Ils font parler d’eux

Entrepreneurs, journalistes, juristes ou artistes contribuent, par leur dynamisme, à faire bouger la cité du Wouri.

Publié le 14 juin 2004 Lecture : 8 minutes.

Mariette Moulongo Femme d’affaires engagée
Au départ, rien ne prédestinait cette jolie fille de Douala à devenir l’une des femmes chefs d’entreprise les plus prospères de la ville, voire du pays. Diplômée bilingue en lettres, Mariette Moulongo se destinait plutôt à une carrière d’enseignante. Mais en ce début des années 1980, les temps sont durs. La jeune femme enchaîne les petits boulots avant de décider de créer sa propre entreprise. Camnet, une société de nettoyage, naît en 1985. Pourquoi ce créneau ? « Parce qu’il ne demandait aucun capital de départ », explique
sa fondatrice. Au début, l’entreprise ne compte que six employés. C’est une telle réussite que lorsque Mariette la vend en 1999, elle gère 180 salariés Mais avant cela, celle qui se révèle un excellent stratège diversifie ses activités et crée une autre société, ABS, qui importe des produits d’entretien. En 1997, forte de ces expériences de terrain, Mariette Moulongo décide de transmettre son savoir-faire aux autres femmes. Le Centre d’appui et de promotion pour l’entrepreneuriat féminin (Capif), une organisation non gouvernementale, voit le jour. Depuis lors, quelque deux cents femmes ont soumis leur projet à Mariette, que ce soit pour créer un salon de coiffure, une plantation de soja ou un petit commerce. Cette quadragénaire mère de deux enfants ne s’arrête pas à ces succès.
« J’adore les défis », confie-t-elle. Le dernier en date : créer un patronat exclusivement féminin !

Martin Abéga Ambassadeur du patronat Mariette Moulongo Femme d’affaires engagée
Des lunettes dorées posées sur le nez, un sourire de vainqueur, le costume sombre et élégant, tiré à quatre épingles : Martin Abéga, 44 ans, a tout d’un homme affaires. Depuis le 1er avril, il est même devenu l’un de leurs représentants en accédant au poste de secrétaire général du Groupement interpatronal camerounais (Gicam). D’emblée, l’homme semble très à l’aise dans ses nouvelles fonctions quand on l’observe dans son bureau en marbre rose situé au dernier étage du nouvel immeuble du Gicam. Un oeil sur l’écran de son ordinateur, une oreille collée à son portable et quelques mots fermes mais encourageants à ses troupes. Il faut dire que le nouveau locataire de ce bureau très convoité – sept candidats étaient en lice – a l’habitude de faire plein de choses à la fois. Son secret ? La communication. Après des études à l’Institut d’études politiques de Toulouse (France), puis un doctorat obtenu au Centre d’études diplomatiques et stratégiques de Paris, Martin Abéga endosse une carrière de journaliste. Tour à tour superviseur des hors- séries bancaires de Marchés tropicaux, rédacteur en chef d’Afrique Finance Magazine et de Hilton Magazine, le reporter flirte avec le monde de la communication. Ce qui l’amène – son dernier poste avant le Gicam – en août 2002 à la fonction de directeur de la communication et des affaires juridiques au sein de la British American Tobacco (BAT). C’est sans doute grâce à ces expériences de communicateur que Martin Abéga va pouvoir atteindre son objectif : donner encore plus de poids au Gicam et aux entreprises camerounaises qu’il représente.

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Mireille Némalé Un chef d’entreprise aux doigts de fée
Mireille Némalé ne porte pas les vêtements qu’elle crée. Elle n’en est pas moins chic dans son tailleur couleur sable. L’élégance, c’est son affaire. Et à 55 ans, la patronne du groupe Yvy n’est pas près d’arrêter d’en découdre avec les tissus. Bien au contraire. Elle a la ferme intention de faire prospérer l’entreprise de textile qu’elle a fondée en 1987. C’est dans la capitale mondiale de la mode, à Paris, que Mireille a fait ses classes de couture. Elle en est repartie avec plein d’idées en tête et, surtout, une machine à coudre digne de ce nom. De retour à Douala en 1973, Mireille Némalé enseigne la couture dans une école située à Akwa, en centre-ville. Simultanément, Mireille continue à coudre. Elle se fait connaître par le bouche à oreille et passe d’une ligne de vêtements pour enfants à une collection pour adultes. Au fur et à mesure, sa réputation grandit et Mireille décide de monter sa propre entreprise. D’où le groupe Yvy, qui emploie aujourd’hui huit personnes. En fine gestionnaire, l’élégante de Douala diversifie ses activités. Elle se lance alors dans la décoration et le linge de maison. C’est un succès… qu’elle aimerait bien exporter.

Jules Wokam Un designer résolument urbain Ils font parler d’eux
Entrepreneurs, journalistes, juristes ou artistes contribuent, par leur dynamisme, à faire bouger la cité du Wouri.
Des tabourets traditionnels munis de vide-poche en métal, des bancs aux lignes épurées creusés dans les essences locales, des abribus au goût du jour… Du haut de ses 30 ans, Jules Wokam ne manque pas d’idées pour faire de Douala un endroit agréable et fonctionnel. « Je m’inspire principalement de la rue tout en évitant de verser dans la mode ethnique », confie le jeune designer, qui est passé par l’école des arts décoratifs de Strasbourg après avoir étudié la physique – « pour comprendre la mécanique de l’objet ». Plutôt que de piquer des idées ailleurs et de les recopier à l’identique, il a choisi de les repenser, de se les approprier. Wokam a notamment aménagé le village du festival Africalia à Bruxelles. Il a également participé à la Biennale des arts contemporains de Dakar, et à celle de Saint-Étienne. Son succès ne lui monte pas à la tête pour autant. Et ne le conduira pas non plus à l’industrialisation du design. « Si je parviens à faire des séries limitées de 50 exemplaires, ce sera déjà pas mal. »

Pius Njawé La plume dans la plaie
Ce n’est pas 126 arrestations qui vont lui ôter son sourire… Ni son franc-parler ! Pius Njawè continue d’être l’enfant terrible de la presse camerounaise. Même s’il n’est pas sorti indemne des dix mois de prison dont il écopa en 1997 pour « propagation de fausses nouvelles sur la santé du chef de l’État ». Aujourd’hui encore, Freedom FM, la radio de son groupe de presse, Le Messager, est sous scellés depuis un an… Sa passion du journalisme, il la doit à l’écrivain René Philombe. Installé dans son bureau de la rue des Écoles sous une photo le montrant aux côtés de Mandela, Njawé fait défiler ses souvenirs. Il raconte son enfance à Bafoussam, les heures passées à lire en cachette après son boulot de mécanicien, son expérience de vendeur à la criée… C’est en autodidacte qu’il crée Le Messager en 1979. Vingt-cinq ans après, l’homme âgé de 47 ans se passionne toujours pour ce qui touche ses lecteurs, comme l’éducation, la justice, la santé. Et préfère parler de ses projets, comme la périodicité de son journal (actuellement trihebdomadaire), dont il rêve de faire un quotidien.

Thomas Dakayi Kamga Le pilote de la Camair
Comptant plusieurs gros chantiers à son actif, dont le barrage de Song-Loulou et la centrale d’Edéa, Thomas Kamga est propulsé au poste de directeur général adjoint de la nouvelle entité. Un tremplin pour le ministère de l’Équipement… avant de retourner à la Sonel et de se voir confier en 1988 la direction générale de la Société camerounaise des sacheries (SCS), qui fabrique des emballages pour les produits agricoles et industriels. Il n’y reste que trois années.
En 1991, ce Bamiléké, amoureux de sa culture d’origine et de ses traditions, est nommé secrétaire général de l’Union douanière et économique d’Afrique centrale (Udéac). Grâce à lui, l’organisation est non seulement maintenue, mais elle donne, en outre, naissance à la Communauté économique et monétaire de l’Afrique centrale (Cemac). C’est sans doute sa propension à savoir faire face aux situations difficiles qui a conduit le chef d’État à nommer Thomas Dakayi Kamga à la direction de la Camair, car l’intéressé lui-même avoue ne pas être familier des transports aériens.

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Gérard Wolber Un ténor du barreau
Qui pourrait croire, en découvrant l’impressionnant désordre qui règne dans son bureau, que Gérard Wolber, l’avocat blanc de Douala, est à la tête d’un cabinet qui tourne rondement ? C’est pourtant le cas. Il est vrai qu’il y a belle lurette que ses clients – quelques grosses sociétés de la place – se sont pliés à ses manières. Ils ne s’énervent pas quand il est en retard, évitent de le déranger avant midi et s’accommodent des odorantes volutes qui s’échappent de sa grosse pipe. De toute façon, le travail sera fait. « Et très bien fait », précise son confrère Roland Olinga, qui n’a pas pour habitude, lui, de travailler la nuit. Ni d’être en retard à ses rendez-vous. Il en veut pour preuve leur toute dernière victoire sur un homme d’affaires indélicat, Alphonse Bibéhé, qui était parvenu, au moyen d’une décision de justice pour le moins contestable, à se débarrasser de son partenaire allemand. Après huit mois de procédures, c’est avec l’aide de la force publique que la société Warsteiner, qui fabrique la bière Isenbeck, a été rétablie dans ses droits. Pour maître Wolber, c’est un « signal encourageant ». La preuve, peut-être, que le Cameroun, qui a décroché plus d’une fois la coupe du monde des pays les plus corrompus décernée par l’ONG Transparency International, est enfin décidé à protéger les investissements étrangers.
Reste que dans cette bonne ville de Douala, où le greffe du tribunal de justice enregistre chaque jour plus de procédures judiciaires qu’il y a de coups de cymbales dans une symphonie de Wagner, les avocats ont de beaux jours devant eux. Et c’est tant mieux pour lui. Car, après vingt-huit ans de vie sur les rives du Wouri, ce père de deux enfants qu’il a eus avec une femme d’affaires syro-camerounaise, Elissar, n’a pas du tout l’intention de rejoindre celles de la Seine. Et dire qu’il a débarqué au Cameroun en 1976 comme avocat stagiaire. Pour un coup d’essai, c’était un coup de maître !

Petit-Pays Provocateur professionnel
Quand les gens du métier virent Adolphe Claude Moundi – Petit-Pays pour ceux qui ne le connaissent pas – débarquer à Paris un beau jour de 1985, ils le considérèrent d’abord comme un artiste camerounais de plus. Et pendant près d’une décennie le musicien surdoué, ex-star des collèges dès l’âge de 14 ans, fit dans un makossa timide. Virage à 180 degrés, dès son retour au pays, dans les années 1990. Il met du ndombolo dans l’idiome local et devient dès lors une star au royaume des Lions indomptables. Au fil de sa quinzaine d’albums, il bombe le torse en autant de surnoms : King of Makossa, Love, Oméga, Turbo d’Afrique, Le Neveu de Jésus ! Mais, surtout, il devient celui par qui le scandale arrive : il pose nu, en 1996, sur la pochette de son album Fais-moi câlin. Défraie la chronique en vivant en collectivité chez lui, à Douala, avec ses danseuses. Il est aussi le spécialiste des déclarations sulfureuses : « J’admire l’intelligence de Ben Laden, sa patience, sa foi. Je trouve qu’il est de la trempe de Nelson Mandela. » Ou : « Le Cameroun est le pays le plus mauvais du monde. Les gens ne me laissent pas m’exprimer. » Alors, provocateur ou déjanté ? Lui seul sait probablement le fin mot de son histoire…

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