mouillé sa chemise pour que l’option diplomatique l’emporte. Alors que le Nigeria préconisait une méthode plus musclée, les négociateurs francophones – gabonais en tête – ont privilégié le dialogue, et finalement obtenu le rétablissement dans ses fonctions du président démocratiquement élu, Fradique de Menezes. Depuis cette date, la Cemac s’emploie à ramener l’archipel dans sa sphère d’influence. Le 28 janvier, le chef de l’État santoméen a participé au sommet de la Communauté à Brazzaville en tant qu’observateur, et son pays envisage aujourd’hui de rejoindre la zone franc.
Si le leadership gabonais sur l’Afrique centrale peut agacer certains, il est néanmoins reconnu par tous. « Face aux ambitions subsahariennes du colonel Kadhafi, et face à l’activisme brouillon d’un Nigeria en quête de reconnaissance, explique un diplomate occidental, Ping milite pour le maintien d’une influence francophone dans la région, et plus précisément en Afrique centrale. Avec un certain succès. »
Présent sur tous les fronts qui s’ouvrent dans la sous-région, Jean Ping était également en Centrafrique le 19 mars 2003, quatre jours après la prise de pouvoir du général François Bozizé. Cette prise de contact avec le nouveau maître de Bangui conduira vers la reconnaissance du régime putschiste par ses homologues de la Cemac, qui l’accueillent au sommet de Libreville le 2 juin suivant. À l’heure où la majorité des bailleurs de fonds condamne systématiquement les coups d’État, la Cemac ouvre une brèche. Si la Communauté a défendu l’ordre constitutionnel à São Tomé, personne n’a pris la peine de plaider la cause d’Ange-Félix Patassé, le président déchu de RCA : « Il y a les principes et la réalité. Mais il faut savoir faire la part des choses, reconnaît Ping. Et en apportant notre soutien à la transition, nous oeuvrons pour le retour à l’ordre constitutionnel à Bangui. »
De la Côte d’Ivoire à la RD Congo, en passant par Brazzaville ou le Darfour, Jean Ping suit de près les crises qui déchirent la région. Sans négliger pour autant les relations avec les grands de ce monde. Le 25 mai dernier, il était à Moscou pour rencontrer son homologue russe, Sergeï Lavrov, ainsi que les représentants de sociétés pétrolières susceptibles de prospecter les eaux gabonaises. Vingt-quatre heures plus tard, il assistait à la rencontre entre George W. Bush et Omar Bongo Ondimba à la Maison Blanche. Au menu : sécurité, biodiversité et… hydrocarbures. Sur ce plan, la visite officielle que le président de la République populaire de Chine Hu Jintao a effectuée à Libreville, du 1er au 3 février dernier, est incontestablement l’un des plus beaux succès de la diplomatie gabonaise. « Ce n’est pas un hasard si, sur quarante-six pays d’Afrique subsaharienne, le chef de l’État chinois a choisi de faire escale à Libreville, confiait-il quelques heures avant l’arrivée de son hôte. La stabilité du Gabon et l’autorité de son président ne sont pas étrangères à ce choix. » Son pétrole non plus, même si les réserves gabonaises ont tendance à s’amenuiser.
Fils de commerçant chinois, Jean Ping – fréquemment surnommé Mao – n’a pas ménagé sa peine pour que ce voyage soit un succès. Nourrissant un attachement sentimental pour l’empire du Milieu, ce métis d’Omboué est né le 24 novembre 1942 dans l’Ogooué maritime : « Mon père a quitté la Chine à 19 ans pour rejoindre la France, où il a travaillé comme ouvrier dans les usines de bicyclettes Peugeot, à Sochaux, raconte-t-il. Puis, dans les années 1930, il est devenu marchand ambulant. Il vendait des bibelots sur la côte d’Afrique occidentale. Un jour, il a fait escale à Port-Gentil, où il a rencontré ma mère. Il s’est fixé dans cette région, et il y est devenu exploitant forestier. » Ping va toutefois quitter la lagune du Fernan Vaz pour poursuivre ses études au lycée Léon-Mba de Libreville, puis à Paris. En 1975, il obtient un doctorat de sciences économiques à la Sorbonne, alors qu’il travaille comme fonctionnaire international à l’Unesco. En 1978, il devient premier conseiller de l’ambassade du Gabon à Paris, puis ambassadeur auprès de l’Unesco. En 1984, il rentre au pays et devient directeur du cabinet civil du chef de l’État. Il entre au gouvernement en 1990 en qualité de ministre de l’Information, des Postes et Télécommunications, du Tourisme et des Loisirs, de la Réforme du Secteur public, chargé des Relations avec le Parlement. Véritable homme-orchestre, il assume en outre la fonction de porte-parole du gouvernement.
En 1992, au lendemain de la Conférence nationale, il obtient le maroquin des Mines, des Hydrocarbures, de l’Énergie et des Ressources hydrauliques. Après une première expérience comme chef de la diplomatie en 1994, il est nommé aux Finances, puis au ministère de la Planification, de l’Environnement et du Tourisme jusqu’en janvier 1999, date à laquelle il devient ministre d’État chargé des Affaires étrangères, de la Coopération et de la Francophonie. Téléphone portable à portée de main, cet hyperactif est un boulimique de travail. Élu député d’Omboué en 1996 et en 2001, l’homme semble plus doué pour les subtilités diplomatiques que pour le militantisme de base. Pourtant, ce membre éminent du PDG (Parti démocratique gabonais), s’il n’appartient à aucun courant, ne rechigne pas à descendre sur le terrain. Patron politique de la province de l’Ogooué maritime, il y affronte indirectement le Parti gabonais du progrès (PGP), que préside son demi-frère, l’opposant Pierre-Louis Agondjo Okawé. Sans pour autant croiser le fer avec lui. Ni avec personne d’autre, d’ailleurs. Dans un pays où la longévité ministérielle est souvent proportionnelle à la fréquence des interventions de chacun dans le débat politique, Jean Ping, lui, est quasiment absent des joutes qui animent le microcosme de Libreville. Très discret sur les dossiers que lui confie le chef de l’État, il est diplomate par nature. Et très prudent dans ses propos… Au risque de laisser sur leur faim les journalistes en quête de confidences.
De toutes ses expériences passées, c’est certainement sa mission au Palais du bord de mer qui a le plus compté pour lui. Conseiller personnel d’Omar Bongo Ondimba, il devient directeur de cabinet par intérim du président de la République en remplacement de Jean-Pierre Lemboumba Lepandou, alors tombé en disgrâce. Depuis, il fait partie des plus proches collaborateurs du « patron ». Même s’il risque, au cours des prochains mois, d’être fréquemment absent de la capitale gabonaise. Le 10 juin, l’Union africaine a soutenu la candidature du ministre gabonais des Affaires étrangères à la présidence de l’Assemblée générale des Nations Unies. C’est donc à Jean Ping qu’incombera cette prestigieuse mission, confiée pour la première fois à un ressortissant d’Afrique centrale. Celui-ci compte bien mettre à profit cet honneur pour ne pas décevoir ceux qui l’ont choisi. Au nombre des dossiers que la présidence gabonaise compte soumettre à l’Assemblée figure la création d’un poste de membre permanent pour l’Afrique au Conseil de sécurité. Une idée que le président Omar Bongo Ondimba avait été le premier à lancer. C’était au XIVe sommet de l’OUA, à Libreville, en juillet 1977.
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