RDC : Tshisekedi, Kabila et Machiavel

Face aux dissensions au sein de la coalition Cach-FCC, le président congolais mène des consultations pour inverser le rapport de force en sa faveur. Mais il est difficile de savoir s’il y parviendra.

Le président congolais Félix Tshisekedi, le 15 novembre 2019 à Berlin. © Michele Tantussi/Getty

Le président congolais Félix Tshisekedi, le 15 novembre 2019 à Berlin. © Michele Tantussi/Getty

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  • Roger-Claude Liwanga

    Chercheur à l’université Harvard, professeur de droit et de négociations internationales à l’université Emory.

Publié le 6 novembre 2020 Lecture : 3 minutes.

Moins de deux ans après son arrivée au pouvoir, voilà que Félix Tshisekedi est sur le point de rompre l’accord qui liait sa coalition, Cap pour le changement (Cach), et le Front commun pour le Congo (FCC) de son prédécesseur, Joseph Kabila, afin de créer une « union sacrée ».

De toute évidence, le chef de l’État cherche à rebattre les cartes pour prendre le dessus sur ses alliés du FCC et, observant les récentes séquences tactiques du président congolais, certains se demandent combien de fois il a pu lire et relire Le Prince de Machiavel.

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Tensions acerbes

Arrivé au pouvoir en janvier 2019, Félix Tshisekedi avait formé une alliance avec un FCC alors majoritaire au Parlement. Dans ce gouvernement de coalition, dont le FCC contrôle deux tiers des portefeuilles, l’on dénombre de nombreuses tensions entre partenaires.

Lors de son discours à la nation à la fin du mois d’octobre, Tshisekedi en profita non seulement pour dénoncer de multiples blocages dans la coalition au pouvoir et au sein des institutions du pays, mais aussi pour proposer une thérapie consistant à créer une « union sacrée », et ce, après l’organisation de consultations politiques.

Comme l’on pouvait s’y attendre, l’ancien président Kabila a réagi en appelant sa plateforme FCC à la « résistance » face à Tshisekedi qui, selon lui, ne respecte pas l’accord signé début 2019.

Mais pourquoi Tshisekedi continuerait-il de respecter un accord alors que son exécution serait à son désavantage ? Quel bénéfice en retirait-t-il, particulièrement dans la perspective des élections de 2023 ?

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Peut-être s’est-il souvenu des mots de Machiavel, ce penseur de la Renaissance italienne, qui déconseilla « au prince bien avisé d’accomplir sa promesse lorsque cet accomplissement lui serait nuisible, et que les raisons qui l’ont déterminé à promettre n’existent plus ».

Un accord sans raison d’être ?

Mais est-il vrai que les raisons justifiant l’exécution de l’accord entre le Cach et le FCC ont disparu ? À première vue, force est de constater que le contexte politique actuel en RDC est un peu différent de celui qui prévalait début 2019. Félix Tshisekedi, à l’époque novice et dépourvu de majorité parlementaire, était obligé de composer avec son prédécesseur s’il voulait tenir certains des engagements qu’il avait pris envers ses électeurs pendant la campagne.

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Le FCC, quant à lui, ne se privait pas de brandir la menace d’une destitution du nouveau chef de l’État devant la Cour constitutionnelle, dont la majorité des juges lui était fidèle.

Tshisekedi plus fort

Mais aujourd’hui, Tshisekedi semble contrôler certains des leviers qui lui échappaient autrefois. D’abord, il vient de recomposer la Cour constitutionnelle en nommant des juges qui lui sont favorables, rendant ainsi improbable toute tentative de destitution.

Il s’est aussi fait des alliés au sein de l’armée et des services de sécurité : il a procédé à des remaniements, éjecté certains officiers réputés proches de Kabila ou limité leur influence.

Enfin, il existe désormais de véritables dissensions au sein du FCC et il ne serait pas surprenant que certains le quittent pour rejoindre la future « union sacrée » de Tshisekedi. Si cette transhumance se matérialisait, le rapport de force au sein du Parlement s’inverserait alors drastiquement.

Conscient du danger, le FCC multiplie ces derniers temps les réunions pour maintenir l’unité au sein de sa plateforme politique.

La messe n’est pas encore dite

Toutefois, la messe n’est pas encore dite. Il faudra encore évaluer la marge de manœuvre dont dispose Tshisekedi pour se défaire d’un partenaire puissant – contrôlant encore le Parlement et comptant toujours des fidèles dans l’armée – et se lier dans une « union sacrée » avec des acteurs potentiellement « inconstants ». Quoique pertinent, cet exercice paraît ne pas avoir de réponse parfaite dans l’immédiat.

Pour le moment, Félix Tshisekedi devra déjouer le piège dans lequel ses prédécesseurs se sont laissés enfermer. C’est-à-dire éviter que la future « union sacrée » soit une énième plateforme de « redistribution du gâteau », qui ne contribue pas à améliorer le quotidien des Congolais.

S’il veut être réélu en 2023, le président serait avisé de se souvenir de cet autre conseil de Machiavel : un prince doit toujours prendre soin de ne pas être haï et méprisé par son peuple.

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