Le paludisme demain

Publié le 14 juin 2004 Lecture : 3 minutes.

Dans le dernier film catastrophe de Hollywood, The Day After Tomorrow – sorti à Paris au début de juin sous le titre Le Jour d’après -, un réchauffement climatique favorise la propagation du paludisme, en multipliant le nombre de moustiques porteurs du parasite fatal. Plus il fait chaud et humide, plus il y a de moustiques ; plus il y a de moustiques, plus il y a de paludisme : cela paraît logique. Mais la science et la longue histoire des douloureux rapports entre l’homme, les moustiques et le paludisme montrent que c’est seulement la logique d’un scénario hollywoodien.
Nous associons le paludisme aux pays tropicaux, mais la maladie a fait des ravages en Europe et aux États-Unis pendant des siècles en dépit des changements climatiques. En Europe, par exemple, la température s’est considérablement rafraîchie pendant le Haut Moyen-Âge, du Ve siècle à l’an mille, pour remonter vers 1200 – au point qu’on a pu faire du vin en Angleterre – et replonger ensuite pendant les deux siècles au « Petit Âge glaciaire », à partir des années 1650. Cela n’a pas empêché les épidémies – au-delà même du cercle polaire.
Le paludisme a des liens plus étroits avec la richesse qu’avec le climat. Lorsque le niveau de vie s’est amélioré en Europe et en Amérique, le paludisme a reculé. L’assèchement des marais a réduit le nombre des nids à moustiques, les moustiquaires et les fenêtres vitrées ont permis d’éviter les piqûres.
Aujourd’hui, beaucoup d’êtres humains, surtout des enfants de moins de 5 ans, meurent du paludisme, une maladie dont on peut se protéger et que l’on peut guérir. Ils meurent parce qu’ils sont trop pauvres pour disposer de médicaments. Ils meurent parce que même s’ils avaient l’argent pour acheter les médicaments, leurs pays sont trop pauvres pour organiser la distribution de ces médicaments. Ils meurent parce que les gouvernements des pays riches ne veulent pas financer des mesures qui sauveraient des vies, comme de pulvériser de l’insecticide dans les maisons, parce que ces gestes ne sont pas conformes à l’idée qu’ils se font de la « durabilité environnementale ».
Le paludisme est une maladie complexe, mais le meilleur remède pour les habitants des zones impaludées est d’échapper à la pauvreté. Le traité sur le réchauffement climatique – le protocole de Kyoto – ne leur sera d’aucun secours. Même ses défenseurs admettent qu’il coûtera une fortune et qu’il ne ralentira guère le réchauffement du climat. Et si la croissance économique ralentit afin de réduire les émissions de carbone, alors les pays pauvres auront encore plus de mal à se développer et à s’enrichir. Les maladies liées à la pauvreté resserreront leur emprise sur une population captive.
L’hebdomadaire The Lancet, l’un des journaux médicaux les plus prestigieux, publiait, dans l’un des ses derniers numéros, une lettre signée des meilleurs spécialistes mondiaux du paludisme, dont le professeur Paul Reiter, de l’Institut Pasteur de Paris. On pouvait y lire : « Nous comprenons l’inquiétude du public au sujet du changement de climat, mais nous devons souligner que ces prédictions dont on nous rebat les oreilles sont non fondées et trompeuses. »
On peut aller voir The Day After Tomorrow, et passer un bon moment, mais au nom des millions d’Africains menacés par les maladies de la pauvreté, on ne doit pas ajouter foi un seul instant à la thèse que défend le film – à savoir que le ralentissement de la croissance économique évitera le désastre. Nous avons déjà un désastre sur les bras : il s’appelle le paludisme. Il tue un enfant toutes les trente secondes. Pour le combattre, il faut de la richesse et du savoir.
Où en sera le paludisme demain ? Où seront les moustiques « le jour d’après » ? Là où ils sont aujourd’hui, porteurs de la maladie et de la mort. Jusqu’où peut aller « ce mal qui répand la terreur » ? Cela dépend entièrement de nous.

* Richard Tren est le directeur de l’association Africa Fighting Malaria à Johannesburg (Afrique du Sud).

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