L’Éthiopie officiellement en « guerre » contre la région dissidente du Tigré

L’Éthiopie est désormais officiellement en « guerre » contre la région dissidente du Tigré, au nord du pays, où des opérations militaires ont été lancées mercredi, a indiqué jeudi un chef de l’armée éthiopienne.

Abiy Ahmed, Premier ministre éthiopien. © Lee Jin-man/AP/SIPA

Abiy Ahmed, Premier ministre éthiopien. © Lee Jin-man/AP/SIPA

Publié le 6 novembre 2020 Lecture : 3 minutes.

Cela faisait plusieurs semaines que la situation ne cessait de se dégrader entre Addis-Abeba et Mekele, la capitale de la région du Tigré. L’escalade verbale et militaire, ainsi que des informations sur des combats dans l’ouest de cette région du nord de l’Éthiopie, à 700 km d’Addis-Abeba, font désormais craindre un long conflit dévastateur, susceptible de menacer la stabilité, déjà fragile, de ce pays de 100 millions d’habitants.

« Notre pays est entré dans une guerre qu’il n’avait pas prévue. Cette guerre est honteuse, elle est insensée », a déclaré le général Berhanu Jula, chef d’état-major adjoint des forces armées éthiopiennes, lors d’une conférence de presse à Addis-Abeba. « Nous nous employons à faire en sorte que la guerre ne gagne pas le centre du pays. Elle se terminera là-bas » au Tigré, a-t-il ajouté, sans plus de précisions.

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Mercredi matin, le Premier ministre Abiy Ahmed avait annoncé le lancement d’opérations militaires contre les autorités de la région, qu’il accuse d’avoir attaqué des bases militaires éthiopiennes au Tigré. Lauréat du prix Nobel de la Paix en 2019, le Premier ministre éthiopien tente de rétablir l’autorité du gouvernement fédéral dans cette région dirigée par le Front de libération des Peuples du Tigré (TPLF), qui le défie depuis des mois.

Une « invasion »

Le TPLF a nié la réalité de ces attaques, inventées selon lui pour justifier l’intervention militaire. « Ce qui a été déclenché contre nous est clairement une guerre, une invasion », a déclaré le président de la région du Tigré, Debretsion Gebremichael, lors d’une conférence de presse jeudi.

« C’est une guerre que nous menons pour préserver notre existence », a-t-il ajouté, précisant que des combats se poursuivaient dans l’ouest de la région et que l’armée éthiopienne massait des troupes aux frontières des régions Amhara et Afar, respectivement au sud et à l’est du Tigré.

État d’urgence au Tigré

Des diplomates à Addis-Abeba ont indiqué que des pertes de chaque côté étaient probables, mais aucun bilan officiel des combats n’a été donné jusqu’ici. Aucune information n’est disponible sur les opérations en cours, et Internet et le réseau téléphonique étaient coupés jeudi au Tigré pour la deuxième journée consécutive, rendant extrêmement difficile de vérifier la situation sur place.

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Les députés éthiopiens ont approuvé jeudi l’état d’urgence décrété la veille pour six mois au Tigré par le gouvernement fédéral. Selon la Constitution, l’état d’urgence donne au gouvernement « tous les pouvoirs nécessaires pour protéger la paix et la souveraineté du pays ainsi que maintenir la sécurité publique, la loi et l’ordre » et l’autorise à suspendre certains « droits politiques et démocratiques ».

Concrètement, le gouvernement peut désormais imposer un couvre-feu, mener des perquisitions sans mandat, restreindre communications et déplacements et placer en détention « toute personne soupçonnée d’activités illégales menaçant l’ordre constitutionnel », a expliqué un haut responsable gouvernemental à Addis-Abeba. L’état d’urgence pourrait être élargi si nécessaire au-delà du Tigré, a-t-il ajouté.

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« Navettes diplomatiques »

Le gouvernement n’a dans l’immédiat donné ni calendrier ni objectif précis de la campagne militaire, mais le porte-parole de la cellule de crise, Redwan Hussein, a déclaré mercredi que « l’objectif militaire est premièrement de maintenir la loi et l’ordre, ensuite de libérer le peuple tigréen » du TPLF.

L’escalade au Tigré suscite l’inquiétude. « L’Union africaine entreprend actuellement des navettes diplomatiques dans la région avec tous les acteurs pour essayer de trouver une solution. Mais (la situation) est clairement très sensible actuellement », a déclaré jeudi un responsable de l’organisation continentale, dont le siège est à Addis-Abeba. L’ONU et les États-Unis ont appelé mercredi à la « désescalade » et à une résolution pacifique du conflit.

Le TPLF a dominé la coalition qui avait renversé, en 1991, le régime militaro-marxiste de Mengistu Haïlé Mariam, puis exercé un contrôle étroit sur l’Éthiopie pendant presque 30 ans. Mais depuis l’arrivée Abiy Ahmed, un Oromo en avril 2018, il s’est vu progressivement marginalisé du pouvoir. Le TPLF a d’ailleurs refusé de rejoindre le nouveau parti lancé par Abiy Ahmed,  le Parti de la prospérité (PP) venu remplacer l’EPRDF, se positionnant de facto dans l’opposition.

Les tensions n’ont cessé de croître depuis l’organisation, en septembre, d’élections régionales par le TPLF – qui a raflé l’ensemble des sièges – enfreignant le report par Addis-Abeba de tous les scrutins en Éthiopie en raison du coronavirus. Le TPLF avait rejeté la prolongation de tous les mandats arrivant à expiration, y compris celui du Premier ministre. Depuis, le TPLF et le gouvernement se considèrent mutuellement comme illégitimes.

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