[Tribune] Comment le Covid a révolutionné la communication politique au Maroc

Moulay Hafid Elalamy, Saâdeddine El Othmani… avec la pandémie, les leaders politiques comme les institutions ont fait du digital la clé de voûte de leur communication.

Moulay Hafid Elalamy, ministre marocain de l’Industrie. © Pavel Golovkin/AP/Sipa

Moulay Hafid Elalamy, ministre marocain de l’Industrie. © Pavel Golovkin/AP/Sipa

Pascal Aurenche © DR Fatim-Zahra Saadani dirige Online Value, agence spécialisée en marketing technologique et affaires publiques.
  • Pascal Aurenche

    Spécialiste du marketing technologique et des affaires publiques en Afrique, fondateur et dirigeant d’Online Value

  • et Fatim-Zahra Saadani

    Présidente de l’Observatoire des Opinions Publiques Numériques, organisme indépendant d’analyse du mécanisme de l’opinion sur internet

Publié le 6 novembre 2020 Lecture : 3 minutes.

Le constat est partagé par tous : la crise liée à la pandémie de Covid-19 a révolutionné la communication des acteurs publics. Il fallait répondre à une attente pressante, diffuser les consignes sanitaires et assurer la continuité du service public. Les outils numériques ont très majoritairement relayé ces messages, et l’usage du numérique a explosé pendant cette période.

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Mais les différents acteurs du secteur public ont eu du mal à établir des stratégies de communication visant à faire accepter les nouveaux comportements sanitaires, surtout pour anticiper le déconfinement. Une communication publique très verticale qui aura peut-être oublié les caractéristiques intrinsèques des réseaux sociaux, qui sont pourtant parfaitement mesurables en temps réel. 

Même si la pandémie de Covid-19 n’est pas encore derrière nous, on peut tenter d’analyser les deux premières grandes phases : le confinement et le déconfinement.

Explosion de l’emprunte numérique

Au Maroc, ce sont les acteurs gouvernementaux qui ont pris en main la communication publique du confinement. Une explosion de 1 400 % de l’empreinte numérique – une empreinte numérique est une mesure quantitative de la présence d’une « entité » sur l’ensemble des médias sociaux, blogs, forums, presse et sites web – des principaux ministères par rapport à la période d’avant le déclenchement de la pandémie a mis en lumière l’impérieuse nécessité de communiquer à travers les réseaux sociaux.

Sans surprise, c’est pour le ministère de la Santé que l’augmentation de l’empreinte numérique est le plus importante, avec l’émission de quasiment vingt informations par mois sur lesquelles tous les Marocains ayant accès à internet (25 millions de personnes) se seront arrêtés.

Le ministère de l’Industrie a pris le leadership sur deux sujets majeurs : l’approvisionnement des marchés et la transformation de l’industrie

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Le ministère de l’Industrie, quant à lui, arrive en deuxième position, avec la prise de leadership de la communication sur deux sujets majeurs : l’approvisionnement des marchés en denrées alimentaires de première nécessité et la transformation de l’industrie marocaine pour fournir les éléments d’hygiène et médicaux nécessaires (gel hydroalcoolique, masques de protection, matériel de protection pour les soignants, respirateurs, lits de réanimation…).

La communication publique aura mis en avant un État protecteur grâce à un gros effort de communication digitale, avec une information facile à comprendre et qui suscite un élan de confiance envers les institutions.

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Mais la phase de déconfinement aura quasiment annulé tous ces effets positifs. D’abord, à travers une baisse importante de l’empreinte numérique des acteurs gouvernementaux (allant jusqu’à près de 40 % pour le ministère de la Santé). Ensuite en faisant montre d’un manque de cohérence et de constance dans leur communication, voire des messages contradictoires, qui ont créé confusion et désinformation.

L’information « augmentée »

Cette période aura permis d’ouvrir de nouvelles perspectives : la communication digitale joue désormais un rôle majeur dans la communication publique.
Les changements importants dûs aux crises (sanitaires, économiques, sociales) débouchent le plus souvent sur de nouveaux paradigmes. C’est le cas aujourd’hui, où l’information publique est « augmentée » par le numérique.

L’irrationnelle liberté des réseaux sociaux, qui engendre de nouvelles formes de comportements, forme et déforme les systèmes de régulation classique de l’information.
Il est impératif de parfaitement maîtriser ce « cinquième pouvoir », son fonctionnement et les processus de changement qu’il porte en lui.

On ne peut gagner et maintenir la confiance des citoyens sans atteindre le point d’équilibre entre une communication institutionnelle verticale et la parfaite maîtrise des codes des réseaux sociaux. À défaut, la rupture de confiance est inévitable.

C’est d’autant plus vrai que la crise sanitaire est loin d’être finie, beaucoup de sujets vont se présenter. Il faudra apprendre à les traiter, notamment en installant une « conversation » avec les principales populations concernées.

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