Abdellatif Jouahri face au péril des créances impayées au Maroc

Alors que les impayés bondissent et que près de 10 000 entreprises sont menacées de faillite, le gouverneur de Bank al-Maghrib se penche sur la solvabilité des établissements de crédit.

Abdellatif Jouahri. © AP/SIPA

Abdellatif Jouahri. © AP/SIPA

fahhd iraqi

Publié le 6 novembre 2020 Lecture : 2 minutes.

« 80 % de mes clients sont devenus insolvables. Et encore, il ne s’agit jusque-là que de particuliers qui ont du mal à rembourser leur prêt immobilier, le gros de la casse est encore à venir avec les entreprises qui ne vont pas tarder à mettre la clé sous le paillasson ».

Cette confidence d’un directeur d’une agence bancaire de Casablanca en dit long sur l’ampleur des crédits impayés qui donnent des sueurs froides aux autorités monétaires.

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Les dernières statistiques rendues publiques par la banque centrale sont affolantes. À la fin de septembre, le stock des créances en souffrance détenu par les banques frôle les 80 milliards de dirhams (7,4 milliards d’euros). C’est 1,6 milliard de plus en un mois et 9 milliards de plus depuis le début de l’année.

Les défaillances d’entreprises et les faillites devraient commencer à s’accumuler dans les prochains mois, notamment dans les secteurs les plus sinistrés, comme le tourisme ou le bâtiment. Selon les dernières estimations de l’assureur-crédit Euler-Hermes, pas moins de 9 600 entreprises pourraient faire faillite au Maroc. Et les défaillances pourraient bondir de 25 % d’ici la fin de l’année 2021.

Un taux inédit depuis des années

Cette hausse des créances en souffrance concerne aussi bien les prêts aux entreprises qu’aux ménages. Pour les premiers, l’encours atteint près de 45 milliards de dirhams, en augmentation de 12 % depuis le début de l’année, tandis que pour les seconds, l’encours est supérieur à 33 milliards de dirhams, en progression de 14 %.

« Pendant cette période, les crédits distribués n’ont connu une hausse que de 3 % », précise un analyste financier qui prévoit une accélération du rythme des impayés dans les prochains mois.

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« Rapporté à l’encours total des crédits bancaires, qui s’élève à 945 milliards de dirhams, le taux de créances en souffrance du secteur bancaire ressort, à fin septembre, à 8,5 %, contre seulement 7,6 % au début de l’année, ajoute-t-il. Ce taux pourrait aisément dépasser les 10 %, un niveau inédit depuis des années. »

Tourisme et bâtiment, secteurs sinistrés

Les prévisions de Bank Al-Maghrib vont dans le même sens : le taux d’insolvabilité devrait passer à 9,9 % en 2020 puis à 10,8 % en 2021. Lors du dernier conseil de l’institut d’émission, le Wali Abdellatif Jouahri avait tenté de rassurer comme il pouvait : « le niveau des créances en souffrance est encore à un niveau rassurant, mais nous restons vigilants et suivons la situation de très près », avait-il déclaré il y a quelques semaines.

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L’aggravation de la situation a néanmoins poussé le gardien du temple monétaire à prendre les devants. « Une réunion dédiée au sujet est prévu au courant du mois de novembre avec le Groupement professionnel des banques au Maroc (GPBM), confie à JA une source bancaire. Il s’agira de faire un point détaillé sur la situation et ses répercussions sur la solvabilité des établissements de crédit. »

Cette dégradation de la qualité du portefeuille de crédits trouve évidemment son explication dans les effets de la crise sanitaire sur le portefeuille des ménages et la trésorerie des entreprises. Pour ces dernières, les perspectives sont loin d’être prometteuses.

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